CD Ă©vĂ©nement critique. BRUCKNER symphonie n°4 / WAB 104 (Edition Haas – Thielemann, Wiener Philh. 2020, Salzbourg, 1 cd SONY)

bruckner symph 4_thielemann wiener philharmoniker cd critique review classiquenews 500x500CD Ă©vĂ©nement critique. BRUCKNER symphonie n°4 / WAB 104 (Edition Haas – Thielemann, Wiener Philh. 2020, Salzbourg, 1 cd SONY) – VoilĂ  dĂ©jĂ  le 3è volume d’une future intĂ©grale Bruckner par Christian Thielemann, Ă  la tĂŞte des Wiener Philharmoniker. L’orchestre autrichien semble comprendre naturellement l’écriture brucknĂ©rienne puisqu’il la joue depuis 1873 : une continuitĂ© et une histoire qui explique d’évidentes affinitĂ©s. La 4è, créée en 1881, est un sommet entre puissance, spiritualitĂ© et tendresse pastorale.
Dès le premier mouvement, Thielemans sait s’appuyer sur l’éloquence grandiose des Wiener, fabuleux instrumentistes d’une clarté discursive. La noblesse spectaculaire des cimes (cuivres solennels et majestueux voire héroïquement fracassants, c’est à dire …. parsifaliens) semble dialoguer voire batifoler avec les séquences de pur pastoralisme, émanation de la Pastorale de Beethoven dont Thielemans fait surgir l’énergie ; le chef sait détailler et aussi faire rugir son collectif ; mais en accordant à la fureur cuivrée de la fanfare cette coloration nuancée qui verse la puissance dans… le mystère ; heureuse sensibilité qui atténue la sécheresse des tutti en répétition. Il est évident que Mahler saura recueillir la leçon brucknérienne dans ces étagements qui convoquent le cosmos.
II : Les cordes étirent leur ivresse plus intérieure ; avec une attention chambriste aux parties plus intimiste des instruments en dialogue (cor, flûte,…)… Thielemans précise encore sa compréhension du paysage brucknérien, entre noblesse introspective et irrémédiable allant, une équation très convaincante qui superpose activité souveraine et aspiration spiritualisée vers les cimes, soit une opération en métamorphose que César Franck réalisera aussi dans le dernier mouvement de son unique symphonie (à peu près contemporaine, 1888 / 1889). étranger au principe cyclique du Liégeois, Bruckner quant à lui développe sur la répétition des alliages de cuivres, expositions, réexpositions jamais identiques, que le chef sait colorer et nuancer à chaque émission. La spatialisation est somptueuse : élargie, instaurée par l’individualisation de la flûte, clarinette et surtout du cor, idéalement lointain, suggestif, évanescent…
III : le Scherzo est un jaillissement heureux de la fanfare à laquelle répond la souplesse des cordes, elles aussi enivrées. Conquête de la grandeur, voire de l’extase des hauteurs saintes, s’appuyant sur le corps des cors épanouis des chasseurs. Le Trio est élégiaque, dans l’esprit d’une aubade très XVIIIè,..
IV. Comme l’indication d’un parcours qui s’est fait ascension, le splendide portique d’entrée du IV séduit par sa noblesse ample, signe d’une conscience élargie (voire d’une proclamation tellurique) à laquelle les cordes badines et élégantissimes (colorées par la flûte irradiée) savent répondre tout en éloquente souplesse.
CLIC D'OR macaron 200Ce jeu qui alterne avec une sensualité détaillée les blocs (cuivres / cordes / bois) enrichit une lecture à la fois grandiose et chambriste dont l’équilibre s’avère très séduisant. Dans le dernier motif des cuivres, se précise la grandeur du dieu souverain que Bruckner dont il ne faut pas minimiser la ferveur sincère, sait convoquer aux cimes, comme un intercesseur bienfaisant. Comme un symphoniste officiant. La lecture est à la fois solennelle, humaine, divine. Magistral. Cette intégrale Bruckner par Thielemann est à suivre indiscutablement.

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CD Ă©vĂ©nement critique. BRUCKNER symphonie n°4 / WAB 104 (Edition Haas – Thielemann, Wiener Philh. 2020, Salzbourg, 1 cd SONY)

PLUS D’INFOS sur le site de SONY CLASSICAL :
https://www.sonyclassical.com/releases/releases-details/bruckner-symphony-no-4-in-e-flat-major-wab-104-edition-haas-2

CD, critique. MOZART & contemporaries. Víkingur Ólafsson, piano (1 cd Deutsche Grammophon)

mozart-vikingur-olafsson-cd-deutsche-grammophon-review-critique-cd-classiquenews-CLIC-de-classiquenews-oct-2021CD, critique. MOZART & contemporaries. Víkingur Ólafsson, piano. Suite sous le feu d’une digitalité sensible, de l’émergence du chant de l’enfance, cette tendresse lumineuse dont Mozart a le secret (jaillissant comme un filon intact du Rondo K 494). La valeur de ce programme tient à ce jeu étonnant où les contrastes naissent d’une palette éblouissante de compositeurs contemporains de Wolfgang « contemporaries » : CPE Bach, Galuppi et Cimarosa principalement, ce dernier dans une gravité sincère insoupçonnée et ainsi révélée…) dont la grâce en partage sait renouveler de façon inventive la forme de la sonate classique ; revitalisant toujours le discours dans le style galant ; où quand tout a été dit, ne reste que le silence pour conclusion. Dans cette arène vive, crépitante, se distingue le feu parfois éruptif et crépitant des CPE Bach (électricité du Rondo H290) ou Cimarosa (pâleur inquiète de la Sonate n°42 / dans l’arrangement d’Olafson dont la couleur indique ce gouffre mozartien partagé). Tout semble préparer à la parole sans concession, d’un dépouillement bouleversant d’un Mozart de fait au centre du programme, touché, frappé, irradié, transcendé (pudeur et solitude de la Fantaisie K397, perle de la collection, enchaîné sans autre transition avec la joie miraculée du Rondo K485). Ainsi se réalise la liberté de l’interprète qui sélectionne et agence en un périple saisissant chaque séquence. Mozart s’affirme le plus complet, le plus direct : éloquence jaillissante de la Petite Gigue (K 574) à laquelle l’interprète fait correspondre l’enchantement intime de la Sonate K 545… Haydn, ne démérite en rien : sa Sonate n°47 a la gravité et l’élégance de Mozart et sous les doigts directs du pianiste, elle affirme une franchise crépitante douée d’un humour articulé et vivace. Tandis que la K 457 éblouit par sa tendresse clairvoyante d’une infinie et grave douceur (adagio)…
CLIC_macaron_2014Parsemé d’éclairs et de traits d’une tendresse grave, le recueil établit un parcours d’une saisissante sincérité, joué avec une passion nuancée au dosages délectables (dont la gravité joué comme une finesse noire ainsi que tend à le suggérer la plume noire que tient l’interprète sur la cover de ce cd ciselé). Confirmant l’intelligence sensible du pianiste, désormais pilier de l’écurie DG / Deutsche Grammophon (avec Daniil Trifonov). Incontournable.

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CD, critique. MOZART & contemporaries. VĂ­kingur Ă“lafsson, piano (1 cd Deutsche Grammophon) – enregistrĂ© en avril 2021, Reykjavik- CLIC de CLASSIQUENEWS automne 2021.

 

 

 

AUTRES CD de Vikingur OLAFSSON critiqués sur CLASSIQUENEWS :

vikingur-olafsson-glass cd review classiquenewsCD, compte rendu critique. PHILIP GLASS : Pianos works, oeuvres pour piano. Vikingur Ă“lafson, piano (1 cd Deutsche Grammophon). Le feu dans le GLASS… Quasiment 1h20 de bonheur musical, en un temps recomposĂ©, dans ce flux qui se joue des rythmes et des ruptures harmoniques propre Ă  crĂ©er cette temporalitĂ© hypnotique dont Glass sait nous rĂ©galer depuis près de 50 ans… L’islandais Vikingur Olafsson a sĂ©lectionnĂ© un cycle d’Études, extraites des deux Recueils Ă©ditĂ©s et validĂ©s par le compositeur au minimaliste richement suggestif. Pour les 80 ans de Philip Glass, le pianiste Olafsson, diplĂ´mĂ© de la Juilliard School de New York, vĂ©ritable icĂ´ne de la modernitĂ© en Islande, crĂ©ateur de bon nombre de nouvelles Ĺ“uvres, fondateur …

olafsson-vikingur-rameau-debussy-dg-deutsche-grammophon-annonce-cd-critique-review-classiquenewsCD Ă©vĂ©nement, annonce. VĂŤKINGUR Ă“LAFSSON : Rameau / Debussy (1 cd DG Deutsche Grammophon). Dans son dĂ©jĂ  3è album chez DG Deutsche Grammophon, l’islandais virtuose Vikingur Olafsson souligne la parentĂ© filigranĂ©e entre Rameau et Debussy, une fraternitĂ© musicale voire un lien d’interchangeabilité… Leur « entente » magique Ă©tait avĂ©rĂ©e : Debussy Ă  la suite de Saint-SaĂ«ns ou FĂ©tis (au XIXè) trouvant chez le Baroque, cet esprit français intact et pur, bienvenu dans le contexte franco français et antiallemand au dĂ©but du XXè. Rameau et ses suaves arabesques, aussi dĂ©coratives qu’intellectuelles comblait le goĂ»t alors le si difficile Monsieur croche alias Debussy. Comme le visuel l’indique, Olafsson joue Debussy comme s’il en peignait l’art des harmonies diffuses, colorĂ©es, entrelacĂ©es…

 

 

 

DVD, danse, critique. A EKMAN : ESKAPIST (1 dvd BelAir classiques, avril 2019)

eskapist dvd alexander ekman belair classiques critique classiquenews ballet danse critiqueDVD, danse, critique. A EKMAN : ESKAPIST (1 dvd BelAir classiques, avril 2019). On connaĂ®t bien Ă  prĂ©sent l’univers dĂ©jantĂ©, colorĂ© du chorĂ©graphe suĂ©dois Alexander Ekman. Play ou sa version poĂ©tique du Songe d’une nuit d’étĂ© ont affirmĂ© un tempĂ©rament de feu pour les tableaux mĂ©tissĂ©s, Ă©picĂ©s, Ă©clectiques qui s’appuient surtout sur une maĂ®trise virtuose de l’écriture collective. Pour nous, quel bonheur de savourer un groupe de danseurs, libres, sans entraves, non masquĂ©s, partageant en contacts et confrontations millimĂ©trĂ©s un mĂŞme et seul espace : c’était avant la covid 19 ! Stockholm, avril 2019… en costumes rayĂ©s d’abord, les danseurs semblent les forçats (joyeux) d’un monde dĂ©rĂ©glĂ©, fragmentĂ© mais Ă  la mĂ©canique heureuse ; le monde d’Ekman multiplie Ă  l’infini les sĂ©quences collectives aux gestes souples et rĂ©pĂ©tĂ©s, en apesanteur qui interrogent le sens du groupe, la direction d’une sociĂ©tĂ©.

Il y a mère nature (la femme en robe blanche aux 2 plantes en pot), l’homme qui se brosse les dents sous la douche, la femme mannequin qui pose … autant de figures Ă©parses auxquelles succèdent l’homme en pyjama seul qui se questionne (Eskapist, hĂ©ros de cette fable entre fantasme et cauchemar), ou l’homme pelouse Ă©bouriffĂ© qui pousse une tondeuse (silencieuse)…Tout exprime ce syndrome du Titanic ; le monde avance, l’humanitĂ© s’hystĂ©rise en saynètes simultanĂ©es, poĂ©tiquement drĂ´les quasi surrĂ©alistes mais ce tout sans unitĂ© va irrĂ©mĂ©diablement Ă  sa perte.

Le chorĂ©graphe interroge le vocabulaire du mouvement et le crĂ©ateur questionne la finalitĂ© de la sociĂ©tĂ©. Le corps du ballet suĂ©dois illustre la machine humaine entendue comme une somme dĂ©sunie d’individualitĂ©s au destin impossible, au devenir d’apocalypse car irrĂ©conciliables.
Le groupe est enchainĂ© net aux solos, duos… Le jeu est heureux apparemment dĂ©complexĂ© mais dans cette insouciance souple et flexible (sensuel et somptueux ballet des femmes sur un rythme tribal) il pose la question fondamentale de l’avenir de notre sociĂ©tĂ© contemporaine.
Le titre du ballet et le hĂ©ros qui s’impose peu Ă  peu Ă  nous, rĂ©tablissent la cohĂ©rence de ce bain bouillonnant d’images et de situations apparemment dĂ©cousues : elles font sens, comme dĂ©rivĂ©s de l’esprit du rĂŞveur, l’escapist (ESKAPIST), ce surdouĂ© qui a la capacitĂ© en s’Ă©vadant quand il le souhaite, dans ses mondes intĂ©rieurs, d’accroĂ®tre fortement sa crĂ©ativitĂ©. CLIC D'OR macaron 200Une Ă©chappĂ©e positive, transcendante qui a la qualitĂ© d’aiguiser notre acuitĂ© cognitive et critique, notre pleine conscience : en somme le propre de l’art. Si l’on regrette parfois des lenteurs, en particulier dans les sĂ©quences filmĂ©es avec le soliste blond (aux faux airs de Pierre Richard dans Le grand blond Ă  la chaussure noire), l’onirisme se rĂ©vèle en particulier dans l’hypnotique tableau final qui est un rĂŞve d’harmonie mĂ©morable, quand le corps de ballet semble soudainement se fondre en pure magie, Ă  l’image du couple dont l’un se reconnecte Ă  l’autre. Globalement captivant. Parution annoncĂ©e : le 11 sept 2020.  DVD, danse, critique. Alexander EKMAN : ESKAPIST / Ballet royal de Suède – Musique de Mikael Karlsson (1 dvd BelAir classiques, avril 2019).

