vendredi 11 octobre 2024

CD, compte rendu critique. LISZT / SAINT-SAËNS : 2 Sonatas for 2 pianos. Ludmila Berlinskaia / Arthur Ancelle, pianos (1 cd Melodya, 2016)

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liszt duo ludmila berlinskaia arthur ancelle piano review presentation critique cd classiquenewsCD, compte rendu critique. LISZT / SAINT-SAËNS : 2 Sonatas for 2 pianos. Ludmila Berlinskaia / Arthur Ancelle, pianos (1 cd Melodya, 2016). D’abord le LISZT. La puissante architecture de la Sonate en si profite des deux claviers en dialogue. La puissante architecture gagne en clarté : après les gouffres sépulcraux d’un très fort et puissant ancrage (séquence du début), les éthers mystiques et célestes à 11’52 s’affirment avec un dramatisme dont on se délecte de la très juste intensité. Dans l’ensemble, voici une lecture ample, digne des paysages romantiques les plus contrastés légués par les plus grands peintres de la période. Chtonienne, la pensée s’émancipe ; et ce spiritualisme accuse ses vertigineux contrastes. À deux pianos et quatre mains, chaque partie gagne une acuité expressive que le seul jeu à 2 mains, ne peut déployer : ce travail de l’articulation renforcée, cet équilibre d’intonation entre les deux interprètes, au service de la suggestion dramatique se révèle captivant.
A 19’09, le dernière séquence fait valoir en une trépidation quasi percussive mais magnifiquement calibrée sur le plan du format sonore, la fabuleuse mécanique d’un chant double où les deux claviers idéalement associés, défendent une résonance et une sonorité orchestrale riche en couleurs, onctuosité, mordante expressivité…. Tout cela au profit de cimes atteintes densément spirituelles. Le rite pianistique de Liszt a la fois prophète et sorcier (le fameux grand chaudron originel capable d’absorber toutes les passions humaines) se réalise dans cette balance à la fois mystique et diabolique, à l’activité étonnamment fusionnelle… le chant millimétré des deux pianos produit cette extase à la fois crépitante et suspendue.
La vitalité des deux pianistes s’accorde idéalement en un éloquence dramatique d’une absolue maîtrise : il y a une urgence sourde qui porte tout la dernière séquence et aussi la conscience secrète intime des révélations et sidérations que le cycle suscite tout au long de son développement. Que le jeu double écarte toute épaisseur comme toute réduction de la matière sonore, relève d’une grande complicité, d’une écoute continue entre les deux pensée musicales.

La plage 3 souligne combien l’exercice de la transposition inspire le pianiste Arthur Ancelle. Sa vision de Après une lecture Dante frappe par l’ampleur et le souffle poétique. L’arche est claire et la gestion des dynamiques et nuances à deux pianos confirme la concordance des deux quatre mains, jamais bavardes mais de plus en plus aériennes, portées par la quête mystique et introspective du sujet.
Le flot grave parfois lugubre, puis l’heureuse liquidité de l’espérance, du ravissement réalisent ce mouvement interne halluciné tel un balancement tragique,  une houle dangereuse et toujours aussi crépitante.

 

 

 

Transcription pour 4 mains, ivresse et crépitements sonores

 

 

Qu’il soit céleste dans ses mélodies éperdues, Liszt le mystique a le secret du jeu narratif : c’est un opéra diabolique et mystique qui se déploie en éclairs, vertiges, nuances introspectives, dont la fureur interne jaillit droite, percussive grâce à une écriture très claire et limpide.
Là encore, la complicité du couple Berlinskaia-Ancelle déploie une éloquence au rayonnement agile et particulièrement bien accordé. Dans une pièce qui éblouit par sa superbe carrure, quasi chorégraphique en particulier dans l’explication de son arche spirituelle. Car chez Liszt auprès des gouffres insondables, la clarté céleste des cimes n’est jamais éloignée : elle est l’indice de la transfiguration tant recherchée. La fin a un panache, du chien à revendre, une rondeur conquérante.

