vendredi 19 avril 2024

CD, critique. BERNSTEIN : Symphonie n°2 « Age of Anxiety » (Rattle, Zimerman, 1 cd DG)

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CD, critique. BERNSTEIN : Symphonie n°2 « Age of Anxiety » (Rattle, Zimerman, 1 cd DG)

Bernstein rattle zimerman symphony the age of anxiety berliner philahrmoniker cd review critique classiquenews 71Qf2D+Sf9L._SY355_La symphonie n°2 de Bernstein crée en 1949 interroge un sujet cher au compositeur : l’identité… Qui suis-je et dans quel monde ? C’est évidemment une source d’angoisse voire d’inquiétude pour celui qui aborde la sujet sous la forme concertante, et après une seconde partie plus développée, (moins dispersée que la part 1), semble cependant peu sûr de sa conclusion, car le final martèle à grands coups orchestraux souvent hollywoodiens, une fin tissée comme une prière dont la formulation malgré son dessein humaniste, ne semble pas convaincre jusqu’à son auteur même.
Le principe de la variation anime chacune des séquence de ce Concerto pour piano : il faut donc un excellent soliste ; force est de reconnaître que rares sont les pianistes modernes à s’être emparé de cette partition qui comme toutes les autres de Bernstein sonne comme un manifeste humaniste et dans son déroulement et sa résolution finale comme un hymne fraternel.
La variation suscite alors une série de séquences très contrastées et caractérisées dont les méandres et soubresauts expriment la quête du penseur héros, ses doutes et ses tiraillements les plus intimes.

Bernstein fait montre d’une étonnante virtuosité dans le genre « variation », et certains ne comprenant pas l’architecture de cette pièce symphonique déroutante, ont regretté son manque d’inspiration réelle, lui reprochaient surtout son usage des pastiches vers Prokofiev, Poulenc, Mahler; omettant de souligner les références magistrales à son modèle américain Aaron Copland dont il reprend la matière et l’esprit (grande plaine de l’ouest, souffle hollywoodien à la clé) du ballet Billy the kid.
Rattle veille surtout à l’assise et la fermeté structurelle de l’approche moins à sa finesse d’élocution, réussissant par exemple le swing très américain de l’épisode du « Masque » dont le titre renvoie évidemment à la question première de l’identité questionnée.

Le chef britannique dirige ainsi son dernier concert comme directeur musical du Berliner Philharmoniker. Derrière lui, Zimerman met de la bonne volonté revendiquant un lien historico-musical avec Bernstein lui même, ce dernier lui ayant demandé de jouer le Concerto pour ses 100 ans… Ce qu’il a fait donc ici.
Eclectique, parfois rien que percussive, contrastée,  « bavarde » ou (de façon irrésolue et énigmatique) autobiographique, la partition déconcerte ; comme beaucoup dans le catalogue de Bersntein. Le développement de la Symphonie à travers sa découpe à clés (PART 1 : Prologue, The Seven Ages, The seven Stages / PART II : The Dirge, The Masque, the Epilogue) paraît décousu voire sans véritable ossature ; pourtant à y entendre de plus près, les 3 épisodes de la PART II donnent la clé, chacun dans leur déploiement plus développé et long : soit 7 mn pour le Largo de The Dirge, puis 8mn19 pour l’Epilogue.

Dans la résonnance grave et sombre (The Dirge), Bernstein amplifie le caractère pesant, suffoquant même, ne serait- ce que dans la densité du tissu sonore qui paraît saturé (grands tutti répétitifs). Ce lamento funèbre atteint une désespérance froide et mordante, comme si, ici, le compositeur américain passait de la coupe frénétique et faussement jubilatoire « alla Prokofiev », aux sentiments mêlés, inextricablement inquiets « alla Chostakovitch ».
Rattle réussit à densifier la pâte, sans pour autant cultiver clairement l’option de la clarté et de la transparence. Ce geste tendu, souvent âpre réduit parfois le cycle à une démonstration sèche, auquel fait défaut, une souplesse poétique (Bernstein est tout de même un grand sensible, un éternel sentimental). Quel contraste avec le swing de The Masque : d’une insouciance qui avance, parfois jusqu’à la convulsion hystérique voire caricaturale. C’est de loin le morceau où piano et orchestre fusionnent véritablement.

Tant de versatilité dans l’énoncé des épisodes, entre gravité blessée (The Dirge) et vivacité euphorique (The Masque) dévoile bien l’intranquille question de l’identité trouble qui taraude Bernstein sa vie durant. Comme un miroir, la symphonie exprime doutes et vertiges intérieurs d’un compositeur saisi par la dureté et la violence de la nature humaine, de son époque, et la nécessité de composer et de faire avec.
On aurait souhaité plus de finesse et de subtilité cependant, d’ambivalence, dans un jeu pianistique et une tenue d’orchestre, souvent strictement littéraux, linéaires. A croire que comme chez Chostakovitch, le mélange des genres, et le tissu énigmatique des sentiments et caractères mêlés, posent d’évidentes difficultés aux interprètes. Sans vraiment démériter (car l’Epilogue atteint une palette de nuances plus ténue et riche, portée par un vrai souffle poétique, une transparence inédite malgré son finale grandiose, un rien pompéien voire grandiloquent), osons dire que la lecture de Rattle et Zimerman, manque souvent de vraies nuances. Le programme est à souligner cependant, adieu officiel du chef à la phalange dont il était jusque là le directeur musical. Bientôt une page se tournera avec l’arrivée de son successeur à la tête des Berliner Philharmoniker, l’excellent et passionnant Kiril Petrenko. A suivre.

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CD, critique. Leonard Bernstein: Symphony No. 2 « The Age of Anxiety », Berliner Philharmoniker, Rattle (1 cd Deutsche Grammophon)
Krystian Zimerman, piano.

https://my.deutschegrammophon.com/fr/bonus-material/658/krystian-zimerman

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