 

 

 

 

 

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 LIRE aussi :

 

Karlsson mikael erman alexander dvd bel air classiques critique dvd review dvd par classiquenews BAC141-Midsummer Night's Dream 3D DVD copieDVD, compte rendu critique. Midsummer night dream, Alexander Ekman (1 dvd BelAir classiques, 2016). Le Midsummer / Midsommar en suĂ©dois, fĂŞtĂ© entre le 20 et le 25 juin, chaque annĂ©e, le jour de la Saint-Jean marque le solstice de l’étĂ©, un passage primordial dans le dĂ©roulement d’une annĂ©e et pour le chorĂ©graphe suĂ©dois Alexander Ekamn, c’est essentiellement une cĂ©lĂ©bration collective et paĂŻenne qui favorise aussi l’émergence du rĂŞve (dream). Les femmes couronnĂ©es de fleurs, les verres que l’on Ă©lève Ă  l’assemblĂ©e pour trinquer, le mât autour duquel on danse et se rĂ©jouit d’être ensemble… composent ici les jalons d’un rituel profane …

PLAY-ekman-opera-garnier-paris-dec-2017-critique-ballet-danse-par-classiquenews-DVD-bel-air-classiques-CLIC-de-CLASSIQUENEWSDVD événement, critique. PLAY : Alexander Ekman (Ballet de l’Opéra de Paris, 2017, 1 dvd BelAir classiques). Réjouissante création chorégraphique… PARIS, Opéra Garnier, décembre 2017. La musique de Mikael Karlsson renforce l’impact visuel et rythmique du ballet conçu par le suédois Alexander Ekman ; la force expressive et suspendue du premier, la liberté imaginative du second forment ici un spectacle d’une beauté saisissante, au mouvement vif, nerveux, haletant jusque dans ses contrastes ludiques voire espiègles (ballons, balles, bulles renforcent la vision aérienne, immatérielle du drame…) qui alternent les tableaux aux couleurs nettes, aux géométries claires et propres.

DVD, critique. Tricentenaire de la Galerie DorĂ©e – Le Concert de la Loge (1 dvd BelAirclassique)

galerie-doree-concert-tricentenaire-julien-chauvin-dvd-critique-concert-classiquenews-concert-de-la-logeDVD, critique. Tricentenaire de la Galerie DorĂ©e – Le Concert de la Loge (1 dvd BelAirclassique)LIEU PATRIMONIAL, EMBLEMATIQUE… Le lieu est lovĂ© au centre de Paris, et ne se visite que pour le JournĂ©e du Patrimoine. Pourtant c’est l’écrin le plus raffinĂ© de la peinture du XVIIè, commande de 1635 par Louis PhĂ©lypeaux de La Vrillière et depuis lors appelĂ© « Galerie La Vrillière » ou Galerie dorĂ©e : le Français fastueux et richissime voulait sa galerie de peinture selon le modèle romain de la galerie Farnèse par les Carrache (1607) ; mais ici, les artistes français dĂ©passent leur prĂ©dĂ©cesseurs italiens : la voĂ»te Ă  la fresque comme Ă  Rome est peintre par Perrier ; les ors sertissent 12 joyaux de la peinture française rĂ©alisĂ©s par les plus grands peintres d’alors, livrĂ©s pour la plus tardive en 1665 : Poussin, Guerchin, Reni, … des toiles grandioses pour une galerie devenue lĂ©gendaire. A juste tire. Le plafond a disparu remplacĂ© par une copie au XIXè ; des boiseries murales furent ajoutĂ©es pour encadrer les toiles du XVIIè… lesquelles furent ensuite dispersĂ©es dans les musĂ©es de France. Le lieu appartient aujourd’hui Ă  la Banque de France qui fĂŞtait en juin 2018, son tricentenaire.

UN CONCERT ECLECTIQUE… Pour se faire le violoniste Julien Chauvin, leader de son ensemble Le Concert de la Loge offrent un programme célébratif, précisant les tubes baroques contemporains des toiles souhaitées et livrées pour Phélipeaux ; ajoutant aussi des partitions romantiques, en relation avec les statues des 4 continents rajoutées en 1872… L’éventail est large, les styles évoquées aussi : Marais, Couperin, surtout Rameau dont la magie des couleurs dialogue avec les tableaux au mur. Le chant lyrique complète le cycle, celui de la soprano Jodie Devos (très convaincante Lakmé à l’Opéra de Tours) qui chante Haendel, joliment, un peu sagement : absence d’une véritable scène lyrique ? ; offre un beau minois à l’évocation de la Vierge (Stabat Mater de Boccherini)… On gardera en souvenir la précision chantante des instrumentistes, et les plans rapprochés, détaillés, généreux de la caméra sur certains éléments de la Galerie Dorée… qui n’a pas usurpé son nom.

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Programme détaillé

GALERIE DORÉE | LE CONCERT DU TRICENTAIRE
[DVD & BLU-RAY]

Jean-Baptiste Lully : Le Bourgeois gentilhomme
– « Marche pour la cérémonie des Turcs »

Joseph Haydn : Symphonie Le Matin, Hob. I:6
– Adagio et Allegro

Georg Friedrich Haendel : Semele
– « Come, Zephyrs, come » | Jodie Devos (soprano)

François Couperin : Les Barricades mystérieuses

François Couperin : Tic Toc Choc | Justin Taylor (clavecin)

Félicien David : Quatuor no 1 en fa mineur
– Allegretto | Quatuor Cambini-Paris

Marin Marais : Les Voix humaines | Thomas Dunford (luth)

Improvisation dans le style bunraku
(théâtre de marionnettes japonais) | Atsushi Sakaï (violoncelle)

Jean-Philippe Rameau : Les Indes galantes
– « Danse du grand calumet de la paix » | Justin Taylor (clavecin)

Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor en si b majeur, K. 458
– « La chasse », Allegro | Quatuor Cambini-Paris

Jean-Baptiste Prin : Fanfare de Chasse

Joseph Haydn : Symphonie Le Soir, Hob. I:8
– Menuet

Georg Friedrich Haendel : Trionfo del tempo e del disinganno, HWV46a – « Un pensiero nemico di pace »
Jodie Devos (soprano)

Luigi Boccherini : Stabat Mater, G 532a
– « Virgo virginum praeclara »
Jodie Devos (soprano)

Antonio Vivaldi : Il Gardellino, RV 428 – Allegro
Antonio Vivaldi : Tempesta di Mare, RV 433 – Allegro
Antonio Vivaldi : La Notte, RV 439
– « Il Sonno, fantasmi » | Tami Krausz (traverso)

Georg Friedrich Haendel : Giulio Cesare in Egitto
– « Da Tempeste » | Jodie Devos (soprano)

Marc-Antoine Charpentier : Te Deum, H. 146
– Prélude

Jean-Baptiste Lully : Le Bourgeois gentilhomme
– « Marche pour la cérémonie des Turcs »

Le Concert de la Loge
Quatuor Cambini-Paris
Violon et direction : Julien Chauvin

Soprano : Jodie Devos
Clavecin : Justin Taylor
Luth-théorbe : Thomas Dunford
Violoncelle : Atsushi Sakai
Traverso : Tami Krausz

Enregistré en juin 2018

1 Livre + DVD BelAir Classiques BAC171 – 1h17 minutes

https://belairclassiques.com/film/galerie-doree-le-concert-du-tricentenaire-concert-de-la-loge-julien-chauvin-jodie-devos-thomas-dunford-justin-taylor-dvd-blu-ray

VOIR le teaser vidéo

https://www.youtube.com/watch?v=UjY4a-HNBdc&feature=emb_logo

CD critique. CHERUBINI : discoveries (1 cd DECCA – oct 2016)

CHERUBINI discoveries chailly DECCA cd review cd critique classiquenews critique cd concert cherubini 28948315925CD critique. CHERUBINI : discoveries (1 cd DECCA – oct 2016). Riccardo Chailly nous habitue au dĂ©frichement. S’agissant de Stravinksy, le geste exhumateur et le choix des partitions qui en profitent, se sont avĂ©rĂ©s judicieux, et le rĂ©sultant probant (LIRE notre critique du cd STRAVINKSY : Chant funèbre, première mondiale : http://www.classiquenews.com/cd-compte-rendu-critique-stravinsky-le-chant-funebre-le-sacre-chailly-1-cd-decca-2017/ ). Ce corpus CHERUBINI produit les mĂŞmes effets. Et nous enjoint Ă  parler s’agissant du directeur du Conservatoire (en 1822) et du crĂ©ateur naturalisĂ© français en 1794, d’un compositeur moins italien que… français et surtout parisien. Le sens du drame, le goĂ»t du fantastique voire terrifique, bien dans la veine digĂ©rĂ©e du gluckisme, l’écriture symphonique qui se place aux cĂ´tĂ©s de Beethoven et du premier Mendelssohn, reprĂ©cisent, sous la figure du florentin Luigi Cherubini (1760 – 1842), un compositeur authentiquement romantique.

 

 

 

 

La Symphonie romantique de Cherubini

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CHERUBINI ingres alf6_ingres_001fSa (seule) symphonie ici reconstruite de 1824, est digne des auteurs germaniques évoqués : on sent même poindre dans la vitalité des contrastes, une excitation qui casse le modèle classique basculant plutôt vers une verve préweberienne, exactement comme c’est le cas des œuvres de Sigismund Neukomm (1778-1858 : cf son oratorio la Résurrection de 1828 : http://www.classiquenews.com/la-resurrection-de-neukomm-le-couronnement-de-mozart/ ). En 1824, quand Cherubini compose sa Symphonie, Ludwig a d’ailleurs composé quasiment l’ensemble de son corpus symphonique. Voilà qui précise la situation particulière de Cherubini, longtemps taxé uniquement de faiseur de cérémonies pontifiantes pour le pouvoir monarchique (après l’Empire) : l’élégance virile de son écriture a, on le comprend, beaucoup plu à Beethoven lui-même, mais aussi (admiration révélatrice) à Schumann et à Brahms !
Les Marches, dont la majorité premières mondiales, illustrent de fait l’inspiration circonstancielle de Cherubini, son talent pour fixer une plénitude à la fois solennelle et déclamatoire, avec ce goût pour le grave, le lugubre, l’ampleur sombre des Ténèbres, comme le rappellent les deux dernières pièces, à mettre en relation avec son Requiem en ré mineur.
L’ouverture initiale souligne le faiseur d’opéras, doué pour les atmosphères contrastées, comme l’incarnent aujourd’hui, deux de ses ouvrages clés : Lodoiska (1791) puis surtout Médée (1797, puis révisée en 2 actes en 1802).

Riccardo Muti a révélé l’ampleur du décorum façon Cherubini dans ses Messes (Solennelle pour le couronnement de Charles X, pour le sacre de Louis XVIII, Missa Solemnis…). Riccardo Chailly quant à lui s’intéresse à la veine orchestrale, dévoilant la grandeur et la profondeur sans omettre la vitalité parfois abrupte de la Symphonie en ré de 1824.
PortraiturĂ© par Ingres, Cherubini montre un visage sĂ©rieux, presque austère, Ă  peu près aussi souriant qu’un magistrat : le peintre acadĂ©mique a fixĂ© les traits d’une institution dont le mĂ©tier s’entend dans cette symphonie rĂ©alisĂ©e pour Londres et qui est comme une synthèse Ă  son Ă©poque. ComposĂ©e entre mars et avril 1824, la Symphonie en rĂ© majeur est une commande de la Royal Philharmonic Society et créée in loco sous la direction de Cherubini lui-mĂŞme : le plan est classique, dans la tradition de Haydn et Mozart (Largo / Allegro – Larghetto cantabile – inuetto : allegro non tanto – Allegro assai), auquel Cherubini apporte une connaissance de la fureur beethovĂ©nienne, et son goĂ»t pour la caractĂ©risation atmosphĂ©rique, perceptible dans son goĂ»t des alliages et de timbres. Conscient de cette rĂ©serve riche en contrastes, dĂ©veloppements thĂ©matiques, couleurs et accents opĂ©ratiques, Cherubini reprit son ouvrage pour en dĂ©duire son 2ème quatuor en 1829 (rĂ©actualisant tempo et ordre des mouvements).

Les Français ces dernières années n’ont pas attendu pour révéler au grand jour l’intelligence architecturale et dramatique de la partition, en particulier les chefs habitués des instruments d’époque tels David Stern ou Bruno Procopio, prêts à articuler et caractériser chacun des mouvements.
Voilà qui explique les limites de la présente lecture milanaise : dépourvue de la subtilité individualisée des instruments d’époque, l’orchestre dirigé par Chailly manque de détails, de finesse, de transparence… le son est souvent lisse, rond, dilué voire épais. Quel dommage. Pourtant la lecture ne manque ni de nervosité ni de tension contrastée. C’est pourquoi la redécouverte est réalisée, explicite par moitié.
Par contre l’ouverture (en sol majeur) – digne d’un lever de rideau pour le meilleur opĂ©ra (1815), abondante en pĂ©ripĂ©tie (au dĂ©triment cependant de l’unitĂ© architectonique), et surtout les Marches ici restituĂ©es sont passionnantes. On y lit sous le decorum de leur contexte et genèse, ce goĂ»t pour la terribilitĂ  lugubre, fantastique, voire effrayante : les obsèques du gĂ©nĂ©ral Hoche (oct 1797), surtout l’admirable marche funèbre (pour les funĂ©railles du Duc de berry, le 14 mars 1820), indiquent clairement l’expĂ©rimentation tonale d’un Cherubini touchĂ© par la grâce d’une inspiration noire, tĂ©nĂ©briste, au souffle singulier. LĂ  est la grande dĂ©couverte.

