vendredi 29 mars 2024

BEAUX LIVRES, compte rendu. Leon Baskt. Catalogue de l’exposition, « BAKST, des Ballets russes à la Haute Couture, à Paris, Bibliothèque musée du Palais Garnier (Editions Albin Michel)

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BAKST exposition opera garnier presentation review critique classiquenewsBEAUX LIVRES, compte rendu. Leon Baskt. Catalogue de l’exposition, « BAKST, des Ballets russes à la Haute Couture, à Paris, Bibliothèque musée du Palais Garnier (Editions Albin Michel). 10 chapitres passionnants éclairent la vision personnelle du plasticien Léon Bakst, celle des arts à l’épreuve de la scène. « La Leçon russe » (pour ses origines et sa formation, comme sa culture native) ; « Scène et modernité », puis « L’archaïsme dans la pensée de Bakst » (s’agissant du théoricien de l’avenir), « La référence des poètes et des écrivains » (car l’artiste fut admiré unanimement par ses pairs littéraires, de Proust à Cocteau…), « la mondanité », « les arts décoratifs », « la théâtre de la mode », jusqu’aux « avant-gardes » et au « cinéma »… rien n’est écarté à propos d’un créateur qui aura marqué durablement le spectacle en France dans les années 1910 (avec Diaghilev), puis dans les années 1920, quand il a rompu avec l’impossible et presque pervers fondateur des Ballets Russes, devenant le conseiller artistique du directeur de l’Opéra de Paris, Jacques Rouché. En fin de publication, une « chronologie sélective » permet de rétablir le contexte des créations et ballets réalisés dans la continuité de sa naissance en 1901 à sa mort en 1924.

Parmi les révélations captivantes des textes, percent la coopération de Bakst pour l’Opéra de Paris, et aussi sa fidélité à une protectrice engagée comme lui par sa passion de la danse, Ida Rubinstein (dont Bakst a laissé un sublime dessin de dos,- sainguine de 1916, double-page 156-157, reproduit dans l’ouvrage).

 
 

Féerie éternelle du peintre et poète Léon Bakst
Le Gustave Moreau du Ballet…

 

Bakst_Nizhinsky

 
 

APÔTRE D’UN ARCHAÏSME MODERNE… Lors d’un voyage en Grèce, en 1907, Bakst renforce sa quête d’un archaïsme régénérateur dans lequel au contact de la sculpture antique et des sites archéologiques visités, il puise les fondements esthétiques de son travail global fondé sur l’art collectif (transmission et coopération), et une idée personnelle, puissante d’un art « primitif », simple, accessible, enfantin. Un art immédiatement compréhensible (comparable à celui de Millet par exemple dont l’Angelus ainsi incarne un exemple éloquent de retour simple à la Nature, profonde, silencieuse, primitive…; et admiré), né d’un travail en équipe dans l’esprit des atelier d’artisans et maîtres d’art de la Renaissance entre autres. Il en résulte une approche visuelle, graphique, chromatique qui cultive particulièrement la notion d’atmosphère et de climat. En plasticien accompli, Léon Bakst soigne tous les détails pour mieux préciser sa partition globale, propice à une peinture vaste et d’une grande puissance onirique. Le créateur voit grand, pense correspondances, et vaste disposition. Les costumes n’y sont qu’un élément qui confère leur cohérence aux décors. C’est dans cette conception d’ensemble qu’il rejoint Wagner : la scène est une totalité qui fusionne plusieurs disciplines dont l’énergie et l’expressivité propres sont résolues dans une unité première. A cet équilibre secret qui doit être caché pour sembler naturel, Bakst ajoute donc la notion de simplicité primitive, écartant toute virtuosité de l’effet. Préférant l’immédiateté et le « lapidaire », le rude et le percutant, Baskt a toujours appelé à un art qui évacue le lisse et le léché.
 
baskt leon exposition paris presentation classiquenews AVT_Leon-Bakst_6518Bakst aurait-il lu Gustave Moreau qui déclarait de même : « faire simple et s’éloigner du faire lisse et propre (…). Copier l’austérité des maîtres primitifs et ne voir que cela ».
Quand l’artiste invoque le geste primitif, premier du percussif immédiat, ne convoque-t-il pas en définitive, la capacité d’émerveillement de l’enfant, son regard jeune et neuf vers le monde, plein d’espérance, d’appétit et sans culture préétablie, sinon piloté par son goût instinctif ? Et Bakst de préciser trois valeurs clés, créatrices, fécondes dans sa recherche inspirée par l’enfance : « sincérité, mouvement, couleur claire et pure ». Une vraie déclaration d’intention. Voilà des notions fondatrice d’un art inclassable dont la justesse nous parle toujours. En témoignent encore les ballets à l’énoncé impressionnant dont les compositeurs ou librettistes indiquent la valeur d’un créateur hors normes : « Le Martyre de Saint Sébastien » de 1911 (musique de Claude Debussy/ livret de D’Annunzio), « Hélène de Sparte » créé à l’Opéra de Paris en 1912 (pour Ida Rubinstein), surtout l’extraordinaire « Légende de Joseph », musique de Richard Strauss, sur un livret du poète Hugo von Hofmannsthal, de 1914 (qui regroupe alors l’équipe artistique réunie autour de Strauss pour la création du Rosenkavalier, Le Chevalier à la rose). C’est l’apport des articles passionnants de ce catalogue, véritable bible explicative, nécessaire complément à la visite de l’exposition parisienne. La contribution en particulier de Sarah Barbedette : « L’Archaïsme dans la pensée de Bakst », met en lumière la réflexion spécifique du Bakst théoricien dont la compréhension de l’archaïsme enfantin concentre en définitive, sa propre résolution de la modernité. Le livre richement illustré permet de mesurer la valeur et la qualité égale de Bakst sur la durée, de ses premiers ballets certes légendaires pour les Ballets Russes (Shéhérazade, L’Oiseau de feu, Judith, La Péri, L’Après Midi d’un faune sur la musique de Debussy, Jeux…, les deux derniers ballets sur la musique de Claude Debussy) aux accomplissements plus tardifs, et tout autant captivants, en particulier La Belle au Bois dormant d’après Perrault (1921), Artémis troublée (1922), Phaedre (1923), La nuit ensorcelée (1923), Istar (1924)… Indispensable.

 

 

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CLIC_macaron_2014LIVRES, compte rendu, catalogue de l’exposition : « BAKST, des Ballets Russes à la haute couture », Paris, bibliothèque-musée, Palais Garnier Paris, du 22 novembre 2016 au 5 mars 2017. Ouvrage collectif sous la direction de Mathias Auclair, Sarah Barbedette et Stéphane Barsacq… Editions Albin Michel, avec la BNF— 192 pages — 39 euros. CLIC de CLASSIQUENEWS de décembre 2016. Le livre fait un excellent cadeau pour les fêtes de fin d’année.

 

 

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