jeudi 28 mars 2024

Britten: identité du héros chez Benjamin Britten

A lire aussi

brittenLa question de l’identité du héros chez Britten dévoile la part du secret coupable qui scelle le destin de ses personnages : qui est Peter Grimes ? Faire le portrait du protagoniste de son premier opéra, suscite immanquablement une série d’interrogations sur l’ensemble des portraits psychologiques que Britten a abordés : être homosexuel pour le compositeur, c’est éprouver la difficile aventure de la différence. Or cette différence suscite la condamnation de la société, la marginalisation du héros et souvent l’action tragique du remords et de la culpabilité…

Sommaire

Qui est Peter Grimes ? 
Par Alexandre Pham
Opéra en un prologue et trois actes
Livret de Montaigu Slater d’après le poème
« The Borough » de Georges Crabbe (1810)
Créé à Londres, le 7 juin 1945

Billy Budd
Par Hugo Papbst
Opéra en quatre actes
Livret de E.M. Forster et Eric Crozier
d’après la nouvelle inachevée de Melville (1891)
Créé à Londres, le 1er décembre 1951

Le Tour d’écrou
Par Adrien DeVries
Opéra en un prologue et 2 actes
Livret de Myfanwy Piper
d’après la nouvelle d’Henru James (1898)
Créé à Venise, le 14 septembre 1954

Mort à Venise
Par Alexandre Pham
Opéra en 2 actes
Livret de Myfanwy Piper
d’après la nouvelle de Thomas Mann (1911)
Créé au festival d’Aldeburgh,
le 18 octobre 1974

Albert Herring
Par Elvire James
Opéra comique de chambre
Livret d’Eric Crozier d’après
la nouvelle de Maupassant,
« Le rosier de madame Husson » (1888)
Créé à Glyndebourne, le 20 juin 1947

Owen Windgrave 
Par Stéphanie Bataille
Opéra en deux actes
Livret de Myfanwy Piper,
d’après le roman d’Henri James (1892)
Ecrit pour la télévision et créé à la BBC
Le 16 mai 1971

En conclusion, qu’avons-nous? 
Divagations obsessionnelles d’un compositeur en proie à un traumatisme jamais apaisé ?
Sujets scandaleusement portés sur la scène lyrique? Ames sensibles et prudes, passez votre chemin. Pourtant, l’ambivalence et l’ambiguïté ne laissent pas d’inspirer les auteurs, écrivains, dramaturges, compositeurs, peintres.
Les contradictions et l’essence tragique des Grimes, Vere, la passion colérique de Claggart, l’innocence ambivalente du jeune Miles, l’affectation partagée entre Owen et Coyle, appartiennent désormais à la mythologie de l’Opéra. Britten a offert de sublimes portraits psychologiques, des situations non moins fascinantes en ce qu’elles nous invitent à nous interroger sur nous-mêmes, en ce qu’elles révèlent des aspects inconnus de la nature humaine…
Curieusement en traitant de thèmes délicats, plus tus que décrits, le théâtre de Britten porte au centre de son action, le dévoilement de la vérité, la révélation du secret.

Chez Britten, l’obligation de révéler son secret et la nature de son identité, fut-elle répréhensible sous le poids de la morale puritaine, est une activité vitale. Il s’agit de dénoncer une situation dont le silence imposé par la loi sociale, tue, empoisonne celui qui en vit les conséquences.
En définitive, le héros de Britten exprime la mort de l’individu qui se soumet à l’ordre social et accepte de taire sa honteuse identité, dut-il en mourir. Dès lors, aspiration à un ordre tolérant, l’opéra de Britten ne souhaite-il pas peindre a contrario le rêve des identités assumées et pleinement comprises pour ce qu’elles sont. Mais le compositeur est plus clair que ses personnages : il oeuvre pour l’acceptation de l’homosexualité mais condamne sans ambiguïté la pédophilie, comme il le montre clairement dans Le Tour d’écrou. A ce titre, le personnage et le sens des actions de la Gouvernante sont explicites : elle prend la défense de l’enfance trompée et abusée. En tentant de rompre le pacte machiavélique qui unit le jeune Miles avec l’infâme Quint, la jeune femme entend protéger l’innocence contre les pervers, mais aussi éveiller (en pure perte) l’innocence contre ses propres ambiguïtés.

En résumé
Certes, il y a bien une action menée par Britten sur la scène lyrique, selon les tourments de sa propre vie intime. Mais, avec le recul, ne veut-il pas éveiller notre conscience à plus de tolérance, vis à vis de nous mêmes comme vis à vis de l’autre, cet étranger suspect du seul fait de sa différence ?
Utopie et humanisme. C’est à l’aune de ses deux aspects que le théâtre et les héros de Britten peuvent être justement compris. Dossier réalisé par l’équipe rédactionnelle de classiquenews.com, sous la coordination d’Alexandre Pham.

 

 

- Sponsorisé -
- Sponsorisé -
Derniers articles

CRITIQUE, opéra. PARIS, Théâtre des Champs-Elysées, le 26 mars 2024. LULLY : Atys (version de concert). Les Ambassadeurs-La Grande Ecurie / Alexis Kossenko (direction).

Fruit de nombreuses années de recherches musicologiques, la nouvelle version d’Atys (1676) de Jean-Baptiste Lully proposée par le Centre...
- Espace publicitaire -spot_img

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img