 

 

 

 

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LIRE AUSSI notre annonce du CD DECCA : CHERUBINI, Discoveries / Riccardo Chailly / Filarmonica della Scala (1 cd Decca oct 2016).

http://www.classiquenews.com/cd-evenement-annonce-cherubini-discoveries-filarmonica-delle-scala-riccardo-chailly-1-cd-decca/

CD, critique. LA TOMBELLE : mĂ©lodies, musique de chambre, chorale et symphonique (3 cd Bru Zane – Coll « Portraits », vol 5 – 2017 – 2018)

TOMBELLE fernand classiquenews bru zane cd critique presentation annonce review cd classiquenews Portraits-La-Tombelle-Bru-ZaneCD, critique. LA TOMBELLE : mĂ©lodies, musique de chambre, chorale et symphonique (3 cd Bru Zane – Coll « Portraits », vol 5 – 2017 – 2018). FOCUS sur un nĂ©oclassique, Ă©lève de Dubois, grand admirateur du Moyen-Age et de lettres grĂ©co-romaines… Pianiste et organiste fervent, grâce Ă  â€encouragement de sa mère, le jeune Fernand de la Tombelle, nĂ© en 1854, enrichit son idĂ©al esthĂ©tique par l’assimilation de la culture et des rĂ©fĂ©rences poĂ©tiques lĂ©guĂ©es par Rome et la GrĂŞce antique. Quand il faut, Ă  19 ans, surmonter le choc traumatique de la disparition brutale du père, l’art est un rempart solide, voire une ressource inĂ©puisable pour se construire. Dans l’hĂ´tel parisien maternel, rue Newton, le compositeur Ă©crit pour chaque Ă©vĂ©nement familial ou amical, pièce de musique de chambre, mĂ©lodies, un peu Ă  la manière de Schubert et de ses schubertiades… les « Tombelliades » pourraient ainsi dĂ©signer une riche et rĂ©gulière vie mondaine et musicale, comme dans le PĂ©rigord, dans le château de Fayrac, La Tombelle compose Ă  la manière mĂ©diĂ©vale, instituant des « Cours d’amour » dans le sillon des poètes et troubadours du Languedoc. La Tombelle participe avec Guilmant et d’Indy Ă  la crĂ©ation de la schola Cantorum (1894), Ă  Paris.

C’est dans ses terres languedociennes que le compositeur à partir de 1895, éloigné de son épouse, se retire avec son fils, en un repli identitaire renforcé après la mort de sa mère. Mais La Tombelle poursuit son enseignement de l’harmonie à la Schola jusqu’en 1904. Le père a le goût de la transmission dont profitent ses propres enfants, mais aussi les habitants du village proche de Sarlat (conférences, concerts où il joue de la vielle, rencontres à « l’école des Frères »…). Perfectionniste dans l’âme, et idéaliste, La Tombelle cultive un style très imagée qui s’appuie sur les poèmes qu’il a pris soin de rédiger lui-même. Il s’éteint en 1928.
Fernand_de_La_Tombelle_1890_(2)Pour son volume 5 de la collection « Portraits », après Gouvy, Dubois, JaĂ«ll, FĂ©licien David, voici donc un livre disque monographique dĂ©diĂ© Ă  l’art musical du languedocien, Fernand de La Tombelle. On y (re)dĂ©couvre les pièces de La Tombelle, sa musique de chambre dont les mĂ©lodies, mais aussi chorale et symphonique. Les enregistrements ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s sur deux ans (2017 – 2018) ; y paraissent ainsi un Ă©ventail large et significatif de l’écriture du compositeur, emblĂ©matique de l’éclectisme entre les deux siècles XIXè et XXè : Fantaisie pour piano et orch (1888), Impressions matinales, Livre d’images (CDI) ; Suite pour violoncelle, Quatuor avec piano (1894) ; musiques pour choeur (CDII) ; MĂ©lodies, Pages d’amour (Yann Beuron / Jeff Cohen), Sonate pour violoncelle, Fantaisie ballade pour harpe Ă  pĂ©dales (CDIII). Soucieux d’équilibre et d’expression mesurĂ©e, La Tombelle dĂ©veloppe un art marquĂ© par son professeur ThĂ©odore Dubois (1837 – 1924) qui pratique un dramatisme sĂ©duisant et accessible comme un suiveur de l’incontournable compositeur lyrique d’alors, Jules Massenet (1842 – 1912). La Tombelle fut d’ailleurs un proche de l’auteur de Manon. Ses pages pour orchestre, symphoniques pures ou concertantes n’évitent pas comme chez Dubois, un Ă©lan parfois Ă©perdu, clinquant ; mais ses mĂ©lodies, concevant et le texte et la musique, expriment un idĂ©al mieux abouti, plus naturel et portĂ© par une Ă©vidente sincĂ©ritĂ©. Belle rĂ©vĂ©lation.

CD, critique. VIRTUOSISSIMO : Dmitry Sinkovsky / Il Pomo d’Or. Leclair, Tartini… (1 cd NaĂŻve)

sinkovsky-dmitri-violon-cd-naive-critique-review-cd-classiquenews-VirtuosiimoCD, critique. VIRTUOSISSIMO : Dmitry Sinkovsky / Il Pomo d’Oro (1 cd NaĂŻve). Le violoniste et leader de son propre ensemble La Voce strumentale (créé en 2011)dirige dans cet album plus que recommandable Il Pomo d’oro ; l’interprète dĂ©fend ici une vision engagĂ©e, d’une vivacitĂ© brĂ»lante dans chaque pièce choisies : cet album est surtout celui d’un artiste Ă  fort tempĂ©rament ; toutes de compositeurs baroque permettant Ă  l’instrument soliste de brillant au sein du collectif de cordes. Le style fouettĂ©, hyperdynamique, aux Ă©carts de nuances appuyĂ©s qui fait du violon solo un chant surexpressif, d’une virtuositĂ© Ă©lectrique relance constamment l’écriture du Locatelli d’ouverture (Concerto n°1 de L’Arte del violino opus 3) : une sorte de triptyque faire valoir oĂą la partie de violon mouvements 1 et surtout 3 (Allegro puis Capriccio de plus de 7mn), permet non plus au violoniste de briller mais de collectionner et diversifier tous les effets possibles : en cela la dextĂ©ritĂ© du leader Sinkovsky est indiscutable. Mais la vrai question demeure : la musique n’est-elle qu’un feu d’artifice ? Non, Ă©videmment et la belle Ă©lĂ©gance intĂ©rieure du Largo central (presque 5mn) enchante par sa rĂŞverie, musicale. Certains regretteront ce panache Ă  tout crin, ses tutti furieux, abordĂ©s comme des chevauchĂ©es Ă©perdues : trop d’effet finit par agacer. Mais heureusement le chef sait doser et calculer contrastes et effets ; dans une langue plus classique et Ă©quilibrĂ©e, le Concerto junp l.1 de Pisendel confirme chez les interprètes ce souci de la mesure ; toute virtuositĂ© touche si elle est sous contrĂ´le. Tout aussi chantant, le violon hyperbavard – qu’il a de choses Ă  nous dire, articule, s’emporte mais reste proche du chant et de la respiration (Allegro I). Si la conception du programme est au cĹ“ur de sa rĂ©ussite dans son Ă©coulement c’est qu’elle touche le profil mĂŞme des auteurs ici abordĂ©s : tous du XVIIè XVIIIè qui furent violonistes chevronnĂ©s et compositeurs. Ils sont nĂ©s dans les deux dernières dĂ©cades du XVIIè, offrant leur maturitĂ© artistique au dĂ©but du XVIIIè. On le voit dans l’écriture elle-mĂŞme ; et d’ailleurs dans le Largo du Pisendel qui suit, d’une Ă©loquence naturelle dans la prière recueillie et intĂ©rieure.
Le seul français dans le programme est Leclair, à travers les 4 mouvements du Concerto opus 7 n°2 : force est de constater que la mesure comme l’élégance toutes françaises, bénéficiant d’un continuo musclé,nerveux, testostéroné, sonne à la fois expressif et souple ; le violoniste ajoutant sa touche personnelle, celle d’une flexibilité solaire, qui sait murmurer et nuancer sans craindre de mordre aussi, avec une respiration étendue et presque pudique dans l’Adagio.
Le sens des climats et des couleurs est plus encore contrasté dans le Tartini (Concerto a lunardo venier D 115), d’une profonde langueur, alternée à l’épanchement le plus passionné ; Sinkovsky en exprime cette dépression lagunaire si proche du chant (d’ailleurs le violoniste moscovite est aussi chanteur, contre-ténor qui semble comprendre de l’intérieur l’enjeu vocal de chaque ligne : du bien bel ouvrage là encore). Car chaque effet y est inféodé à la couleur intérieure, non à l’effet artificiel et strictement démonstratif. Le geste se fait explicitation interrogative sur un état de dépression attendrie, à la fois nostalgique et démuni, d’un caractère authentiquement post vivaldien. Pour nous, l’investissement poétique et l’imaginaire (couleurs, nuances) que sait y développer le violoniste russe, forment l’épisode le plus intéressant de cet album.

CLIC D'OR macaron 200On y détecte dans la conduite intérieure et les couleurs sous jacentes de la ligne violonistique (cantabile préromantique du second andante cantabile), l’apport de cette complicité avec les chanteurs contre ténors de la nouvelle génération les Fagioli ou Orlinski…, sans omettre sa collaboration avec Joyce DiDonato ou Ann Hallenberg, divas baroques parmi les plus engagées elles aussi, avec lesquels il a travaillé. Voilà a contrario de bien des ensembles plus lisses et ronronnants, la très belle lecture d’un violoniste touche à tout, qui est aussi chanteur et chef d’orchestre. Dmitry Sinkovsky démontre l’étendue de ses capacités à colorer et nuancer ce concept ailleurs éculé, réducteur et si répétitif, de virtuosité. Ici tout respire et chante avec une musicalité rare. De quoi réviser idéalement sa propre connaissance des manières et des styles de Locatelli à Tartini, de Leclair à Telemann…

 

 

 

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CD, critique. VIRTUOSISSIMO : Dmitry Sinkovsky / Il Pomo d’Oro (1 cd Naïve)

 

 

En savoir plus sur le site d’Il Pomo d’Oro
http://www.il-pomodoro.ch/news/new-album-with-dmitry-sinkovsky/

Le site de Dmitri Sinkovsky
https://www.dmitrysinkovsky.com/news/

VOIR, écouter Dmitri Sinkovsky dans la Capriccio de Locatelli
https://www.youtube.com/watch?v=ppDAQy5F4ho

Photos : depuis le site de Dmitri Sinkovsky © M Borggreve

 
 

CD, événement critique. MONTEVERDI : VESPRO. La Tempête. Simon-Pierre BESTION (2 cd Alpha)

MONTEVERDI vespro tempete simon pierre bestion cd critique concert classiquenews la critique cd concert 5d7f7d2c3db53CD, Ă©vĂ©nement critique. MONTEVERDI : VESPRO. La TempĂŞte. Simon-Pierre BESTION (2 cd Alpha) – Comme un laboratoire collectif, La TempĂŞte insuffle souvent aux partitions choisies une nouvelle dynamique, un nouvel Ă©clairage voire une nouvelle signification ; d’autant plus rĂ©ussis et convaincants ici que le geste qui dĂ©cortique sans attĂ©nuer, qui enrichit sans diluer, offre une recontextualisation du monument montĂ©verdien ; les pièces ajoutĂ©es soulignent en rĂ©alitĂ© combien l’écriture de Claudio est moderne et en rĂ©alitĂ©, d’une sensualitĂ© irrĂ©sistible (nuance Ă  peine pensable alors dans un contexte « romain », liturgique). Cette comparaison implicite renforce le caractère audacieux de l’œuvre de 1610/11 dont l’esprit et la conception, telle une mosaĂŻque Ă©clectique, devait surtout convaincre sa cible (le pape lui-mĂŞme, Paul V) que Monteverdi Ă©tait bien le plus grand compositeur de l’époque ; peine et dĂ©fis perdus car Rome ne sera jamais le foyer du MaĂ®tre CrĂ©monais, … plutĂ´t la fastueuse et sensuelle VENISE, qui en fera son maĂ®tre de chapelle Ă  San Marco (1613).

