jeudi 28 mars 2024

CD. French Romantic Cantatas, Cantates romantiques françaises. Karine Deshayes, mezzo soprano.

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Desayhes_opera_fuoco_david_stern_cantates_romantiques_herold_cherubini_boisselot_cantates_romantiquesCD. French Romantic Cantatas, Cantates romantiques françaises. Karine Deshayes, mezzo soprano. La valeur de ce nouvel album tient à son sujet : la Cantate académique. Il s’agit bien de démontrer la très haute qualité d’écriture (d’essence lyrique et dramatique) d’un genre qui inspire ici de réels accomplissements (donc en particulier au milieu des années 1830, pleine période romantique). La Cantate romantique, en témoignent celles nombreuses de Berlioz, a suscité d’indiscutables génies musiciens, futurs compositeurs d’opéras… qu’il faudra bien un jour ou l’autre dévoiler enfin. Concernant ce programme, les deux partitions majeures demeurent la cantate Circé de Cherubini de 1789 et cette Velléda de Boisselot (1836), aînée de celle de Dukas, lui aussi poète inspiré par le profil de la gauloise magnifique. Circé confirme la finesse d’écriture d’un Cherubini qui a l’ampleur et le raffinement des plus grands. La couleur s’invite aussi dans une texture très virile (bassons graves et austères, d’une sinueuse et voluptueuse activité). Certes, il ne s’agit pas d’une Cantate pour le Prix de Rome, mais l’oeuvre tout en affirmant la place de Cherubini en France, indique très clairement les origines et la source auxquelles s’abreuvent les jeunes académiciens au début du XIXè, tel Boisselot… Qualité déclamatoire, précision et justesse prosodique, puissance parfois sauvagerie qui annonce sa Médée de 1797.

 

 

Circé, Velléda … furieusement romantiques

 

La Velléda de Boisselot de 1836, oeuvre d’un Prix de Rome accomplit la forme de la cantate pour voix seule, comme Berlioz au début des années 1830 (ultime offrande dans ce format a voce sola). Cette Velléda, contemporaine des grands accomplissements romantiques à l’opéra (Les Huguenots de Meyerbeer ou Lucia di Lammermoor) s’articule en trois airs d’après Chateaubriand : la druidesse, éprise du consul Eudore, mène malgré elle son peuple à la mort assurant la victoire des romains… C’est en filigrane la soeur de Norma : même passion foudroyée sur l’autel de la guerre, même femme amoureuse détruite et trahie, et aussi fille endeuillée, terrifiée par une horreur… qui finit suicidaire (sur la lame de sa serpe d’or) : une figure passionnante, propice à un superbe traitement musical et linguistique.
Le druidisme de Boisselot s’accomplit ici avec éclat et surtout des couleurs et nuances en une langue âpre, mordante à laquelle Karine Deshayes apporte une flamme passionnante (soprano ample et très incarné… sur les traces évoquées de la Falcon). L’orchestre sait étager avec fureur les clameurs de la bataille lointaine avec ce gong pathétique et tragique qui marque le début du combat effrayant et décisif. Dans l’esprit, Boisselot synthétise et Berlioz et Bellini, sachant évidemment (dès la harpe d’ouverture) recueillir les fruits de la mélopée enivrante et langoureuse, la langueur étant du reste la véritable nature de Velléda : une ivresse des sens qui la mène au suicide. Le cd nous restitue l’étoffe passionnelle de l’héroïne avec une voix féminine idoine quand la création de la cantate fut plutôt confiée à … un ténor (pénurie de chanteuses alors).

L’air de Néris (Ah nos peines seront connus) extrait de Médée de Cherubini souligne l’orchestrateur et mélodiste indiscutable avec la couleur du basson très mis en avant, en relation avec la haute virtuosité de l’école française d’alors.

Aux côtés de Circé et de Velléda, l’Ariane de Hérold (1811) fait un peu tâche. Plus tardive et plus  » grise » et  uniforme, elle n’est pas la meilleure oeuvre du compositeur. Elle éclaire plutôt  la carrière du jeune musicien académique (20 ans). L’élève de Méhul se remettra à l’ouvrage l’année suivante pour décrocher le Prix de Rome, en digne « moderne », plus habile encore dans la modulation harmonique, nerf dramatique sousjacent de l’action lyrique.

Outre les deux cantates majeures de l’album, chef et musiciens redoublent d’engagement habile pour le cantabile et la fureur parfois brouillonne de l’ouverture de Cherubini (nouvelle version réorchestrée par l’auteur en 1820), mais aussi ce frénétique émergeant dans Circé (Cherubini préfigure en cela l’arc tendu d’un Spontini). Tandis que la Velléda de Boisselot s’affirme indiscutablement parmi les oeuvres les plus convaincantes du programme. Pour juger de la valeur des oeuvres ici ressuscitées (et donc recréées), visionnez notre reportage vidéo exclusif : Cantates romantiques (Boisselot, Cherubini…) par Karine Deshayes. Réserve : la prise de son trop réverbérée dans une église impropre pour la nature fiévreuse et lyrique et théâtrale des Cantates ici abordées. On a compris que les cantates couronnées par le Prix étaient jouées avec orchestre sous la coupole de l’Institut mais cette résonance d’église reste hors sujet.

French Romantic Cantatas, Cantates romantiques françaises. Cherubini (Circé, air de Néris), Boisselot (Velléda), Hérold (Ariane). Karine Deshayes, mezzo soprano. Opera Fuoco. David Stern, direction.  1 cd Zig Zag ZZT337. Enregistrement réalisé à Paris, église Notre-Dame du Liban en mars 2013. Durée : 1h17mn.

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