piano-duo-berlisnkaia-ancelle-liszt-saint-saens-review-critique-CLIC-de-classiquenews-concert-2017LIBERTÉ DU GESTE… La version originale de la transcription pour 2 pianos de la danse Macabre par Saint-Saëns lui-même (opus 40) conserve de l’orchestre au clavier, sa trépidante fièvre, ardente et d’une vitalité qui passe d’un clavier à l’autre ; le duo en grande complicité se heurte, se frotte, toujours parfait dans une motricité rythmique accordée au tempérament percussif de leurs deux tensions complémentaires. C’est tout l’emblème de ce programme généreux et voluptueusement sculpté ; le mordant et le relief, la courbe ondulante des intentions font crépiter cette danse qui de macabre devient course frénétique et hallucinée. D’emblée, l’accord sonore, la complicité des nuances, l’entente, amoureuse oserions nous dire, si nous ne savions pas que les deux pianistes sont aussi époux à la ville, qui les unit, réalise dans le jeu à deux claviers, une vivacité et une éloquence, ici démonstrative et volontiers furieusement narrative qui impose le grand Saint-Saëns magicien des contes et légendes, une sorte de frère du Dukas de l’Apprenti Sorcier. Même ferveur inspirée, même verve en diable. Cela pétille, a contrario mais avec brio, de l’intériorité si vertigineuse et chtonienne du Liszt qui suit (Sonate en si).
Comparons derechef avec l’autre version de la Danse macabre, celle ci d’après Liszt, Horowitz et aussi Arthur Ancelle soi-même, maître transcripteur en plus de l’interprète que nous connaissons. Ce que l’on aime ici comme dans tout le programme, c’est la liberté et l’imagination des pianistes, qu’ils soient interprètes concentrés et recueillis chez Liszt (très captivante transcription par Arthur Ancelle également de Après une lecture de Dante, recueilli, intime, inscrite dans le mystère), ou saisis d’une fureur espiègles comme c’est le cas de cette seconde transcription de la Danse Macabre : dans une version heurtée, syncopée, aux contrastes vertigineux, d’une fureur expressive, – ivresse et orgie à la clé, les deux pianistes, acrobates et funambules osent tout, inspirés par l’audace délirante de l’écriture : entre extase exacerbée et sensualité vaporeuse.
Là encore clarté et la précision de l’engagement ou les deux claviers en parfaite symbiose et d’une écoute idéale s’offrent un chant rayonnant d’expressivité, de clarté et de richesse dramatique à croire que d’une phrase à l’autre il semble que dans l’intonation et le touché cela soit un seul et même interprète qui opéré une démultiplication des chants expressifs : la cohérence de la conception l’unité profonde unitaire des deux chants sont à couper le souffle rendant à la version conçue par Liszt de Saint Saëns,  la délirante et si poétique ivresse sonore,- dans sa fougue vraie envolée d’essence rhapsodique,  voulue par le pianiste abbé. La richesse et la rondeur de la sonorité à deux claviers subjuguent particulièrement ici.
L’instinct musical leur épargne toujours la dilution ; car jamais ils ne trahissent la prodigieuse lyre du piano romantique. L’intelligence fusionne avec la virtuosité : faisant de l’instant, un crépitement d’éclairs et de surgissements fantastiques, une série d’implosions proches de l’improvisation, où l’interprète en quasi transe devient le créateur de l’oeuvre qu’il a choisir d’investir et d’habiter totalement. Duo inouï… et si le duo Berlinskaia / Ancelle était tout simplement le plus palpitant de la scène actuelle ? Le geste est libre et vivant ; la complicité plus qu’en verve : magicienne. Récital sublime.

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CLIC_macaron_2014CD, compte rendu critique. LISZT / SAINT-SAËNS : 2 Sonatas for 2 pianos. Sonate en si (Liszt) / Danse Macabre (2 transcriptions : Saint-Saëns et Ancelle). Après une lecture de Dante (transcription pour 2 pianos de Arthur Ancelle). Ludmila Berlinskaia / Arthur Ancelle, pianos. Enregistré à Moscou, en mai et juin 2016 — 1 cd Melodya. CLIC de CLASSIQUENEWS de janvier 2017.

AGENDA
berlinskaia-ludmila-et-ancelle-arthur-duo-piano-classiquenews-clic-de-classiquenews-piano-majeurLudmila Berlinskaia et Arthur Ancelle jouent le programme de leur disque LISZT : 2 Sonatas for 2 pianos, à PARIS, salle Cortot ce mardi 10 janvier 2017, 20h. LIRE notre présentation complète du récital Liszt Saint-Saëns par le duo Berlinskaia / Ancelle. Incontournable.

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