Ainsi prenons pour exemple le cd2 : il s’ouvre par le « Sancta Maria Ricercar » de Frescobaldi : incertain, instable, d’une volubilité irrésolue. Tout cela prépare mieux à ce qui suit. L’autorité sensuelle, déclamée avec ampleur dans un souffle opératique qui rappelle Orfeo s’affirme dans l’Audi Caelum où le baryton soliste est doublé dans la coulisse par un ténor… effet de perspective et d’étagement propre au génie montéverdien et auquel les interprètes sans maîtriser totalement la souplesse et la précision des mélismes, expriment la courbe majestueuse (sur le mot « Maria »).
Aux options vocales nettement défendues répondent aussi les nuances et caractérisations apportées au continuo : le chef a ajouté le serpent ou le chitarrone, dont la vibration grave et souple, fortifie l’assise ; ce bourdonnement continu, fraternel.
« Omnes » est conçu comme un éclair, le coup de conscience qui rassemble toutes les troupes telle une armée d’anges armés, inspirés par une ardeur sensuelle renouvelée. Ce jaillissement collectif est alors conçu comme une ample arche sensuelle qui retourne dans l’ombre du mystère, comme un retable que l’on recouvre.
Le chef et ses interprètes jouent sur les climats contrastés, les différentes nuances de la ferveur mariale grâce ainsi aux
pièces intercalaires (antiennes grégoriennes, faux-bourdons du XVIIè,…) sur le même thème sacré (hymne virginal) et d’un caractère de profond recueillement.
La pertinence de ces combinaisons relance la tension sans atténuer les pièces montéverdiennes. L’éclat et le contraste qui en découlent, enrichit encore la réception du cycle montéverdien ; Ils soulignent sa géniale architecture qui creuse le mystère de Marie. Ces inclusions rétablissent aussi la réalisation du Vespro dans la réalité d’une messe et d’un rituel liturgique. Elles s’appuient entre autres sur la style des polyphonies orales encore manifestes en Corse, en Sardaigne, en Géorgie. Elles apportent une résonance populaire liée aux pratiques traditionnelles, toujours vivaces.

Les interprètes savent aussi jouer avec la liberté de certains tempos, dans, entre autres la « Sonata sopra Sancta Maria » où le choeur féminin sur les mêmes mots répétés déclament presque imperturbablement malgré la grande diversité des coupes rythmiques des cuivres par exemple qui frappent et martèlent la réalisation de la pièce, affectant (en apparence) l’ascension irrépressible de leur élan vers les hauteurs… C’est mieux exprimer en réalité le souffle de la prière et la lutte aussi pour l’affirmer, impénétrable et inexorable.

CLIC_macaron_2014Cette fusion du populaire et du sacrĂ©, soit du verbe incarnĂ© se rĂ©alise formellement dans 12 sĂ©quences du Magnificat qui referme le prodigieux Vespro : relief du continuo, particulièrement maĂ®trisĂ© et abouti, aux rythmes chorĂ©graphiques – ; vagues chorales qui plongent dans la poĂ©sie et le mystère, allant naturel et souple… le geste du groupe, portĂ© par une vision gĂ©nĂ©rale claire et fĂ©dĂ©ratrice, – celle du maestro fondateur du collectif, Simon-Pierre Bestion, restitue l’esprit de la crèche, le recueillement collectif, comme une Ă©piphanie simple et d’une Ă©tonnante vivacitĂ©.
Les conversations enchantées de « Esurientes » et de « Suscepit Israel » ; lumineuse chevauchée dans « Sicut locutus »… ) s’accomplissent ici avec une intelligence globale très touchante. Le « Gloria » qui s’ouvre dans une perspective infinie, vocalement par vagues successives (initié par le baryton soliste très souple) apporte une jubilation d’une ampleur qui berce, exalte, saisit. La Tempête atteint son meilleur dans cet ultime célébration de Marie. CLIC de CLASSIQUENEWS de l’automne 2019.

CD, événement, critique. MONTEVERDI : VESPRO (1610). La Tempête, Simon-Pierre Bestion (2 cd Alpha).

 

 

 

 

 

 

Extrait vidéo sur YOUTUBE :

 

 

 

Récital Alexandre Kantorow à TOULOUSE (Jacobins)

TOULOUSE, ven 6 sept : Récital Alexandre KANTOROW. Kantorow… non pas le père (Jean-Jacques) éminent chef, mais son fils… Alexandre, jeune pianiste qui a foudroyé la planète classique et le petit milieu du piano mondial en remportant en juin 2019, l’illustre Concours Tchaikovski de Moscou : une première pour un français !!!

Kantorow alexandre piano classiquenews festival WURTH critique classiquenewsEn direct du Cloître des Jacobins à Toulouse (40ème édition 2019 du Festival Piano aux Jacobins). Fils du violoniste et chef d’orchestre Jean-Jacques Kantorow, Alexandre Kantorow (né en 1997 à Clermont-Ferrand) est à 22 ans, le premier français à remporter la médaille d’or et le Grand Prix du prestigieux Concours Tchaïkovski de Moscou (juin 2019). Lors de la finale, il a interprété le Deuxième Concerto pour piano de Tchaïkovsky et le Deuxième Concerto pour piano de Brahms, avec l’Orchestre symphonique de Russie Evgeny Svetlanov dirigé par Vasily Petrenko. alexandre Kantorow succède à d’autres précédents pianistes couronnés par le Concours Tchaikovsky, depuis sa création en 1958, où était sacré le pianiste américain Van Cliburn (un pied de nez en pleine guerre froide) : Vladimir Ashkenazy, Gregory Sokolov, Denis Matsuev… soit les pus grands pianistes russes actuels.

Dans la foulée de sa victoire, le chef Valery Gergiev lui propose avec son Orchestre du Mariinsky, une série de concerts en Europe.
A 11 ans, le jeune pianiste suit des cours particuliers avec Pierre-Alain Volondat, pianiste laurĂ©at du concours Reine Elisabeth en Belgique. Il entre ensuite Ă  la Schola Cantorum Ă  Paris dans la classe d’Igor Laszko avant d’intĂ©grer le Conservatoire national supĂ©rieur de Paris dans la classe de Franck Braley et Haruko Ueda. Il a ensuite poursuivi dans la classe de Rena Shereshevskaya Ă  l’Ecole normale de musique de Paris.

Le « jeune tsar » du piano français, a débuté sa carrière dès 16 ans quand il était invité aux folles journées de Nantes et de Varsovie avec le Sinfonia Varsovia. En juin 2019, il reçoit le prix du syndicat de la critique : « Révélation Musicale de l’année ». Un tempérament à suivre désormais et dont a déjà rendu compte notre rédacteur Hubert Stoecklin, Toulouse, le 15 février 2019 : concerto n°2 pour piano de Tchaïkovski…
https://www.classiquenews.com/compte-rendu-concert-toulouse-le-15-fev-2019-tchaikovsky-sibelius-alexandre-kantorow-john-storgards/

EXTRAIT de la critique du concert d’Alexandre Kantorow : « … il y a matière à colorer et phraser à l’envie. Et c’est ce qui frappe dans l’aisance du jeune musicien. Tout lui semble facile et tout ce qu’il fait est musique en toute simplicité, sans dureté et dans une souplesse d’une grande élégance. Les nuances sont extraordinairement creusées et l’écoute dans les moments chambristes (le trio dans l’andante) est fabuleuse. Cette manière de dialoguer et poursuivre les lignes musicales du violon et du violoncelle a été un véritable moment de grâce »…

TOULOUSE, cloître des Jacobins
Vendredi 6 septembre 2019, 19h45
Festival Piano aux Jacobins
RESERVEZ VOTRE PLACE
http://www.pianojacobins.com/piano-jacobins-2019/alexandre-kantorow/

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Programme :


Johannes Brahms
Rhapsodie

Franz Liszt
Chasse-Neige n°12, ext. des Études d’exĂ©cution transcendante S. 139

Ludwig Van Beethoven
Sonate pour piano n°2 en la majeur op. 2 n°2

Johannes Brahms
Sonate pour piano n°2 en fa dièse mineur op.2

Gabriel Fauré
Nocturne n°6 en ré bémol majeur op.63

Alexandre Kantorow, piano

 

 

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VISITEZ le site du pianiste Alexandre Kantorow
https://agencedianedusaillant.com/artistes/alexandre-kantorow/

 

 

 

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logo_francemusiqueDiffusion en direct sur FRANCE MUSIQUE, ven 6 sept 2019, 20h. Alexandre KANTOROW…  En direct depuis le Cloître des Jacobins à Toulouse dans le cadre de la 40ème édition du Festival Piano aux Jacobins

LIVRE événement, critique. Béatrice Didier : Enserrer la musique dans le filet des mots (Hermann)

livre critique classiquenews beatrice didier la sirene boutes musique et mots harmattan critique enserrer-la-musique-dans-le-filet-des-mots.jpgLIVRE événement, critique. Béatrice Didier : Enserrer la musique dans le filet des mots (Hermann). L’auteure qui pose avec polémique la question centrale à l’opéra, entre texte et musique est coutumière des sujets qui cultivent le dialogue des arts. Elle est en particulier très inspirée par les rapports de la musique et de la littérature au XVIIIe et au XIXe siècles. La musique est-elle cette sirène, difficile à saisir, à sentir, à éprouver par le truchement des mots ou d’une nacelle textuelle et poétique ? Concrètement : comment le flux musical fonctionne-t-il avec la trame d’un texte ? « Saisir l’insaisissable : enserrer la sirène » : telle est la question centrale de cet essai de Béatrice Didier. Si Ulysse sait se protéger du chant des sirènes musicales, le mythe de Boutès également légué par l’Antiquité, a moins de retentissement, mais il est certainement révélateur et plus riche de questions : plus dramatique donc inquiétant. Boutès lui, suit la sirène, plonge et se laisse envoûté par elle, au risque d’en mourir, ou de s’y perdre. Désir d’entendre, « de se précipiter »… (comme Tosca). Boutès est celui qui se meut, il danse : contrairement à Ulysse qui s’attache immobile au mat du navire. Musique, chorégraphie expriment en définitive le pouvoir irrésistible de la musique. Mais alors pouvoir dire la musique, ne serait-ce pas l’attacher, l’enserrer au sens de piloter, contraindre, assujettir, réduire, appauvrir ?

 

 

Écrire la musique…
A la suite de Boutès, expliquer le pouvoir de la musique

 

 

Ainsi débute le texte d’un essai captivant qui interroge à travers 3 parties (« Définir et délimiter » ; « S’associer » ; « Capter la sirène dans le texte »), les noces heureuses, tendues entre texte / livret et musique. Comment dire la musique ? Et quand il a été possible de l’exprimer, le mot l’a-t-il traduit fidèlement sans la dénaturer ? Du dictionnaire encyclopédique destiné à expliquer le langage musical (Brossard, Rousseau, Berlioz), aux écrits sur la musique (la figure de la musique et surtout du musicien depuis Le Neveu de Rameau de Diderot ; premières critiques… Berlioz encore), au genres musicaux qui supposent la fusion parole / musique (« la chanson, l’hymne, l’opéra-comique, la tragédie en musique, l’opéra moderne… »), le texte interroge la pertinence des mots quand ils sont mis en musique, comme la capacité des mots à exprimer le mystère de la musique…

ulysse ulisse opera monteverdi classiquenewsD’ailleurs, la parole est-elle nĂ©cessaire quand il faut prĂ©server le sens ? L’exemple du ballet et de la pantomime nous indiquent des options sĂ©rieuses qui se passent de paroles et de chant. Mais au final, l’auteure (en suivant l’exemple de Boutès qui suit la sirène) pose la question fĂ©conde en crĂ©ativitĂ© et imaginaires, est-il possible d’exprimer la musique ? Et quand les Ă©crivains (compositeurs ou non : de Berlioz et Hugo Ă  Zola – mĂŞme Balzac est cité…) quand ils nous parlent de musique (et des musiciens), de quoi parlent-ils exactement ? A dĂ©faut de mesurer la qualitĂ© du verbe Ă  exprimer le musique, les tentatives littĂ©raires ont Ă©tĂ© de fabuleuses ressources littĂ©raires autant que musicales. Passionnante Ă©lectrisation des disciplines artistiques entre elles.

 

 

 

 

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CLIC_macaron_2014LIVRE Ă©vĂ©nement, annonce. BĂ©atrice Didier : Enserrer la musique dans le filet des mots – Éditions Hermann : 15 x 21 cm, 362 pages – Parution : dĂ©cembre 2018 – ISBN 9782705695309 : http://www.editions-hermann.fr/5403-enserrer-la-musique-dans-le-filet-des-mots.html

 

 

Présentation de l’ouvrage par l’éditeur (Hermann) :

Musique et littĂ©rature sont-elles des soeurs ennemies, ou sont-elles susceptibles de s’entendre ? Rousseau rĂŞve d’un langage originel qui aurait Ă©tĂ© Ă  la fois musique et parole, mais cette union de deux arts qui sont proches parents et dont pourtant les langages diffèrent profondĂ©ment a toujours Ă©tĂ© pĂ©rilleuse. Certains Ă©crivains tentent de capter l’essence mĂŞme de la musique Ă  travers leurs romans, leurs poĂ©sies, tandis que d’autres s’essaient Ă  la critique musicale, ou encore tentent de mĂŞler musiques et mots dans les genres mixtes que sont l’opĂ©ra et la chanson. Quant aux lexicographes, ils proposent des dĂ©finitions de la musique – nĂ©cessairement imparfaites – dans des dictionnaires. Ces tentatives sans cesse renouvelĂ©es de capter la musique au travers des mots, jamais totalement satisfaisantes, sont-elles de ce fait perpĂ©tuellement vouĂ©es Ă  l’Ă©chec ? BĂ©atrice Didier montre ici qu’elles sont au contraire une source constante d’inspiration, grâce auxquelles musique et littĂ©rature gagnent de nouvelles formes d’expression.

