vendredi 29 mars 2024

CD, compte-rendu critique. VOX LUMINIS : MAGNIFICAT de JS BACH / DIXIT DOMINUS de HANDEL (1 cd Alpha).

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alpha BACH HANDEL dixit dominus  lionel meunier vox luminis cd alpha critique cd review cd critique par classiquenews cd alpha370CD, compte-rendu critique. VOX LUMINIS : MAGNIFICAT de JS BACH / DIXIT DOMINUS de HANDEL (1 cd Alpha). Le dernier cd de Vox Luminis, choeur que l’on ne présente plus, et qui s’agrandit ici de son propre orchestre sur instruments anciens, met en miroir assez légitimement d’ailleurs, l’inspiration sacrée de JS Bach et de GF Handel ; le premier auteur du Magnificat dans les années 1720, alors qu’il a quitté ses fonctions de musicien de cour pour celui de Cantor à Leipzig, – pour y perfectionner les chœurs et fournir toute la musique chorale pour chaque dimanche ; le second, compositeur du Dixit Dominus, mais au début des années 1700, à Rome, où en séducteur saxon frappé et inspiré par la virtuosité italienne, il conquiert en mondain confirmé, les plus hautes autorités ecclésiastiques et politiques. En plus de l’articulation du texte, ils partagent tout deux une même origine, celle d’Allemagne centrale, et logiquement, une même expertise : l’écriture du contrepoint. De l’un à l’autre, c’est bien la complexité spectaculaire de l’architecture contrapuntique que nous fait entendre et que rend vivante le choeur belge Vox Luminis, voix des anges, voix des croyants, – peuple qui doute et espère chez Bach ; armée dramatique voire opératique chez Handel qui pourtant jeune, « ose » un style qui frappe par sa véhémence, exigeant l’impossible des chanteurs. Mais le défi est totalement relevé ; et la tenue des voix claires, individualisées et pourtant fédérées (avant dernier choeur du Dixit, plage 21) saisit par sa force et sa précision expressive. C’est dire le niveau atteint par Vox Luminis, le meilleur choeur actuel désigné pour les plus fines et vertigineuses cathédrales chorales jamais écrites au XVIIIè. Tout en exprimant les vertiges de la prière, qu’elle soit douloureuse, introspective, déclamatoires et victorieuse, les interprètes savent aussi ciseler un discours oratoire dont la charge millimétrée, fascine du début à la fin.

Dès les premières mesures du Magnificat de Bach, la sincérité collective, voix blanches directes, si proches de l’allant du texte, s’avère d’une belle et tonique santé vertueuse ; cela avance comme une irrépressible action de grâce (Et Exsultavit), et aussi un temps préservé de réflexion plus méditative (hautbois obligé : Quia respexit), – un temps d’accomplissement qui cultive aussi… le mystère. A travers une voix quasi enfantine, apportant en plus de l’ivresse spirituelle, une couleur de fragilité tendrement humaine.

Lionel Meunier ralentit le tempo (dans le choeur qui enchaîne aussitôt, Omnes generationes, creusant, ciselant, l’incise du mystère qui semble envelopper et inspirer tout le choeur, tel l’assemblée vivante des croyants.

Suspendu, interrogatif, l’admirable duetto « Et misericordia », le plus déchirant, se fait prière pour le Sauveur en vu de l’obtention du salut… fine ciselure, d’une sobriété désarmante.

Puis la ligne des trompettes fait surgir l’immensité glorieuse de la voûte céleste pour le choeur victorieux : Fecit potentiam (somptueuse conclusion âpre et majestueuse).

Très dramatique, Deposuit potentes, défendu par un ténor presque énervé et linguistiquement excellent (Robert Bukcland) exprime la puissance divine qui s’abat.

Avec flûtes obligées, d’une douceur planante, Esurientes implevit bonis pour alto répand l’esprit sûr, serein de pleine justice.

Contrastée et profonde, l’approche atteint les sphères célestes et la grâce des anges dans le terzetto, Suscepit Israel. Les qualités de Vox Luminis se confirment : finesse, clarté, élocution sobre, humaine, directe et sincère du portail contrapuntique défendu par le choeur Sicut Locutus (avec orgue seul) : le relief détaillé de chaque voix dans ce choeur capital, subjugue.

Et pour exprimer la gloire éternelle de Dieu, le dernier choeur Gloria Patri (Gloire au père…), la clarté agissante et magnifiquement articulé du choeur se déploie soulignant toutes les qualités superlatives de Vox Luminis : sa santé rayonnante, ses rebonds précis, affûtés, sa vivacité linguistique. Un modèle actuel.

