vendredi 19 avril 2024

CD. compte rendu, critique. PAUL KLETZKI : Symphonie n°2 (Rösner, 1 cd Musiques-suisses, 2016)

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kletzki paul par thomas rosner symphonie n 2 review compte rendu cd classiquenewsCD. compte rendu, critique. PAUL KLETZKI : Symphonie n°2 (Rösner, 1 cd Musiques-suisses, 2016). Thomas Rösner est un chef bien connu des Français qui ont pu apprécier son tempérament sur le métier orchestral, fédérateur dans la grande forme, détaillé, artisan de la couleur et des accents ténus malgré une ampleur philharmonique (La Ville Morte de Korngold, partition flamboyante entre Wagner, Lehar et Richard Strauss dont il avait su exprimer à Nantes l’intériorité toute debussyste, riche en éclats psychanalytiques pour Angers Nantes Opéra — mars 2015). Le jeune maestro mène une carrière que CLASSIQUENEWS accompagne depuis lors : sachant nourrir l’allant organique malgré souvent une écriture très fournie comme c’est le cas ici, Thomas Rösner sait détailler sans perdre la tension dramatique globale. C’est donc un architecte d’une infinie précision (dès le premier mouvement de la Symphonie n°2 de 1928, à la fois néoclassique et expérimentale du compositeur et chef Paul Kletzki). La sonorité pleine et hédoniste, ne s’épargne aucune coloration plus intérieure même introspective, atteignant souvent une grandeur lyrique tout en mesure et nuance. L’éloquence sensuelle de l’orchestre polonais NSOPO, Orchestre Symphonique de la Radio Polonaise rend compte d’une écriture souvent passionnante en rien « bavarde » ni démonstrative, mais qui sait a contrario, exprimer en une versatilité filigranée, une riche interrogation où jaillit par bribes finement dessinées violon solo, clarinette, hautbois, flûte… d’allusifs épisodes qui brillent les facettes d’une intimité scintillante, … autant de qualités d’une lecture essentiellement intérieure qui assure la réussite du dernier épisode du très long premier mouvement I (Allegro con fuoco de plus de 18mn).

On apprécie de la même manière le jeu d’équilibre ténu très finement brossé dans le second mouvement (Andante sostenuto), qui s’autorise une échappée plus rugueuse et âpre… puis à 4’29 : l’ombre s’épaissit, dessinant un paysage aux résonances plus brumeuses et rêveuse où s’affirme comme dans le I, une sonorité ample, détaillée, claire, admirablement tenue dans les derniers accords énigmatiques.

Dans le IIIè mouvement, la coupe précise, droite, objective, extrêmement claire et d’une parfaite mis en place sur un ton déterminé, affirme un allant général d’une motricité irrépressible, inexorable, soit un scherzo dont on loue la précision quasi percussive, et d’une efficacité martiale. C’est du très grand métier orchestral. Sa profondeur rend compte de la sensibilité spécifique de Paul Kletski dont l’activité de compositeur s’interrompre au début des années 1940, en raison de l’horreur de la barbarie nazie : nombre des membres de la famille du musicien ont été exterminés dans les camps de la mort.

KLECKI, PAUL 1965            © ERLING MANDELMANNLe troisième mouvement (Pesante) est le plus captivant à notre avis, et dans le choix de la voix soliste, une claire volonté de réinventer après Mahler, le développement symphonique : hypnotique, vénéneux, d’une mélancolie impressionniste, c’est une séquence d’une rare cohérence sonore, suspendue à la manière de Mahler (Chant de la Terre) et aussi de Korngold : du fait de l’intervention du baryton et du texte ainsi associés au développement orchestral, Paul Kletzki compositeur régénère même le tissu lyrico symphonique d’un Strauss (celui de La Femme sans ombre). Le résultat est d’une totale originalité et mérite bien cet éclairage qui vaut comme une réhabilitation majeure. La fin est d’un classicisme souverain, subtilement canalisé à l’écoute du texte. L’intérêt du programme, déjà réel dans le choix de ce Kletski oublié, s’affirme davantage avec le morceau qui suit, et qui lui aussi, est d’un compositeur que la guerre a mené pour se réfugier et fuir la barbarie galopante, en Suisse. La contemporanéité des deux partitions (1928), et leur destin lié à deux figures des années 1920, cimentent l’unité du programme.

Czesław_MarekSublime révélation, la Fantasia du Polonais Czeslaw Marek (1891-1985) est un régal, d’autant magnifié par l’opulence intérieure et élégante que sait lui apporter le chef Thomas Rösner dans cette réalisation d’un impressionnisme quasi oriental et slave particulier. L’enregistrement permet de suivre pas à pas chacun des volets de son développement orchestral d’une flamboyance de timbres, souvent sidérante. Le sens de l’écoulement et du flux ininterrompu, à la façon d’un ample mouvement symphonique d’un seul tenant, se révèle ici, envoûtant, irrépressible, grâce à l’intelligence et la finesse du maestro.

CLIC_macaron_2014Soit presque 28 mn, de souffle ample et surtout d’une calme et mélancolique volupté sonore dont l’équilibre et le souci de clarté du chef sait piloter avec une finesse de ton, en tout point exemplaire. Comme il serait tentant ici de forcer l’expressivité de cette écriture qui semble revisiter elle aussi, Richard Strauss, et Korngold et Szymanowski. A contrario Thomas Rösner convainc tout au long par une fabuleuse clarté transparente, « objective » et d’une précision parfaite qui rétablit et l’envoûtante opalescence du tissu sonore et son flux quasi organique, s’achevant dans un murmure répété, (en cela se refermant dans les accords du début). La puissance liquide, le ton mystérieux, l’éblouissement continu qui naissent de l’écriture orchestrale, le raffinement inouï de l’orchestration associé à une inventivité mélodique (Roussel n’est pas loin) révèle la qualité suprême de cette partition de 1928, comme elle confirme l’absolue sensibilité, elle aussi hautement musicale d’un excellent chef. Jeu expressif et nuancé du chef, magistrale sonorité de l’orchestre, prise de son détaillée, surtout révélation de deux partitions d’un grand plaisir symphonique : le disque reprend du galon grâce à cet album… captivant. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2017.

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CD, compte rendu, critique. Paul Kletzki (1900-1973) : Symphonie n°2; Czeslaw Marek (1891-1985) : Sinfonia – deux parittions de 1928. Nationales Symphonieorchester des Polnischen Rundfunks, Kattowitz; Marius Godlewski, baryton; Thomas Rösner, direction. 1 cd Musiques Suisses MGB CD 6289 /7613295408142 / d’infos sur le site du label Musiques-Suisses.ch :
https://www.musiques-suisses.ch/fr/Paul-Kletzki-Czeslaw-Marek/Sinfonie-Nr–2-Sinfonia/id/759

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