 

 

 

 

CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon)

Verdi ildar abdrazakov cd annonce critique classiquenews verdi orch metropolitain de montreal classiquenewsCD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre Métropolitain de Montréal, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon). Voilà le déjà 2è cd réalisé par la basse vedette et le chef à qui tout semble réussir, pour Deutsche Grammophon.
ATTILA fait valoir l’élasticité sombre et noble du ruban mélodique dont est capable la basse Ildar Abdrazakov : le chanteur colore, étire, sur le souffle, sans jamais écraser. Dans la prière langoureuse du roi Felipe II, monarque auquel est refusé le bonheur et l’amour : Ella giamma m’amo! (DON CARLOS), il faut un diseur capable de nuancer toutes les couleurs de l’amertume frustrée, mais là aussi, dignité de la personne, dans la noblesse et aussi une certaine tendresse, car cet air contrairement à ce qui précède dans l’opéra, concerne la dévoilement d’un sentiment (voire d’une tragédie) intime : osons dire que la basse malgré son souci du texte et du caractère de la pièce, écrase un peu, lissant le tout dans une couleur monochrome… Dans NABUCCO I (« Sperate, o figli » de Zaccaria), le soliste plafonne davantage dans un air qui manque de ciselure, déçoit par son gris terne, rond certes mais dépourvu de relief caverneux, ce qui est d’autant plus dommage car le chœur et l’orchestre (basson) sont impeccables, riches en vitalité intérieure. Dans la cabalette, la voix pourtant intense, manque de brillant ; finit par être couverte par les choristes et les instrumentistes. Et si les vrais vedettes de ce récital verdien orchestralement passionnant, étaient les instrumentistes montréalais et leur chef charismatique ?

Ildar Abdrazakov est-il un verdien affûté ?…
Basse moyenne, un rien monochrome.
Par contre l’orchestre…

Verdi a soigné les barytons et basses. L’opéra Boccanegra offre des caractères inoubliables pour tout chanteur acteur : l’air A te l’estremo de Fiesco respire la lassitude de l’homme, tourmenté, dévoré (au sens strict comme symbolique). Là encore malgré la puissance (peut-être renforcé par le niveau du micro), le timbre tend à la monochromie, certes sa teinte grise et sombre éclairant le mal qui ronge le héros : « A te l’estremo addio » (plage 8 et 9), air d’adieu, de renoncement encore âpre et tendu, lugubre, surtout imploratif et introspectif, la basse russe perd dans l’étendu de la ligne, sa justesse, se détimbre, manque l’éclat de sidération et d’accent fantastique, en cela soutenu, dialogué avec le choeur, halluciné ; regrettable manque de couleurs, de nuances, d’autant que l’orchestre lui offre une palette de références souvent saisissante, sous la baguette abbadesque du québécois Yannick Nézet Séguin. Le second air de Zaccaria de Nabucco dévoile les limites d’une voix qui tend à rester dans son medium, engorgée, lissant tout le texte, au vibrato de plus en plus omniprésent. Même lassitude et vibrato gras pour son Procida (i Vespri Siciliani). Partition lumineuse et fantastique, Luisa Miller scintille ici par le jeu de l’orchestre, millimétré, nuancé. Hélas, le Walter de Abdrazakov reste d’un terne vibré qui finit par lasser tant il aplatit tout le texte.
Dommage. La direction de Yannick Nézet-Séguin est, elle, inspirée, hallucinée, détaillée… d’une conviction nuancée égale à son récent Mozart en direction de Baden Baden (Die Zauberföte / La Flûte enchantée : clic de classiquenews de l’été 2019). Abdrazakov n’est pas Nicolai Ghiaurov : verdien autrement mieux colorés et diseurs, même avec sa voix ample et caverneuse.

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CD critique. VERDI : Ildar Abdrazakov / Orchestre MĂ©tropolitain de MontrĂ©al, Yannick NEZET-SEGUIN (1 cd DG Deutsche Grammophon) – Parution en France : le 15 aoĂ»t 2019.

CD, critique. MENDELSSOHN. Orpheus chamber orchestra / Jan Lisieck, piano (1 cd Deutsche Grammophon 2018)

LISIECKI orpheus mendelssohn concertos dg critique cd review cd critique cd classiquenews actualites infos musique classique opera concerts festivals jan-lisiecki-mendelssohnCD, critique. MENDELSSOHN. Orpheus chamber orchestra / Jan Lisieck, piano (1 cd Deutsche Grammophon 2018). JAN LISIECKI déçoit. Le jeunisme attractif ne fait pas tout… icône du marketing actuel, le jeune pianiste déçoit dans ce programme qui souligne d’évidentes faiblesses dans le jeu et la musicalité. Son Mendelsssohn est plutôt (et rien que…) martial et sec (Concerto n°1 créé à Munich en 1831) : le piano comme l’orchestre chantent avec difficulté ; le clavier étant plus percussif que vraiment énigmatique et allusif : plus beethovénien que schumannien. Beethoven est cité au début de l’Allegro final. L’interprète s’en tient à une lecture littérale, pure virtuosité extérieure sans aucun nuance intérieure, avec un clavier qui martèle et sature dans la cadence finale. Tout cela manque quand même de profondeur (et ce malgré le moelleux des violoncelles en dialogue): mais est ce bien discutable diront les plus motivés et défenseurs du jeu du pianiste, … dans une série de partitions guère inspirées par l’introspection ? Même la sonorité de l’orchestre de chambre, d’une élégance qui fut mozartienne et haydnienne, l’Orpheus, manque de souplesse comme de tendresse.

Le caractère plus tragique et l’énoncé fin du n°2 opus 40, en mi mineur, créé à Leipzig en 1837, brille d’une nuance nerveuse qui aurait mérité une lecture là encore moins dure, moins tendue ; on comprend que la jeunesse et la beauté font beaucoup pour l’image et le rayonnement médiatique d’un jeune pianiste ; il reste qu’en écoute aveugle, sa sonorité, son imagination et sa faculté de nuances font défaut : osons écrire que sans démériter, l’instrumentiste joue toutes les notes, et bien, mais sans aucun arrière plan intérieure, ni investissement émotionnel manifeste. La lecture reste linéaire, aux accents lissés, prévisibles, sans surprises. Monochrome et plate, la palette expressive du jeune homme manque singulièrement de richesse, de trouble, de diversité. Sans les ruptures de rythmes et d’harmonies comme de mélodies, le Concerto n°2 fait surgir …l’ennui.
Alors sans l’orchestre, que valent les Variations sérieuses jointes en complément ? Même constat d’une lecture uniforme et expressivement limitée. L’artiste encore jeune, donc perfectible, ignore tout pianissimo, jusqu’au quadruple « p ».

Le Rondo capriccioso et son sublime Andante est « massacré » par un jeu martelé, uniformément forte, un cri percussif qui radicalise la langueur pourtant inscrite dans cet opus le plus chopinien de Mendelssohn (et le plus tendre).
MĂŞme son « presto leggiero » manque de finesse ; tout cela est jouĂ© avec de gros sabots, et une Ă©paisseur qui s’enlise… non, non : peut mieux faire. OĂą est l’extrĂŞme agilitĂ© aĂ©rienne de Puck dans cette ronde Ă©chevelĂ©e qui convoque toute la poĂ©sie et l’imaginaire shakespeariens ? C’est une rĂ©duction des nuances Ă  l’essentiel, Ă  l’image du visuel de couverture au fort voire violent contraste … PassĂ© sous sa moulinette, le Mendelssohn de Lisiecki, affadi, dĂ©vitalisĂ©, est rĂ©duit Ă  une exĂ©cution scolaire. Est ce suffisant pour convaincre ?

 

 

 

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CD, critique. MENDELSSOHN (Concertos pour piano 1 et 2, 17 Variations sĂ©rieuses opus 54…), Orpheus chamber orchestra / Jan Lisiecki, piano (1 cd Deutsche Grammophon – durĂ©e : 1h03 mn, 2018)

CD événement, annonce. MAHLER : 6ème Symphonie. Teodor Currentzis (juil 2016, 1 cd Sony classical)

teodor_currentzis_52CD Ă©vĂ©nement, annonce. MAHLER : 6ème Symphonie. Teodor Currentzis (juil 2016, 1 cd Sony classical). Après une autre symphonie, elle aussi intense, tragique et aussi habitĂ©e par le sentiment de la rĂ©sistance et de la reconstruction intime, – 6è Symphonie « pathĂ©tique » de Tchaikovski (enregistrĂ©e Ă  Berlin en 2015, Ă©ditĂ©e en fĂ©vrier 2018, CLIC de CLASSIQUENEWS). Le chef iconoclaste, radical Teodor Currentzis, dont le questionnement critique fait sens, s’attaque ici Ă  la Symphonie n°6 de Mahler : aussi introspective, profonde, et finalement autobiographique que celle de Tchaikovski. C’est aussi un dĂ©fi sur le plan interprĂ©tatif, une gageure sur le plan instrumental : les mondes sonores, les alliages de timbre dĂ©finissent ici un imaginaire poĂ©tique qui transcende angoisse (dans le cas de Tchaikovski), dĂ©pression dans le cas de Gustav Mahler. Sony classical Ă©dite en dĂ©cembre 2018, la nouvelle approche symphonique du maestro souvent provocateur mais dont les options et partis artistiques sont toujours inspirĂ©s par une recherche et une exigence fouillĂ©es ; le nouveau cd devrait produire une lecture dĂ©sormais captivante du massif mahlĂ©rien.

La 6è symphonie de Mahler est l’une des partitions les plus abouties du compositeur ; hymne personnel du destin humain, expĂ©rience intime offerte en partage, la partition qui est la plus sombre de son auteur, exprime la force du destin, l’emprise de la fatalitĂ©… Elle permet surtout aux orchestres de dĂ©montrer leur valeur. Simon Rattle l’a choisie comme enregistrement d’adieu Ă  sa mandature comme directeur musical du Berliner Philharmoniker (superbe coffret Ă©ditĂ© en novembre 2018). Dans le cas de Currentzis, l’enregistrement devrait compter tout autant car le chef et son ensemble MusicAeterna ne laissent jamais indiffĂ©rent, par leur prĂ©cision expressive, leur engagement, une dramaturgie instrumentale et esthĂ©tique particulièrement ciselĂ©e. Dans sa lecture, Teodor Currentzis fait surgir cette beautĂ© tragique qui fait Ă©cho dans l’esprit souvent noir et dĂ©pressif de Gustav Mahler (en particulier dans l’admirable ANDANTE) ; au centre de cette rĂ©vĂ©lation intime, l’ineffable et Ă©ternelle fascination pour la Nature, Ă  la fois rĂ©confortante et Ă©nigmatique… autant de facettes d’une interprĂ©tation parmi les plus passionnantes.

Prochaine critique Ă  venir dans le mag cd dvd livres de classiquenews.com

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Cd Ă©vĂ©nement, annonce. MAHLER : Symphonie n°6, MusicAeterna / Teodor Currentzis — Moscou, juillet 2016 (1 cd SONY classical). Probable CLIC de CLASSIQUENEWS de dĂ©cembre 2018. A suivre…

CD précédent, critiqué sur CLASSIQUENEWS :

Tchaikovski-Symphonie-numero-6-Pathetique-Opus-74 currentzis musicaeterna par classiquenewsCd, compte rendu critique. TCHAIKOVSKI : Symphonie n°6 « Pathétique », MusicAeterna / Teodor Currentzis (1 cd SONY classical, 2015). La 6è symphonie est le sommet spirituel et introspectif de la littérature tchaikovskyenne : un everest de la poésie intime et interrogative parfois inquiète voire angoissée. Annonçant ce même sentiment de terreur intérieur sublimé d’un Chostakovtich à venir. Les Tchaikovski de Currentzis sont passionnants : ils sont l’autre face d’un voyage artistique habité lui aussi de l’intérieur et qui dans son amplitude élastique, – propre à cette nouvelle génération d’artiste qui traverse tous les répertoires, mais de façon spécialisée – entendez avec l’instrumentarium ad hoc, fourmille d’idées neuves, expressives, remettant les fondamentaux dans un équilibre critique. SONY suit les étapes de ce cheminement expérimental qui exige tout des interprètes réunis sous la coupe du bouillonnant et éclectique maestro. Avec ses instrumentistes de l’ensemble sur instruments d’époque MusicAeterna, Teodor Currentzis a ainsi interrogé Rameau (The Sound of Light), Purcell (avec Peter Sellars : formidable Indian Queen), mais aussi Stravinsky (Le Sacre du Printemps), Mozart (déjà une très intéressante « trilogie » Da Ponte, malgré les faiblesses impardonnables de certains chanteurs dont Kermes en … Comtesse !) ; EN LIRE +

Nuit à Florence : éloge de la Renaissance italienne

bronzino-classiquenews-portrait-peinture-Angelo_Bronzino_-_Portrait_of_a_Young_ManARTE, le 12 déc 2018, 22h35. UNE NUIT A FLORENCE. CELEBRATION DE L’ART FLORENTIN, à l’époque de la Renaissance. Ce qui fait l’âge d’or d’une ville, écrin béni des arts aux XVè et XVIè siècles…. Au XVe siècle, une ère nouvelle émerge à Florence, qui transforme l’Italie puis l’Europe tout entière : la Renaissance. À la faveur d’une promenade nocturne, ce documentaire nous entraîne dans un voyage unique à travers la ville des Médicis, où les destins de ces grands mécènes ont croisé ceux d’artistes de renom : Botticelli, Léonard de Vinci, Michel-Ange ou Raphaël, mais aussi Bronzino qui au carrefour des deux siècles a révolutionné l’art du portrait patricien et princier, modèle désormais pour les peintres et créateurs à venir : dont surtout François Clouet en France à l’époque de François Ier, lui-même le plus italophile des rois de France, avant Louis XIV.
Du musĂ©e sis dans la maison de famille de Michel-Ange au mystère d’une fresque disparue de LĂ©onard de Vinci, du prodigieux musĂ©e des Offices Ă  la basilique San Lorenzo en passant par le merveilleux et peu accessible corridor de Vasari – le passage jadis secret reliant le Palazzo Vecchio au Palazzo Pitti, au-dessus de l’Arno –, Florence dĂ©voile ses trĂ©sors. Documentaire de Gabrielle Cipollitti (Italie, 2016, 52mn) – Coproduction : ARTE GEIE, Rai Com. Illustration : Bronzino : portrait d’un jeune homme (DR)

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CD, coffret, critique. CHARLES MUNCH, complete recordings on Warner Classics (13 cd – WARNER).

