vendredi 29 mars 2024

Bordeaux. Grand-Théâtre, le 23 janvier 2011. Rossini : L’Italiana in Algeri. Daniela Mack, Alek Shrader, Luciano di Pasquale,… Paolo Olmi, direction. Joan Font, mise en scène

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Coproduite avec Madrid, Florence et Houston, cette nouvelle production de l’Italienne à Alger s’arrête à Bordeaux. Onzième opéra de Rossini, cette « folie organisée » – ainsi que la décrivait Stendhal – conte les tribulations de la belle et courageuse Isabella, venue sauver son amant Lindoro des griffes du truculent bey Mustafà.

Italienne pop et déjantée à Bordeaux

La scénographie imaginée par Joan Font joue la carte du burlesque, peuplant la représentation de gags – en évitant cependant toute vulgarité –, et des couleurs, les costumes, semblant sortis d’un dessin animé, rivalisant d’excentricité avec leurs teintes acidulées et bariolées. Inventive et drôle, cette mise en scène suscite constamment le rire et le public semble s’amuser follement.
Mais justement, cette débauche d’images et de gags détourne, à notre sens, parfois l’attention de la musique si brillante et légère de Rossini, notamment dans les airs, la scène étant constamment occupée jusqu’à l’arrière-plan.
Musicalement, Paolo Olmi connaît l’esprit rossinien et sait diriger l’orchestre sans lourdeur, dosant parfaitement les effets, maintenant constamment la tension dramatique. Les finales sont à ce titre particulièrement réussis, les célèbres crescendi du compositeur étant rendus dans toute leur tourbillonnante efficacité.

L’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine offre une belle prestation, vive et légère, aux pupitres bien équilibrés.
Très sollicité, le chœur de l’Opéra de Bordeaux se dépense sans compter, plein d’entrain et de verve.
Mélody Louledjian et Claire Larcher forment un très joli duo Elvira-Zulma, plein de charme et de complicité, leurs deux voix s’accordant à merveille.
En Haly malicieux, Nahuel di Piero attire la sympathie, malgré une voix sans grand éclat.

Taddeo peureux et râleur, Riccardo Novaro s’impose par l’impact de sa voix, l’accomplissement de sa technique et son excellent sens du texte. C’est un rôle qu’il connaît bien et son attachement à ce personnage est sensible.
Dans le rôle de Mustafà, le bey macho et glouton forcément berné, Luciano di Pasquale semble dépassé par les exigences vocales demandées par la partition. La voix sonne limitée dans l’aigu, peu puissante, les vocalises sont aspirées, l’agilité semblant lui poser des problèmes, loin de la basse colorature que ce répertoire exige. Cependant, il sait se rendre attachant par ses mimiques, ses facéties, sa drôlerie et son plaisir en scène communicatif. Remarquable Tamino l’année précédente, Alek Shrader offre à entendre la beauté de son timbre et sa musicalité. Malheureusement, l’écriture du rôle ne semble pas le flatter ni le mettre vocalement très à l’aise, surexposant un aigu serré, manquant de liberté, et une agilité encore prudente. Sans doute est-il davantage chez lui dans le répertoire mozartien.
Passé un premier air semblant la prendre à froid, Daniela Mack, en Isabella volontaire et farouche, se révèle une excellente rossinienne, son timbre rappelant irrésistiblement celui de Marilyn Horne. L’agilité est d’une belle fluidité, particulièrement impressionnante dans son dernier air, l’aigu sonne puissant et corsé, et la musicienne semble comprendre à merveille le langage rossinien. Les seules réserves que l’on pourrait émettre concernent le médium et le grave, qui semblent un peu grossis, manquant de hauteur de place et de clarté. La comédienne est très engagée, pétillante de vie et d’énergie, emportant tout sur son passage. Un nom à suivre.
Au final, une belle représentation, pleine de couleurs et de folie, qui laisse un sourire au coin des lèvres.

Bordeaux. Grand-Théâtre, 23 janvier 2011. Gioacchino Rossini : L’Italiana in Algeri. Livret d’Angelo Anelli. Avec Isabella : Daniela Mack ; Lindoro : Alek Shrader ; Mustafà : Luciano di Pasquale ; Taddeo : Riccardo Novaro ; Haly : Nahuel di Piero ; Elvira : Mélody Louledjian ; Zulma : Claire Larcher. Chœur de l’Opéra National de Bordeaux. Orchestre National Bordeaux-Aquitaine. Paolo Olmi, direction musicale ; Mise en scène : Joan Font. Décors et costumes : Joan Guillén ; Lumières : Francisco Planas

Illustrations: Frédéric Desmesure 2011 pour l’Opéra national de Bordeaux

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