vendredi 19 avril 2024

CD, critique. MOZART : Apollo et Hyacinthus (Classical Opera, Ian Page, Signum classics, 2011)

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Apollo-Web-Square mozart classical opera the mozartist ian page cd review critique cd par classiquenewsCD, critique. MOZART : Apollo et Hyacinthus (Classical Opera, Ian Page, Signum classics, 2011). Frénétique (post gluckiste), nerveux, sanguin, l’orchestre de Appolo et Hyacinthus prolonge la coupe et la syncope du Sturm un drang, tout en révélant déjà la sensibilité émotionnelle du jeune Mozart, ici confronté à l’opéra pour la première fois, réussit plutôt un ouvrage qui relève du genre oratorio. Commande de l’Université des bénédictins de Salzbourg en 1767, l’ouvrage est le fruit des réflexions très mures déjà d’un compositeur de 11 ans. D’emblée c’est l’assurance et la tendresse de l’écriture qui force l’admiration (ampleur à la fois noble et profonde du premier choeur « Numen o Latonium », qu’accompagne un orchestre d’un raffinement absolu. L’ouvrage est l’aboutissement d’un travail et d’une conception, prolongement de sa tournée européenne réalisée en 1766, au cours de laquelle le jeune compositeur recueille la riche expérience et le style des contrées traversées. Wolfgand n’en est pas à sa première pièce d’envergure : il a déjà composé « Die Schuldigkeit des ersten Gebots / Le devoir du Premier Ordre » (mars 1767), suivi par la superbe musique de la Grabmusik. Ces premiers accomplissements, séduisants, et profonds – la profondeur si absente chez tous les compositeurs contemporains, fondent sa première notoriété et conduit les autorités de Salzbourg à solliciter le jeune compositeur au milieu des années 1760, alors qu’il est à peine adolescent. Sur le livret du père Widl, Mozart traite de l’amour du dieu Apollon pour le jeune Hyacinthe. Le dieu lui apprend le lancer du disque. Mais à cause de Zéphyr, également amoureux du beau mortel, Hyacinthe reçoit le disque à la tempe et meurt dans les bras d’Apollon, inconsolable. Dans son sang répandu, au sol, émergent bientôt des … iris (et non des jacinthes). Selon les recherches de certains historiens spécialistes de la mythologie, l’amour d’Apollon pour Hyacinthe serait à l’origine des mythes pédérastes en vigueur à Sparte.
Pour rendre le mythe acceptable et hautement moral, Widl modifie la crudité de la légende antique et spartiate, il invente le personnage de Melia (qui devient la soeur de Hyacinthe), laquelle est la jeune femme qu’Apollon souhaite épouser… au grand dam de Zéphyr qui aime aussi la dite Melia; mais après avoir appris que Hyacinthe son frère a été frappé mortellement par le disque d’Apollon, en présence de Zéphyr, la jeune femme exige du dieu qu’il disparaisse. Mais Oebalus, père de Hyacinthe, recueille avant sa mort, la confession par son fils, que c’est Zéphyr qui l’a tué. Melia, Oebalus souhaitent n’avoir pas offensé Apollon dont la protection est garante de l’harmonie et de la paix du royaume. Finalement, Apollon célèbre la mémoire de Hyacinthe en permettant que paraissent des jacinthes au lieu de sa mort : le dieu peut épouser Mélia.
Ian Page respecte l’histoire et le genèse de l’opéra de Mozart : la juvénilité et cette fraicheur mordante et palpitante qui fut certainement celle à l’oeuvre lors de la création de l’opéra, défendu par plusieurs chanteurs adolescents Mélia, Haycinthe étant incarnés et chantés par de jeunes chanteurs âgés de 15 et 12 ans ! Inimaginable précocité qui en dit long sur la maturité des chanteurs de l’époque. Même le personnage d’Apollo fut créé par une jeune contralto Johann Ernst, alors âgé de 12 ans !
Zazzo incarne idéalement Apollon par son timbre à la fois clair et charnu. Klara Ek, une Mélia, ardente, expressive, au relief irrésistible ; Sophie Bevan, familière de la troupe réunie par Ian Page, un Hyacinthe sensible, tendu, aux arias ductiles, souples ; aux récitatifs, sculptés dans un marbre tendre. D’ailleurs tous les chanteurs défendent cette partition de la jeunesse, habitée par une élégance salzbourgeoise singulière. Même le Zéphyr de Christopher Ainslie est d’une rare élégance, soucieuse de l’articulation du texte en latin « Enl duo conspicis » ; même enthousiasme et évaluation positive l’Oebalus (roi de Laconia) de Andrew Kennedy, à la musicalité élégantissime (dans la mouvance des Howard Crook, ou John Mark Ansley, ainsi son recitatif remarquable de justesse linguistique (« Quis ergo Natel » qui ouvre le CHORUS ou PARTIE II, puis l’air d’une rare autorité vocale en intonation très juste elle aussi « Ut navis » qui affirme le génie précoce de Wolfgang)… Que dire ensuite du duo Oebalus / Melia : « Natus cadit », marche à deux voix, lacrymale, funèbre, d’une force sincère, qui annonce la gravitas des opéras de la maturité. Le geste du chef, de l’orchestre, des deux chanteurs est des plus convaincants : il démontre que Wolfgang âgé de 11 ans, préfigure la vérité du Mozart des années 1780.

La caractérisation des personnages, assurant une épaisseur délectable à chaque personnage, la tenue superlative de l’orchestre, vraie instance expressive, nerveuse et élégante, idéalement inspirée par l’esthétique Sturm und Drang… renforcent la qualité et l’apport de cette première. Nul doute, les Britanniques réunis par Ian Page au sein de son collectif Classical Opera assurent aujourd’hui la meilleure offrande mozartienne. Les duos sidérants de justesse et de maturité (Mélia / Apollon : « Discede Crudelis » / puis Eobalus/Melia : « Natus cadit »), témoignent de l’ardente sensiblité du Mozart adolescent, écrivant pour les très jeunes chanteurs de l’Université de Salzbourg. A Ian Page, revient le mérite d’avoir saisi cette couleur spécifique de l’adolescence dans sa lecture en tout point superlative.

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CLIC_macaron_2014CD, critique. MOZART : Apollo et Hyacinthus (Classical Opera, Ian Page, 1 cd Signum classics) – enregistrement réalisé à Londres 2011 – CLIC de classiquenews de novembre 2018. EN LIRE PLUS sur le site de CLASSICAL OPERA / THE MOZARTISTS / IAN PAGE

Andrew Kennedy : Oebalus
Klara Ek : Melia
Sophie Bevan: Hyacinthus
Lawrence Zazzo : Apollo
Christopher Ainslie : Zephyrus
CLASSICAL OPERA
Ian Page, direction

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