Le premier mouvement le plus développé affiche un souffle épique, inscrivant d’emblée le chant du piano dans ce symphonisme rhapsodique, au souffle colossal et souvent vertigineux, dont chaque vague convoque le destin: coloration tragique et aussi épisodes si tendres (dessinés avec quelle finesse instrumentale) font une alliance parfaitement exprimée sans épaisseur, sans enflures ni déformation d’aucune sorte. Thielemann éclaire l’immensité du cadre orchestral sans le surcharger, porté par une tension permanente (à l’origine la partition devait être une symphonie selon les plans de Brahms en 1854, qui avait aussi pensé à une Sonate pour 2 pianos… ).
Pollini et Thielemann au sommet
L’entente du chef et de son futur orchestre (Thielemann prendra ses fonctions comme directeur musicale de la phalange dresdoise à l’été 2012) est parfaite: entre clarté, vivacité, nuances, caractérisation, finesse…
Le climat qui ouvre le II est à pleurer …. De sérénité et de pudeur, si proche de la ferveur d’ Un Requiem Allemand. Le pianiste poète intellectuel et le chef plus sanguin et intuitif mais non moins élégiaque tissent un Adagio d’une sincérité époustouflante, au souffle suspendu, à l’intensité d’ un autre monde… Pollini y synthétise sa connaissance historique de la partition qu’il a abordée souvent et déjà avec la Staatskapelle Dresden en 1976, 1986… qu’il a même enregistrée avec Karl Boehm (1979) puis Claudio Abbado (1997). Un immense récital live et de toute évidence la rencontre superlative d’un chef, d’un orchestre et d’un soliste confondant de justesse et de sensibilité. Certes le minutage du programme fait un cd au final un peu chiche en durée (45mn): mais la qualité et la pertinence de l’interprétation emportent l’adhésion haut la main. Incontournable.
Brahms: Concerto pour piano et orchestre n°1 opus 15. Maurizio Pollini, piano. Staatskapelle Dresden. Christian Thielemann, direction. 1 cd Deutsche Grammophon ref 00 289 477 9882. Enregistré à Dresde (Semperoper en juin 2011).