MUNCH charles complete recordings on warner classics 13 cd review cd critique cd par classiquenews xmas gifts 2018CD, coffret, critique. CHARLES MUNCH, complete recordings on Warner Classics (13 cd – WARNER). Mort en 1968, Munch le magnifique incarne l’excellence de la baguette depuis l’après guerre, dĂ©fenseur zĂ©lĂ©, inspirĂ© du rĂ©pertoire français, quand tous les grands dĂ©montraient leur compĂ©tence voire leur brio dans Beethoven, Brahms voire Bruckner, soit les compositeurs germaniques romantiques. NĂ© en 1891, l’Alsacien, fut enrolĂ© sous bannière prussienne pendant la grande guerre, puis devint français en 1918 (son nom perd le trĂ©ma du u) : triste et cynique rĂ©alitĂ© politique. Mais la carrure du chef dĂ©passe les conflits nationalistes car il est europĂ©en et l’un des meilleurs chefs de son temps. Fils de musiciens Ă©tablis Ă  Strasbourg, tous interprètes et connaisseurs de Bach, Charles s’engage rĂ©solument pour Bruckner.

CHARLES MUNCH en majesté
avec les orchestres français

CLIC D'OR macaron 200Formé entre Paris et Berlin, Charles Munch devient premier violon au Gewandhaus de Leipzig (1925) et joue sous la direction d’un chef qui devient modèle pour son expérience propre, Furtwängler ; puis sous Bruno Walter dont l’humanisme le marque profondément. A Paris en 1932, Munch dirige l’orchestre Straram ; en 1935, la Société Philharmonique de Paris créée par Cortot. Enfin, devient le chef attitré de la Société des concerts du Conservatoire (1938), laquelle avait en 1830 créé la Fantastique de Berlioz.
Pendant l’Occupation, le chef poursuit sa carrière musicale, et renverse ses cachets à la Résistance. Un héros, le modèle du musicien engagé. Tout en défendant les Français (de Berlioz à Ravel), Munch se passionne aussi pour la création et joue les oeuvres nouvelles de ses contemporains ou des jeunes auteurs dont Martinon, Messiaen, Honegger. Il dirige l’Orchestre national de France encore jeune (créé en 1934), l’emmène aux States en 1946 ; là, le Boston Symphony Orchestra lui offre sa direction musicale dès 1949 (et jusqu’en 1962, tout en dirigeant le Festival de Tanglewood, résidence d’été de l’orchestre bostonien). Il fait de la phalange américaine, un orchestre racé, stylé, élégant, français et terriblement nerveux.
Les 13 cd du coffret WARNER, regroupe l’intégrale des enregistrements réalisés pour EMI et ERATO, dans les années 1930, 1940 et 1960. L’ensemble reflète l’éclectisme du goût musical de Munch, du Baroque (VIVALDI : Concerto pour violon opus 3 n°9 ; Bach son dieu : Cantate BWV 189, cd10), aux Français Romantiques (Chopin et Saint-Saëns), modernes (RAVEL : Daphnis, Pavane, les deux Concertos pour piano, La Valse… et DEBUSSY : La Mer), mais aussi les contemporains tels HONEGGER : Symphonies n°2, n°4, Danse des morts…, les jeunes auteurs comme DUTILLEUX (Symphonie n°2 Le Double, …). Sa version des Symphonies 3 et 4, fébrile et puissante (cd5) reste indépassable. Côté germaniques se distinguent la Symphonie n°1 de Brahms, le Concerto pour piano L’Empereur de Beethoven.
Munch-Charles-8Le prĂ©sent coffret Ă©vĂ©nement s’il en est, pour ceux qui veulent Ă©couter le son dâ€un maestro anthologique, rassemble le travail du chef mythique avec les orchestres français : SociĂ©tĂ© des Concerts du Conservatoire devenue Orchestre de Paris, Concerts Lamoureux, Orchestre National de l’ORTF, National de la Radio diffusion française. Il nous reste aujourd’hui pour mesurer le gĂ©nie de Munch Ă  l’œuvre, les versions (deux) de la Fantastique de Berlioz, sa partition fĂ©tiche ; la Mer de Debussy ou Daphnis de Ravel sans omettre les Symphonies de Roussel : Munch pas toujours très prĂ©cis sur le plan mĂ©tronomique, savait comme nul autre Ă©lectriser les instrumentistes au moment du concert, les emportant littĂ©ralement comme les spectateurs, jusqu’à des sommets d’extase poĂ©tique. Rien de moins. Coffret Ă©vĂ©nement. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre et dĂ©cembre 2018.

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CD, coffret, critique. CHARLES MUNCH, The complete recordings on Warner Classics (13 cd – WARNER). Ref. : 0190295611989

LIVRE événement, annonce. CLAUDE DEBUSSY : La trace et l’écart (éditions L’Harmattan / nov 2018)

DEBUSSY-trace-ecart-la-trace-et-lecart-livre-evenement-claude-debussy-jean-pierre-armengaud-pierre-albert-castanet-critique-annonce-livreLIVRE événement, annonce. CLAUDE DEBUSSY : La trace et l’écart (éditions L’Harmattan / nov 2018). 2 cd, plusieurs articles et contributions complémentaires font les délices du lecteur de ce livre très opportun sur la question de l’écriture debussyste. Nouvel opus de la collection « Musiques en question(s) » chez L’Harmattan, ce collectif aux regards multiples tourne autour de la question de l’écriture, donc de l’esthétique de Claude Debussy. En termes très accessibles (pour une fois), il y est question de l’immatérialité de l’écriture, ses caractères, son vocabulaire et sa syntaxe, lesquels ont révolutionné la musique du XXè… Si Debussy n’eut pas d’élève à proprement parler, des compositeurs majeurs se sont ensuite emparé de son oeuvre et de son travail, trouvant dans ce terreau visionnaire, un ADN de la modernité qui les ont marqués ou continuent encore de les inspirer : Arthur Lourié, Olivier Messiaen, Giacinto Scelsi, Henri Dutilleux, Toru Takemitsu, Edison Denisov, György Ligeti, João Madureira, Alain Louvié, Thierry Pécou… autant de compositeurs qui sont d’ailleurs au programme des 2 cd complémentaires aux textes.
Parmi les thématiques et sujets développés ici, certains nous paraissent très prometteurs et d’une juste pertinence : Debussy et Dutilleux : « mystères en résonance », Debussy spectral, « Debussy selon Boulez ou M. Croche et son double », Debussy et les compositeurs russes du XXè, « un air d’eau : le son matière chez debussy et Sciarrino », « Debussy et la musique portugaise pour piano du XXIè », « Le portamento chez Debussy », … sans omettre les commentaires de Jean-Pierre Armengaud concernant des enregistrements récemment édités dans le cadre du centenaire Debussy 2018 : « Diane au bois » et « La Chute de la maison Usher », deux inédits qui méritent en effet d’être présentés, commentés, valorisés en 2018 au moment du Centenaire… lecture hautement recommandée.

CLIC D'OR macaron 200PrĂ©sentation de l’ouvrage par l’éditeur, et prĂ©sentation de l’auteur : … « En cette annĂ©e du 100e anniversaire de la mort de Claude Debussy, ce livre accompagnĂ© de 2 CD a l’ambition d’une exploration dans l’univers debussyste sous des angles pluriels, inĂ©dits, originaux ou inattendus parfois, sans exclure quelques Ă©chappĂ©es d’humour faunesque… faites par une plĂ©iade de grands debussystes, chercheurs, professeurs, compositeurs, interprètes. Refusant comme le prĂ©conisait Debussy de « dĂ©monter les oeuvres comme de curieuses montres », ils ont choisi d’investiguer les traces que la musique de Debussy a laissĂ©es chez quelques compositeurs contemporains majeurs.

Pianiste-concertiste et musicologue, Jean-Pierre Armengaud est professeur Ă©mĂ©rite de l’UniversitĂ© d’Evry (Paris-Saclay). Il est l’interprète de plusieurs intĂ©grales discographiques dont celle de Debussy et d’un coffret d’inĂ©dits chez Warner Music. Ancien responsable de la crĂ©ation musicale Ă  Radio France, il est l’auteur de plusieurs publications dont une biographie sur Erik Satie aux Ă©ditions Fayard.

Compositeur et musicologue, Pierre-Albert Castanet est professeur Ă  l’UniversitĂ© de Rouen Normandie et au CNSM de Paris. Membre titulaire de l’AcadĂ©mie des sciences, belles lettres et arts de Rouen, il est l’auteur de nombreux textes et ouvrages portant notamment sur Scelsi et sur les compositeurs historiques de l’ItinĂ©raire (Grisey, Murail, Dufourt, Levinas, Tessier). »

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LIVRE événement, annonce. CLAUDE DEBUSSY : La trace et l’écart (éditions L’Harmattan / novembre 2018)

BrochĂ© – format : 15,5 x 24 cm
ISBN : 978-2-343-15634-7 • 3 octobre 2018 • 348 pages
EAN13 : 9782343156347
EAN PDF : 9782140101748

CLIC de CLASSIQUENEWS

Toutes les infos sur le site des éditions L’HARMATTAN
http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=61067

CD critique. GIOVANNI LORENZO LULIER : CANTATE E SONATE – Francesca Boncompagni, soprano. Accademia Ottoboni, Marco Ceccato (violoncelle et direction) / 2017 – 1 cd Alpha

CD critique. GIOVANNI LORENZO LULIER : CANTATE E SONATE – Francesca Boncompagni, soprano. Accademia Ottoboni, Marco Ceccato (violoncelle et direction) / EnregistrĂ© en novembre 2017 (Italie) – 1 cd Alpha 406

lulier giovanni lorenzo cantates ottoboni cd ALPHA review critiqie cd par classiquenews compte renduALPHA nous régale en entretenant cette flamme pour l’exploration intacte de partitions et de compositeurs baroques oubliés. Voyez ce Lulier actif à Rome à l’époque des cénacles patriciens, quand au début du XVIIIè, Corelli marque un âge d’or musical… qui attire aussi le jeune Haendel. Probable pilier de l’activité artistique privée à Rome, GL Lulier dit « Giovanni del Violone », s’affirme comme compositeur pour la voix (et ici la musique concertante d’où ses Sonates pour violon, violoncelle et continuo).
Les quatre cantates révélées dans ce programme réjouissant (propres aux années 1690) attestent d’un tempérament fort, original, qui aime évidemment la ligne vocale, un certain esthétisme languissant, mais aussi une expressivité qui suit très scrupuleusement les méandres du texte. Lulier sert alors le Cardinal Ottoboni. Comme le peintre Caravage a su répondre au goût réaliste et ténébriste des cardinaux romains un siècle auparavant (dans les années 1590), pour le cardinal Del Monte alors, Lullier, 100 ans plus tard, réchauffe encore ce goût raffiné d’une élite particulièrement cultivée : appréciant fusionner musique et poésie.

Rien n’est négligé. La forme donc, et aussi le sens. Le verbe poétique, à plusieurs lectures évidemment occupe l’écriture de Lulier, familier des nombreuses Académies / Accademie romaines (dont la plus prestigieuse, l’Accademia dell’Arcadia, fondée entre autres par Ottoboni), qui stimulent les amateurs, souvent patriciens, voraces quand à l’idéal esthétique qui associe le mot, le sens, la note. Le sentiment d’amour (Cantate 1 : « Amor, di che tu vuoi »), la passion trahie qui mène au suicide (Cantate 4 : « La Didone » de 1692) sont les sujets qui passionnent la bonne société lettrée réunie en son cénacle ou plutôt académie par le Cardinal Ottoboni.
RĂ©vĂ©lĂ© par ce programme ardemment dĂ©fendu, Lulier a servi la cour du cardinal Benedetto Pamphili, et a commencĂ© comme violoniste dans l’orchestre de Corelli. Il fournit aux sĂ©ances acadĂ©miques d’Ottoboni, et aussi Ă  ses conversazioni hebdomadaires, cantates et sonates (dans le style corellien… forcĂ©ment) pour la dĂ©lectation des auditeurs, une Ă©lite bien nĂ©e. Lulier sĂ©duit car il sait expĂ©rimenter (Ă©crivant certaines cantates pour voix… et violoncelle, ainsi la cantate dĂ©jĂ  citĂ©e : « Amor, di che tu vuoi », prière Ă  l’élue dont le poète Ă©pris, languissant voire en souffrance car captif, loue la beautĂ© des « yeux noirs » qui l’ont ensorcelĂ© : d’oĂą le visuel de couverture…). Lulier inspirĂ© par le poème de Fiduro Maniaco, membre de l’Arcadia, Ă©voque la passion solitaire et fatale de la reine de Carthage, qu’abandonne EnĂ©e, Ă  travers un ample lamento, au caractère dĂ©ploratif et grave. Didon se lamente, maudit puis se suicide (dans l’ultime rĂ©citativo).

