mardi 19 mars 2024

CD, compte rendu critique. FAURE : Philippe Cassard, Jacques Mercier (1 cd La Dolce Volta).

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visuel Cassard-ONL-Faure cd dolce volta-1CD, compte rendu critique. FAURE : Philippe Cassard, Jacques Mercier (1 cd La Dolce Volta). Le programme mêle pièces pour piano seul (Nocturnes n°2, n°4 et 11), pour orchestre sans piano (Suite de Pelléas, ouverture de Pénélope) et évidemment, partitions concertantes réunissant les deux (Ballade et Fantaisie). Soit plus d’une heure de pure Fauré dont toujours quelque soit la durée et l’orchestration, quelque soit la ligne mélodique et la parure harmonique-, l’élégance, suprême, souveraine, s’impose à nous.
CLIC_macaron_2014Il faut bien toute la délicatesse digitale et cette fluidité enivrée dont est généreux le pianiste Philippe Cassard, pour exprimer la profonde vitalité des Nocturnes (en particulier la fougue schumannienne de l’épisode central du n°2), et plus encore, ce qui fait basculer le n°4 dans l’onirisme suspendu du Tristan de Wagner, … rien de moins. Connaisseur, praticien de longue date d’un Fauré à la fois complice et conteur, Philippe Cassard qui doit cette passion fauréenne à ses professeurs de piano (Lazare-Lévy, puis Dominique Merlet, lui-même disciple de Roger-Ducasse, un proche de Fauré), s’épanouit en terres d’élection, restituant dans ce terreau élégantissime, toutes les références et le bouillonnement inventif, ce goût des climats sensuels et éthérés qui sont la marque de Fauré l’aristocrate. Raffiné mais jamais superficiel ; racé sans être artificiel. L’inspiration du pianiste exprime au contraire tout ce qu’ont d’intérieur, de profond voire de grave et d’inquiétude rentrée et polissée, les 3 sublimes Nocturnes sélectionnés parmi un catalogue abondant (sur les 13 Nocturnes laissés par le compositeur, élève et ami de Saint-Saëns).

Élégance Fauréenne

faure gabriel portrait gabriel faure CLASSIQUENEWSAu nombre des riches révélations de ce recueil monographique, distinguons surtout l’énergie irrésistible et visionnaire de la Fantaisie, composée par un septuagénaire quasi sourd, encore inspiré par une imagination féconde et sans limite portée par le chant étincelant du piano : ni effet, ni bavardage, mais l’essence de la musique. Rien de narratif ici, mais une pensée qui expérimente dans la forme concertante, où la musique jamais narrative, devient temps, espace, action. Simultanément à son unique Quatuor qui recueille l’expérience et la réflexion de la maturité ultime, la Fantaisie opus 111 est écrite à la fin de la guerre (été 1918). Il n’est guère que les Concertos pour piano de Saint-Saëns qui atteignent cette liberté à la fois concise et directe ; en 3 mouvements (Allegro molto moderato, Allegro vivace, Allegro molto moderato),  sa coupe énergique, sa détermination mesurée, cet élan viscéral sont d’autant plus poignants de la part d’un auteur physiquement diminué…

METZ. Philippe Cassard dévoile la clarté de Fauré et RavelPhilippe Cassard en restitue la santé active, une bonhommie voire une insouciance qui cible la plénitude avec une orchestre prêt à répondre et à jouer. Le piano danse, caresse l’opulente soie orchestrale  et semble dialoguer avec elle. Jacques Mercier détaille, Cassard stimule et trouve un juste équilibre où rayonne l’instinct de plus en plus enivré du compositeur. Sa vitalité lumineuse affirme dans la vieillesse une énergie sans faille, la plénitude de ses forces vitales. Belle révélation. Comme l’est, à l’extrémité opposée de la carrière, la Ballade et son naturel souple et coulant jusqu’à l’extase finale, traversé de chants d’oiseaux (1881).

L’Orchestre national de Lorraine fait valoir ses qualités de couleurs et de narration dans les deux incursions lyriques dont ici, la puissante ivresse de l’orchestre séduit immédiatement : la Suite de Pelléas et Mélisande opus 80, soit 16mn, concentre en 4 épisodes, le drame énigmatique des amants maudits conçu à partir d’une adaptation londonienne d’après Maeterlinck en 1898. Temps forts de ce cycle à l’orchestration aussi transparente qu’éblouissante : la Fileuse (qui évoque l’activité avérée de Mélisande filant sa quenouille pour tuer son ennui dans le château d’Allemonde : un aspect écarté chez Debussy), et surtout la mort de Mélisande, suggéré par le Molto adagio final, … immersion dans la tendresse la plus mystérieuse. Car Mélisande demeure une énigme, avant, pendant après sa vie terrestre.

L’ouverture de Pénélope (opéra créé à Monte-Carlo en 1907) confirme et l’élégance naturelle du Fauré inspiré par Homère, et les vertus expressives de l’orchestre lorrain sous la direction de Jacques Mercier. La tonalité de sol mineur, à la fois amoureuse et introspective combine le portrait des amants séparés : la triste attente de Pénélope, puis l’éclat viril d’Ulysse, avant leurs retrouvailles finales.

Idéalement équilibré, entre les pièces intimistes, graves et profondes (éclairs dissonants du funèbre Nocturne n°11 de 1913, de loin la pièce la plus impressionnante par son introspection calme, sereine) et les partitions dramatiques liées à la scène, le programme édité par La Dolce Volta est une entrée magistralement réussie, parfaitement emblématique, pour mieux pénétrer le génie de Gabriel Fauré. C’est aussi une réalisation éditoriale tout à fait dans la ligne artistique du label français qui a choisi l’élégance et le raffinement comme qualités affichées de sa marque. En ce sens, rien n’égale la classe de Fauré. Fond et forme s’accordent donc.

 

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CLIC D'OR macaron 200CD, compte rendu critique. GABRIEL FAURÉ : Nocturnes, Ballade, Fantaisie, Suite Pelléas et Mélisande. Philippe Cassard, piano. Orch National de Lorraine. Jacques Mercier, direction (1 cd La Dolce Volta — 1h08mn — enregistrement réalisé en juillet 2016 à l’Arsenal de Metz). CLIC de classiquenews, octobre 2017

CASSARD-Philippe-concert-METZ-vue-du-paradis-critique-par-classiquenews-Cyrille-Guir-Arsenal-Cite-Musicale-Metz-5866LIRE aussi notre critique complète du concert Fauré, Ravel Franck par les mêmes inteprètes : Philippe Cassard et l’Orchestre Nat de Lorraine / Jacques Mercier, à Metz, Arsenal, Grande Salle, le 13 octobre 2017 (Philippe Cassard y jouait la Ballade et en bis, le Nocturne n°2).

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LIRE aussi notre critique du cd LA DOLCE VOLTA : Pascal Amoyel joue les Polonaises de Chopin — clci de classiquenews de mai 2016

VOIR aussi notre reportage vidéo PASCAL AMOYEL joue les Polonaises de Chopin / La Dolce Volta

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