vendredi 29 mars 2024

CD, critique. SALIERI : TARARE (Talens lyriques, 2018, 3cd Aparté)

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SALIERI-tarare-opera-critique-cd-rousset-talens-lyriques-dubois-bou-martin-critique-cd-cd-review-classiquenews-opera-baroque-annonce-classiquenews-opera-concerts-festivalsCD, critique. SALIERI : TARARE (Talens Lyriques, 3cd Aparté / 2018). Hier, Les Danaïdes (1784), Les Horaces (1786), l’ensemble français sur instruments d’époque, Les talens lyriques abordent en novembre 2018 (le triple coffret prolonge les soirées en version de concert), Tarare (1787), une partition qui n’est pas une première mondiale, puisque dès 1988 (Festival de Schwetzingen), le chef visionnaire Jean-Claude Malgoire retrouvait et comprenait les enjeux esthétiques d’un opéra manifeste.
Tarare sur un livret de Beaumarchais porte les idéaux des Lumières : le héros positif et humaniste est jalousé par un roi envieux et retors ; mais grâce à l’intervention d’un travesti, le castrat Calpigi, Tarare retrouve son aimée qu’avait fait enlever le suzerain indigne… L’opéra est même l’aboutissement des travaux et réflexions de Beaumarchais sur le genre lyrique et sur la place de la musique aux côtés du texte. AInsi, l’ouvrage connaît un succès immédiat, étant joué et repris régulièrement 15 ans après sa création. L’écrivain libertaire et polémiste, admirateur comme Rousseau, de Gluck, outrepasse encore les idées de son Barbier de Séville, conçu à l’origine comme un opéra-comique. C’est finalement Salieri, – rencontré à la création des Danaïdes (créé 3 ans auparavant), qui met en musique son livret Tarare. Il y épingle en règle l’église et la monarchie. Atar est un sultan aigri et corrompu jusqu’à l’os ; quand Arthénée est le grand-prêtre maffieux, irrespectueux et manipulateur à l’endroit des croyants.
Tout en ciselant un texte mordant, à idées, Beaumarchais sait ménager des temps narratifs, hors drame, pour que s’épanouisse aussi la pure musique (cf ici le ballet confrontant bergères courtisanes – claire référence à Marie-Antoinette, et rustauds rustiques). Il installe donc son action en Orient (Ormuz) à des fins de merveilleux et de poésie, écrin à un drame très contrasté, aux déductions philosophiques.

TARARE : l’ambition de Beaumarchais à l’opéra…
musique mécanique de Salieri

Inspiré par un dieu asiatique (Brama), le ténor Cyrille Dubois incarne le général Tarare non sans relief, soulignant les vertus et l’éclat d’un être de lumière qui aime et est aimé en retour (tout l’inverse de son souverain Atar) ; en comparaison, l’odieux tyran cynique (Jean-Sébastien Bou) se relève tout autant impeccable dans la hargne dévorante; la jalousie rongée, vis à vis de son soldat plutôt populaire et qu’aime sa femme trop loyale. Justement la belle Astasie (Karine Deshayes), au profil gluckiste (moral et lumineux) impose une dignité amoureuse (pour Tarare) admirable. En deça, moins délirant et un peu lisse (barcarolle), Enguerrand de Hys fait un Calpigi, suffisamment varié cependant pour se distinguer. Cependant que Tassis Christoyannis impose son tempérament jupitérien en Arthénée. Les seconds rôles sont bien servis grâce à l’éloquence vocale des chanteurs Jérôme Boutillier (Urson) et Philippe Nicolas-Martin (Altamort, entité fourbe, menaçant la vie de Tarare).

Comme à son habitude, l’ensemble Les talens lyriques ne manque pas de mordant ni de relief, il est articulé et flexible mais la tension et la raideur qu’imprime le chef, assèchent une partition déséquilibrée musicalement, qui manque de poésie (raméllienne) comme de rondeur dramatique (Gluck). Salieri reste un bon faiseur mais dans le registre tragique, accuse une affection pour la dureté, le tranchant que vivifie la nervosité raide de la direction (laquelle s’interdit toute échappée lyrique voire voluptueuse. d’une partition qui cède parfois cependant à la tentation de la couleur)… Même si l’on remarque et distingue la vitalité d’une écriture vivante, où le récitatif continu accompagné par l’orchestre semble détrôner la coupe air / récitatif, on reste bien peu impliqué par l’ouvrage ; on préfère globalement le Salieri volage et badin dans l’opéra buffa, immersion méconnue jusque là, et définitivement plus convaincante (La Scuola degli Gelosi, perle de 1778, révélée par L’arte del mondo / 
Werner Ehrhardt / CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2017) . Même le Prologue qui évoque après un chaos universel, l’avènement des hommes parfaits parce qu’indifférents aux privilèges et à la gloire (tout l’inverse des manants du XVIIIè épinglés par l’auteur), l’orchestre comme les chanteurs ont peine à défendre un texte et un tableau trop déclamatoire : de fait, le prologue propre à la tragédie en musique spécifiquement française, souffre d’une aridité mécanique. Peu de compositeurs (comme Rameau) ont su renouveler le genre en la matière.

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CD, critique. SALIERI : TARARE (Talens lyriques, 2018, 3cd Aparté) – livret de Beaumarchais. Cyrille Dubois (Tarare), Karine Deshayes (Astasie), Jean-Sébastien Bou (Atar), Judith Van Wanroij (la Nature, Spinette), Enguerrand de Hys (Calpigi), Tassis Christoyannis (Arthénée, le Génie du feu), Jérôme Boutillier (Urson, un Esclave, un Prêtre), Philippe Nicolas-Martin (Altamort, un Paysan, un Eunuque) ; les Chantres du Centre de musique baroque de Versailles ; les Talens lyriques, dir. Christophe Rousset. 3 cd – enregistrement live nov 2018.

LIRE aussi notre présentation de TARARE de SALIERI en 2018

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