« Ferma alato pensier, ferma il tuo volo » / Suspend, penser ailé ton vol…, créé par le sopraniste castrat du pape le célèbre Andrea Adami, devant Ottoboni en septembre 1693, mêle arioso (au début) et arias majoritairement da capo. La voix articulée, engagée est accompagnée par le continuo avec violoncelle. Le texte évoque les souffrances d’un cœur lui aussi envoûté / emporté, qui supplie Amour / Cupidon d’être offert enfin à … Tircis. L’écriture est habile, ses figuralismes servent étroitement parcours et labyrinthe amoureux des textes. Voilà une remarquable « révélation » qui justifie totalement le présent cd.

 

 

 

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CD critique. GIOVANNI LORENZO LULIER : CANTATE E SONATE – Francesca Boncompagni, soprano. Accademia Ottoboni, Marco Ceccato (violoncelle et direction) / EnregistrĂ© en novembre 2017 (Italie) – 1 cd Alpha 406

LIVRE, critique. JEAN-PHILIPPE THIELLAY : MEYERBEER (Actes Sud)

meyerbeer-giacomo-thiellay-actes-sud-biographie-livre-critique-review-par-classiquenews-sept-2018LIVRE, critique. JEAN-PHILIPPE THIELLAY : MEYERBEER (Actes Sud). A l’heure où sont repris à Paris ses fameux Huguenots (1836) / opéra Bastille dès le 28 sept 2018, voici une biographie de Giacomo Meyerbeer, d’autant plus bienvenue qu’elle éclaire (enfin) son apport musical et surtout lyrique, comme étranger à Paris (comme Bellini, Spontini, Rossini mais aussi au XVIIIè, les Gossec, Sacchini, Piccinni ou le Chevalier Gluck…), tous porteurs de réformes et d’avancées phénomènales sur le plan esthétique. Meyerbeer est un profil européen et germanique (Berlin) avant d’être français et parisien : son œuvre essentiel est d’avoir dans la lignée de Spontini et Rossini, fixé le modèle du « grand opéra français », spectacle et grandiose comprenant ballet, tableaux collectifs et scène d’intimisme individuel afin que se croisent et s’exaltent les destinées personnelles et le plus souvent tragiques, et le grand souffle de l’Histoire, insatiable machine à broyer les âmes…

meyerbeer_dapres_p_0Meyerbeer – Jakob Liebmann Meyer Beer enfant d’une riche famille berlinoise- est nĂ© en 1791 et mort en 1864 ; devenu Giacomo, il se nourrit des opĂ©ras ultramontains, auprès de Salieri ; ses premiers ouvrages seront italiens : Romilda e Constanza (1817), Emma di Resburgo(1819), Margherita d’Anjou (1820) et Il Crociato in Egitto (créé triomphalement Ă  Venise, La Fenice, 1824 ; puis repris Ă  Paris en 1825) ; il Ă©claire la scène lyrique internationale pendant plusieurs dĂ©cennies ; ses oeuvres sont jouĂ©es partout ; il est l’intime des tĂŞtes couronnĂ©es (FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV qui le nomme directeur de la musique Ă  Berlin dès 1842, la Reine Victoria, NapolĂ©on III…) estimĂ© d’eux, mais aussi des artistes, savants et intellectuels tels Sand, Hugo, Alexandre Dumas, Heinrich Heine, Franz Liszt, …. Successeur de Rossini Ă  Paris, il comprend parfaitement les attentes de la sociĂ©tĂ© europĂ©enne du milieu du XIXe siècle et invente un genre d’opĂ©ra Ă  part entière. Avec Scribe, il invente l’opĂ©ra romantique français… riche en fureur et en tendresse, synthèse heureuse et foudroyante sur le plan dramatique de la vocalitĂ  italienne, de l’élĂ©gance racĂ©e du verbe français dĂ©clamĂ©, du symphonisme germanique…
Son éviction depuis le milieu du XXè des scènes lyriques actuelles reste incompréhensible. Il est vrai que la réalisation de ses ouvrages exige des moyens « cinématographiques », et que chanter ses personnages, ne peut être résolu qu’avec le concours des meilleurs chanteurs de son temps… Lecture nécessaire pour qui veut comprendre l’homme, l’ami, le travailleur acharné, d’une rare exigence (comme Gluck et Berlioz qui admira tant ses opéras, de Robert le Diable de 1831, opéra comique devenu grand opéra français, au Prophète de 1849 et à L’Africaine, création posthume en 1865).
Citons encore L’Étoile du Nord et Dinorah ou Le Pardon de PloĂ«rmel parmi ses oeuvres puissantes et bouleversantes Ă  redĂ©couvrir d’urgence. D’autant que l’intelligence dramatique de Meyerbeer prĂ©figure et marque les opĂ©ras de Berlioz, Gounod, de Verdi et Wagner. L’auteur de cet essai biographique n’omet aucun des aspects d’une carrière riche et passionnante qui Ă  l’Ă©chelle europĂ©enne, croise invention et gloire.

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LIVRE, critique. JEAN-PHILIPPE THIELLAY : MEYERBEER – Actes Sud Beaux Arts – Parution : Septembre, 2018 / 10,0 x 19,0 / 192 pages – ISBN 978-2-330-10876-2 / prix indicatif : 19, 00€
https://www.actes-sud.fr/catalogue/musique/meyerbeer

CD, critique. BERNSTEIN : Symphonie n°2 « Age of Anxiety » (Rattle, Zimerman, 1 cd DG)

CD, critique. BERNSTEIN : Symphonie n°2 « Age of Anxiety » (Rattle, Zimerman, 1 cd DG)

Bernstein rattle zimerman symphony the age of anxiety berliner philahrmoniker cd review critique classiquenews 71Qf2D+Sf9L._SY355_La symphonie n°2 de Bernstein crĂ©e en 1949 interroge un sujet cher au compositeur : l’identitĂ©… Qui suis-je et dans quel monde ? C’est Ă©videmment une source d’angoisse voire d’inquiĂ©tude pour celui qui aborde la sujet sous la forme concertante, et après une seconde partie plus dĂ©veloppĂ©e, (moins dispersĂ©e que la part 1), semble cependant peu sĂ»r de sa conclusion, car le final martèle Ă  grands coups orchestraux souvent hollywoodiens, une fin tissĂ©e comme une prière dont la formulation malgrĂ© son dessein humaniste, ne semble pas convaincre jusqu’à son auteur mĂŞme.
Le principe de la variation anime chacune des sĂ©quence de ce Concerto pour piano : il faut donc un excellent soliste ; force est de reconnaĂ®tre que rares sont les pianistes modernes Ă  s’ĂŞtre emparĂ© de cette partition qui comme toutes les autres de Bernstein sonne comme un manifeste humaniste et dans son dĂ©roulement et sa rĂ©solution finale comme un hymne fraternel.
La variation suscite alors une série de séquences très contrastées et caractérisées dont les méandres et soubresauts expriment la quête du penseur héros, ses doutes et ses tiraillements les plus intimes.

Bernstein fait montre d’une Ă©tonnante virtuositĂ© dans le genre « variation », et certains ne comprenant pas l’architecture de cette pièce symphonique dĂ©routante, ont regrettĂ© son manque d’inspiration rĂ©elle, lui reprochaient surtout son usage des pastiches vers Prokofiev, Poulenc, Mahler; omettant de souligner les rĂ©fĂ©rences magistrales Ă  son modèle amĂ©ricain Aaron Copland dont il reprend la matière et l’esprit (grande plaine de l’ouest, souffle hollywoodien Ă  la clĂ©) du ballet Billy the kid.
Rattle veille surtout Ă  l’assise et la fermetĂ© structurelle de l’approche moins Ă  sa finesse d’Ă©locution, rĂ©ussissant par exemple le swing très amĂ©ricain de l’Ă©pisode du « Masque » dont le titre renvoie Ă©videmment Ă  la question première de l’identitĂ© questionnĂ©e.

Le chef britannique dirige ainsi son dernier concert comme directeur musical du Berliner Philharmoniker. Derrière lui, Zimerman met de la bonne volontĂ© revendiquant un lien historico-musical avec Bernstein lui mĂŞme, ce dernier lui ayant demandĂ© de jouer le Concerto pour ses 100 ans… Ce qu’il a fait donc ici.
Eclectique, parfois rien que percussive, contrastée,  « bavarde » ou (de façon irrésolue et énigmatique) autobiographique, la partition déconcerte ; comme beaucoup dans le catalogue de Bersntein. Le développement de la Symphonie à travers sa découpe à clés (PART 1 : Prologue, The Seven Ages, The seven Stages / PART II : The Dirge, The Masque, the Epilogue) paraît décousu voire sans véritable ossature ; pourtant à y entendre de plus près, les 3 épisodes de la PART II donnent la clé, chacun dans leur déploiement plus développé et long : soit 7 mn pour le Largo de The Dirge, puis 8mn19 pour l’Epilogue.

Dans la résonnance grave et sombre (The Dirge), Bernstein amplifie le caractère pesant, suffoquant même, ne serait- ce que dans la densité du tissu sonore qui paraît saturé (grands tutti répétitifs). Ce lamento funèbre atteint une désespérance froide et mordante, comme si, ici, le compositeur américain passait de la coupe frénétique et faussement jubilatoire « alla Prokofiev », aux sentiments mêlés, inextricablement inquiets « alla Chostakovitch ».
Rattle réussit à densifier la pâte, sans pour autant cultiver clairement l’option de la clarté et de la transparence. Ce geste tendu, souvent âpre réduit parfois le cycle à une démonstration sèche, auquel fait défaut, une souplesse poétique (Bernstein est tout de même un grand sensible, un éternel sentimental). Quel contraste avec le swing de The Masque : d’une insouciance qui avance, parfois jusqu’à la convulsion hystérique voire caricaturale. C’est de loin le morceau où piano et orchestre fusionnent véritablement.

Tant de versatilité dans l’énoncé des épisodes, entre gravité blessée (The Dirge) et vivacité euphorique (The Masque) dévoile bien l’intranquille question de l’identité trouble qui taraude Bernstein sa vie durant. Comme un miroir, la symphonie exprime doutes et vertiges intérieurs d’un compositeur saisi par la dureté et la violence de la nature humaine, de son époque, et la nécessité de composer et de faire avec.
On aurait souhaitĂ© plus de finesse et de subtilitĂ© cependant, d’ambivalence, dans un jeu pianistique et une tenue d’orchestre, souvent strictement littĂ©raux, linĂ©aires. A croire que comme chez Chostakovitch, le mĂ©lange des genres, et le tissu Ă©nigmatique des sentiments et caractères mĂŞlĂ©s, posent d’évidentes difficultĂ©s aux interprètes. Sans vraiment dĂ©mĂ©riter (car l’Epilogue atteint une palette de nuances plus tĂ©nue et riche, portĂ©e par un vrai souffle poĂ©tique, une transparence inĂ©dite malgrĂ© son finale grandiose, un rien pompĂ©ien voire grandiloquent), osons dire que la lecture de Rattle et Zimerman, manque souvent de vraies nuances. Le programme est Ă  souligner cependant, adieu officiel du chef Ă  la phalange dont il Ă©tait jusque lĂ  le directeur musical. BientĂ´t une page se tournera avec l’arrivĂ©e de son successeur Ă  la tĂŞte des Berliner Philharmoniker, l’excellent et passionnant Kiril Petrenko. A suivre.

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CD, critique. Leonard Bernstein: Symphony No. 2 “The Age of Anxiety », Berliner Philharmoniker, Rattle (1 cd Deutsche Grammophon)
Krystian Zimerman, piano.

https://my.deutschegrammophon.com/fr/bonus-material/658/krystian-zimerman

DVD, critique. BRITTEN : BILLY BUDD (Bolton / D. Wagner, Madrid fĂ©vrier 2017 – 2 dvd BelAir classiques)

billy budd deborah warner ivor bolton dvd belair dvd critique review dvd par classiquenewsDVD, critique. BRITTEN : BILLY BUDD (Bolton / D. Wagner, Madrid fevrier 2017 – 2 dvd BelAir classiques). Au cĹ“ur du théâtre de Britten, règne le cynisme et la haine jalouse qui manipule et s’entend Ă  sacrifier l’innocence. Sur cette trame originelle, première dans le projet lyrique et poĂ©tique de Britten, ont Ă©tĂ© conçus Peter Grimes, The Turn of the Screw, … Cette nouvelle production madrilène de fĂ©vrier 2017, mĂ©ritait absolument sa gravure en dvd, dĂ©voilant le travail très théâtral et intimiste de Deborah Wagner. D’après Melville, l’ouvrage de 1951 – mis en scène en 1964, plonge dans l’univers masculin Ă©touffant de l’Indomptable, navire britannique en 1797. Jeune homme sacrifiĂ©, Billy, âme positive et lumineuse, est bientĂ´t pris dans les rĂŞts de l’abject Claggart, possĂ©dĂ© par une attraction vicieuse et impuissante pour le beau Billy. TĂ©moin lui aussi impuissant et subjuguĂ©, le Capitaine Vere qui ne peut empĂŞcher la catastrophe et la pendaison finale du jeune Billy que son bĂ©gaiement a empĂŞchĂ© de clairement se disculper. Au final, c’est une passion Ă  mots couverts qui est emportĂ©e par la brutalitĂ© et cruautĂ© d’un système social inhumain et manichĂ©en. Britten dĂ©veloppe ici une rĂ©flexion sur le bien et le mal, et au final, les victimes sacrifiĂ©es au nom d’une lutte perdue d’avance. Britten montre avec raison combien la sociĂ©tĂ© des hommes dĂ©truit le bien, par haine et perversitĂ©, d’un accord tacite collectif.

