samedi 25 janvier 2025

Boulez : Mémoriale, Dérive 1 et 2. EOC, Daniel Kawka [1 cd Naïve, 2011-2012]

A lire aussi
Ce superbe disque incarne une trajectoire aussi magnifique qu’imprévue; un interprète doué d’une finesse superlative si rare rencontre un compositeur non moins majeur; c est d’abord une proximité entretenue, enrichie, approfondie au fil des œuvres, des années et récemment du partage concret… Puisque Pierre Boulez se déplaçait en personne à Montbrison (sa ville natale), pour assister aux répétitions de Dérive 1 et 2 entre autres quand le chf Daniel Kawka dirigeait avant de les enregistrer les deux pièces; temps fort voire aboutissement de longs instants de compréhension, d’assimilation; à Boulez, parfois dogmatique sybillin, le théoricien et le penseur qui rebute, Daniel Kawka apporte un éclairage souple, lumineux, naturel ; comme s’il rétablissait à hauteur d’homme, en un geste très justement incarné, en une respiration claire et un pouls souple, un legs illusoirement distant et inaccessible. Boulez le cérébral, Kawka l’intuitif généreux; l’axiome n’est rien que réductrice et schématique mais elle prend pour nous, valeur de révélation; révélation d’une complémentarité réussie, à l’œuvre ici et bénéfique pour l’auditeur tant la main du chef, flexible, pudique et idéalement mystérieuse, s’accomplit et convainc au service dune écriture quelle sert avec une exceptionnelle intelligence.
A n’en pas douter voici l’une des contributions les plus convaincantes enregistrées par l’EOC, Ensemble orchestral Contemporain et son chef fondateur; l’implication si personnelle de ce dernier n’est pas pour rien dans un tel résultat.
Boulez kafkaïen
Travail sur la résonance à partir de l’instrument central (flûte auréolée par les huit autres instruments: excellent Fabrice Jünger), mais aussi ciselure millimétrée constellée d’interruptions alternées qui par séquences / intermittence nourrissent et la tension et les rebonds nés des passages contrastes, Mémoriale déroule son ruban interrogatif progressivement adouci jusqu’à sa résolution à l’unisson d’un mi bémol libérateur. Le jeu des hommages ici se glisse dans une série de perspectives en cascades : références à Strawinsky qui lui même honore pensée et écriture de Debussy. L’équilibre, le relief individualisé de chaque timbre, la précision et la clarté, ce goût spécifique de la couleur comme de l’éclat et de la transparence font aujourd’hui l’identité du geste de Daniel Kawka et de ses supersolistes. Leur complicité, leur écoute, leur entente font miracle dès le première opus du programme.

Dérive 1 (1984) fait valoir les mêmes qualités que celles qui font la réussite de Mémoriale: mais le chef sait ciseler davantage encore la portée allusive du son où chaque inflexion semble couler dans une eau miroitante; malgré le danger de dilution permis par l’enchainement des microépisodes contrastés, la direction intègre la totalité des événements dans un flux au galbe allant et aquatique.

Dans Dérive 2, -tant de fois repris et retravaillé-, où le texte devient prétexte et le prétexte devient texte, le maestro français rétablit outre la clarté du propos de permutation et d’imbrication progressive, le flux organique dont la continuité entre tension et accentuation millimétrée se déroule, s’épanouit malgré la multiplicité des épisodes et des incises séquentielles. Un très grand disque. Et pour les interprètes, chef et instrumentistes, un nouvel accomplissement jubilatoire.

Pierre Boulez: Mémoriale, Dérive 1, Dérive 2. Musiciens de l’Ensemble Orchestral Contemporain. Daniel Kawka, direction. 1 cd Naïve. Enregistrement réalisé en juin 2011 à Montbrison Réf.: MO 782183. Durée: 1h03mn

 

reportage vidéo

 


En juin 2011, à Montbrison (Loire, Rhône Alpes), Daniel Kawka et les musiciens de l’Ensemble Orchestral Contemporain enregistrent Dérive 1 et Dérive 2 de Pierre Boulez.
Présentation des partitions, enjeux et écriture, travail spécifique des
musiciens selon les indications du compositeur, présent lors des
sessions d’approfondissement… Le disque paraît le 23 janvier 2012
(Naïve)... voir notre reportage vidéo complet

Derniers articles

CRITIQUE, concert. PARIS, Salle Gaveau, le 23 janvier 2024. Récital d’Andreas Scholl

Andreas Scholl était de retour à la Salle Gaveau, hier soir, dans un programme de cantates, comme toujours judicieusement...

Découvrez d'autres articles similaires

- Espace publicitaire -spot_img