 

 

 

Magnificat de JS Bach, Dixit Dominus de Handel

La versatilité habitée de Vox Luminis emporte jusqu’au ciel…

 

 

Après un Bach aussi précis et ciselé, la fluidité haendélienne du Dixit, très vivaldienne, paraît presque trop mondaine, et d’une sensualité presque trop profane (l’entrée des voix solistes du 21), mais dès les premiers mots, la vitalité serrée, active, affûtée de Vox Luminis restitue à l’allant de la partition du Saxon, sa tonicité plus expressive que séduisante. Les interprètes sauvent la virtuosité parfois trop démonstrative de la partition par leur nerf, une fougue et une énergie qui s’économise et ne se détend jamais si elle ne sert pas le texte. Haendel développe davantage au risque de … la longueur ; il n’atteint pas la concision ni l’éllipse de Bach, si fulgurant, si essentiel. Et son style plus opératique (Virgam virtutis tuae pour alto) perd de son impact à cause de sa durée. Déjà dans ce Dixit des origines, se profile toute l’esthétique des futurs oratorios londoniens et anglais : plus dramatiques que spirituels.

Même ivresse suave, très lyrique, dans l’air pour soprano qui suit Tecum Principium…, Caroline Weynants que l’on connaît bien, ayant chanté à Namur, et sous la baguette de Alarcon, séduit par la chair angélique de son magnifique timbre lyrique, toujours très proche du texte, et surtout sans aucun effet vibré, ni suraccentué. Là encore un modèle de vertu vocale, d’intégrité stylistique et musicale.

La précision et l’articulation fascinent encore dans les 4 choeurs qui suivent où l’équilibre des voix s’avère d’une éloquence éblouissante, restituant au verbe musical choral, sa fonction première qui est discours. Mais un acte qui fait sens et est incarné avec une énergie collective que peu de choeurs actuels peuvent offrir.

Le 3è de la série Dominus a dextris tuis, gagne un relief trépidant, véritable chevauchée fantastique qui évidemment souligne la verve opératique d’un Haendel rénovateur de l’opéra sacré et de l’oratorio anglais. La nervosité sanguine doublée d’une articulation exemplaire construisent ici un tableau collectif impressionnant par sa puissance doxologique, celle d’un Dieu de justice capable de foudroyer les puissants, fussent-ils rois. Le Conquassabit et ses notes pointées, saccadées d’une précision dramatique spectaculaire éclaire encore la capacité expressive du choeur. Autant de démonstration théâtrale pour préparer au mystère du duetto quasi final (pénultième) : De Torrente : accomplissement plus intérieur, aux accents suspendus.

Artisan du détail, le collectif veille aussi à la gradation progressive qui assure la cohérence globale.

CLIC_macaron_2014La vision de Vox Luminis observe une mise en forme de plus en plus serrée de la langue Haendélienne, naturellement promise à l’éclat voire à la pompe (toujours élégante), mais ici comme recentrée sur sa formidable élocution discursive (en cela la boucle est bouclée, proche de Bach). Le dernier choeur, le plus développé du cycle et d’un contrepoint redoutable quant à la mise en place, affirme une lisibilité idéale, une intensité aiguë, un sens linguistique sans effet : « un parler-chanter » à l’échelle du choeur. Gageure incroyable à écouter et pourtant bien accompli par Vox Luminis. La force et la violence déterminée qui s’en dégage sont jubilatoires.

La vérité victorieuse se dégage du choeur, formidable armée d’archanges et de prophètes inspirés. Tout ici relève d’une cohérence en partage, d’un seul souffle et aussi d’un sens rare de la caractérisation individuelle. L’abattage du texte, la clarté du contrepoint, le caractère intense et exalté, serviteur des sentiments que véhicule et nuance le texte : tout indique une maîtrise remarquable. Victoire de plus en plus lumineuse du Magnificat ; élan et progression de plus en plus précise et dramatique du Dixit. Un nouveau cd à ranger parmi les meilleures réalisations du choeur Vox Luminis (avec leur avant dernier ACTUS TRAGICUS, qui avait obtenu lui aussi la distinction suprême, le CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2016.

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CD, compte-rendu critique. VOX LUMINIS : DIXIT DOMINUS. JS BACH / HANDEL (1 cd Alpha).

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