Le chef d’oeuvre, sorte de labyrinthe viril élaboré par Britten, fait une entrée remarquée et réussie au Real de Madrid. On relève la finesse avec laquelle Wagner décrit chaque caractère : la loi (Vere), le pervers manipulateur (Claggart), l’ange démuni (Budd). D’autant que chaque chanteur est un acteur, jouant des éclairages esthétiques et des mouvements ciselés d’une grande direction d’acteurs. L’art du suggestif et du non dit enveloppe chaque relation avec une justesse cinématographique (surtout la relation lumineuse qui rapproche Vere et Billy).

 

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Jacques Imbrailo incarne l’innocence de Billy avec un évidence désarmante, instillant la fragilité dans des phrasés d’une très juste tendresse. Le Vere de Toby Spence déploie un timbre inchangé, d’une claire autorité et pourtant d’une certaine distance (très articulée) qui le pose en témoin (et en narrateur, récitant, dès le début de l’action puisqu’il s’agit de son récit) : même s’il a décelé le diable sous Claggart, a-t-il réellement mesuré l’enjeu du drame ? Et le sacrifice du pauvre Billy ? Sa voix expose, raconte, presque froidement sans porter jugement, sans parti prendre. Avec un recul qui approche l’injustice de l’autorité. Simple, juste, fin, Brindley Sherratt incarne un Claggart aussi passionnant que terrifiant, épaississant peu à peu sa perversion dévorée, sa force diabolique qui prend appui sur l’angélisme insupportable de Billy. Le reste du cast suscite le même enthousiasme, car ici, renforçant la hideuse splendeur à l’oeuvre, les seconds rôles sont très bien tenus : entre autres, Thomas Oliemans (Mr Redburn), Duncan Rock (Donald) …
Le chef Ivor Bolton réalise un écrin instrumental à la hauteur de ce huis clos sordide et sauvage : il éclaire et articule la machinerie / machination jusqu’à son dénouement tragique et sacrificiel. Le geste semble parfois atténué, recherchant l’indicible et le mystère, plutôt que la sauvagerie et le cynisme le plus âpre. De ce fait, vents et cuivres peuvent paraître sousexposés, mais l’intention poétique orientée vers le silence et le murmure font une différence qui se révèlent étrangement persuasive. Excellente nouvelle production à Madrid. CLIC de CLASSIQUENEWS.COM de septembre 2018.

 

 

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CLIC D'OR macaron 200DVD, critique. BRITTEN : BILLY BUDD (Bolton / D. Wagner, Madrid fĂ©vrier 2017 – 2 dvd BelAir classiques) / CLIC de CLASSIQUENEWS de septembre 2018. Parution annoncĂ©e le 13 septembre 2018.

 

 

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CLIC_macaron_2014BRITTEN : BILLY BUDD [DVD & BLU-RAY]
Opéra en deux actes (composé en 1951, création scénique en 1964)
Musique : Benjamin Britten (1913-1976)
Livret : Edward Morgan Foster et Eric Crozier, d’après Billy Budd de Herman Melville
Billy Budd : Jacques Imbrailo
Edward Fairfax Vere : Toby Spence
John Claggart : Brindley Sherratt
Mr. Redburn : Thomas Oliemans
Mr. Flint : David Soar
Lieutenant Ratcliffe : Torben JĂĽrgens
Red Whiskers : Christopher Gillet
Donald : Duncan Rock
Orchestre et Choeurs du Teatro Real – Madrid
Pequeños Cantores de la ORCAM
Direction musicale : Ivor Bolton
Mise en scène : Deborah Warner
Décors : Michael Levine
Costumes : Chloe Obolensky
Lumières : Jean Kalman
Chorégraphie : Kim Brandstrup
Chef du choeur : Andrés Maspero
Cheffe du choeur d’enfants : Ana Gonzalez

FICHE TECHNIQUE
Enregistrement HD : Teatro Real – Madrid | 02/2017
Réalisation : Jérémie Cuvillier
Date de parution : 14 septembre 2018
Distribution : Outhere Distribution France

2 DVD
Référence : BAC154
Code-barre : 3760115301542
Durée : 173 min.
Livret : FR / ANG / ALL / ESP
Sous-titres : FR / ANG / ALL / ESP / ITA / JAP / KOR
Image : Couleur, 16/9, NTSC
Son : PCM 2.0, Dolby Digital 5.1
Code région : 0

1 BLU-RAY
Référence : BAC554
Code-barre : 3760115305540
Durée : 173 min.
Livret : FR / ANG / ALL / ESP
Sous-titres : FR / ANG / ALL / ESP / ITA / JAP / KOR
Image : Couleur, 16/9, Full HD
Son : PCM 2.0, DTS HD Master audio 5.1
Code région : A, B, C

Présentation sur le site de l’éditeur BEL AIR CLASSIQUES :
https://belairclassiques.com/film/britten-billy-budd-deborah-warner-madrid-dvd-blu-ray

 

 

« Qu’ai-je fait ? » se demande avec horreur le Capitaine Edward Fairfax Vere au lever du rideau, avant de se remémorer les événements tragiques qui se déroulèrent en 1797, à bord du navire de guerre britannique H.M.S Indomitable. On y rencontre Billy Budd, jeune matelot exemplaire, et John Claggart, maître d’armes peu scrupuleux que la beauté angélique de Billy obsède et affole : s’ensuivra une plongée infernale au plus profond de la perversion et de la psychose, explorant les thèmes de l’innocence, de la culpabilité, de la responsabilité individuelle et de la justice. Dans ce conte symbolique et ambigu, inspiré du dernier chef d’oeuvre d’Herman Melville, c’est toute la complexité de l’expérience humaine que donne à voir Britten, qui renoue à cette occasion avec l’opéra symphonique et à ses infinies possibilités pour déstabiliser et déranger son auditoire. Résistant à la tentation de faire des personnages principaux des allégories du Bien et du Mal, l’opéra nous montre plutôt avec quelle logique de mort déferlent les aspirations, les angoisses et les désirs les plus enfouis dans le coeur des hommes. Mais dans cet opéra entièrement masculin, Deborah Warner a su voir au-delà de la violence, des rivalités et de la haine, soulignant au contraire toute la beauté insolite de la camaraderie, de l’amitié et du pardon…
Le baryton Jacques Imbrailo, habitué du rôle, livre une interprétation magistrale du jeune matelot sacrifié, tandis que les britanniques Toby Spence et Brindley Sherratt assurent ceux du capitaine « Starry » Vere et de John Claggart. Dans la fosse, Ivor Bolton déploie d’une main de maître, avec l’Orchestre du Teatro Real, toute la force et l’énergie contenue dans la partition de Britten. Un spectacle de référence, en coproduction avec le Royal Opera House et l’Opéra de Rome. Illustrations : © Javier del Real | Teatro del Real

 
 

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CD, critique. BRUCKNER : 7è Symphonie (Gewandhausorchester Leipzig / Andris Nelsons, 2018 – 1 cd DG)


bruckner 7 symphonie andris nelsons gewandhaus leipzig critique cd cd review par classiquenewsCD, critique. BRUCKNER : 7è Symphonie (Gewandhausorchester Leipzig / Andris Nelsons, 2018 – 1 cd DG).
La 7è de Bruckner est un sommet autant majestueux que d’une tendresse infinie, celle d’un organiste devenu par la seule force de sa volontĂ©… symphoniste de premier plan, immensĂ©ment dĂ©vouĂ© Ă  l’exemple de Wagner. Toute la 7è est un hommage et une cĂ©lĂ©bration de l’oeuvre wagnĂ©rien. Bruckner sincère et entier, bien que très tardivement cĂ©lĂ©brĂ© comme compositeur, – son premier succès est justement la 7è, acclamĂ© alors qu’il a dĂ©jĂ  60 ans, dĂ©veloppe de superbes couleurs funèbres et intimistes.
Andris Nelsons poursuit son intĂ©grale pour DG Deutsche Grammophon avec le sens de la grandeur (brahmsienne), du tragique spectaculaire, mais très investi par le sentiment d’une pudeur constante. La flexibilitĂ© entre passages ou se dĂ©ploient la formidable fanfare et les basses de l’harmonie, puis l’expression d’une blessure personnelle, force l’admiration : ampleur, profondeur, intĂ©rioritĂ©, humanitĂ©. On saisit ici combien Bruckner autodidacte repousse très très loin le format spatial de la sonoritĂ© orchestrale, atteignant une extension qui dĂ©passe d’une certaine façon et Wagner et Mahler : la formidable sonoritĂ© tissĂ©e comme une tension continue fait surgir le grand dragon wagnĂ©rien, et aussi le souffle supĂ©rieur d’une pensĂ©e mystique planante. C’est peu dire que le compositeur met toute sa foi dans cet acte de composition qui fĂ©dère toutes ses ressources.
Dès l’Allegro moderato initial, on sent poindre une irrépressible tristesse préalable, celle de l’intuition de la mort de son modèle Wagner : filiation (car tout l’orchestre de Bruckner cite par son ampleur, sa couleur, sa spatialité, sa pleine conscience, l’opéra wagnérien, les voix en moins, ne serait ce que dans l’emploi récurrent par Bruckner dans cette 7è commémorative, de 4 fameux tubas wagnériens (cors sombres et d’un sublime lugubre). Emotion initiale et première, déflagration spectaculaire (dont l’orchestration fait entrevoir le colossal du Wahlala) et sentiment tragique irrépressible (pleurs des cordes au I) : tout cela est magistralement exprimé par le chef letton.
Il peut disposer d’un orchestre de première classe, lui qui dès 1884, date de la création de la symphonie applaudie, l’orchestre déjà du Gewandhaus était dirigé par son fondateur et pilier de sa tradition brucknérienne, Arthur Nikisch. De Nikisch à Nelsons, de 1884 à 2018 (mars précisément quand a été fixé ce live au Gewandhaus), se perpétue la même tradition comme une évidence et une culturelle native. Leur entente, instrumentistes et chef s’accomplit véritablement dans l’Adagio qui est aussi le plus long des quatre mouvements (23 mn) : extension au legato noir mais aérien, étiré jusqu’aux confins d’une douleur et d’une peine finalement apaisée : la mort n’est pas une fin, elle est passage. C’est tout le sens de cette séquence qui reprend l’épais et le colossal du mouvement initial mais allège, étire, s’élève jusqu’à exprimer l’immatérialité des nimbes célestes.
CLIC D'OR macaron 200Couplée en préambule avec la mort du héros Siegfried du Crépuscule des dieux (Götterdämmerung) : marche funèbre de Siegfried, au souffle aérien là aussi énoncé comme un superbe voile noir et finalement caressant, la 7è Symphonie trouve en Andris Nelsons et la phalange de Leipzig, des ambassadeurs actuels de premier plan. Magistral rencontre, excellent accomplissement. Intégrale en cours à suivre. Pour le moment le meilleur volet du cycle. CLIC de CLASSIQUENEWS

 
 
 
 
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CD, critique. BRUCKNER : 7è Symphonie (Gewandhausorchester Leipzig / Andris Nelsons, 2018 – 1 cd DG)

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APPROFONDIR

LIRE aussi notre critique des cd précédents de l’intégrale Symphonies de BRUCKNER par Andris NELSONS et l’Orch du Gewandhaus de Leipzig :

 
 
NELSONS andris cd critique cd review classiquenews CLIC de classiquenews Bruckner-Symphony-number-3-Wagner-Tannhauser-OvertureCD, compte rendu critique. BRUCKNER : Symphonie n°3, WAGNER : Ouverture de Tannhäuser / Andris Nelsons / Gewandhausorchester Leipzig ( 1 cd Deutsche Grammophon, Leipzig juin 2016). L’expĂ©rience Ă  laquelle nous convie le chef letton Andris, – pas encore quadragĂ©naire (nĂ© Ă  Riga en Lettonie en 1978), est une immersion intelligente et rĂ©flĂ©chie, de Bruckner Ă  Wagner, d’autant plus pertinente et convaincante que l’ambition des effectifs requis ici n’écarte jamais le souci de prĂ©cision claire, de sonoritĂ© transparente et riche. C’est mĂŞme un modèle de finesse et d’élĂ©gance Ă  mettre Ă  prĂ©sent au crĂ©dit d’un jeune chef superbement douĂ© (on le connaĂ®t davantage dans une fosse d’opĂ©ra que comme maestro symphonique), dont le parcours discographique chez DG Deutsche Grammophon devra ĂŞtre suivi Ă  prĂ©sent, avec l’attention qu’il mĂ©rite… Le chef dĂ©bute ainsi sa coopĂ©ration Ă  Leipzig comme directeur musical du Gewandhausorchester Leipzig,- fonction dĂ©diĂ©e qu’il partage avec un poste Ă©quivalent Ă  Boston (directeur musical du Boston Symphony Orchestra). Engagement et pourtant humilitĂ©, Andris Nelsons perpĂ©tue aujourd’hui cette abnĂ©gation pour la musique comme son mentor et maĂ®tre (depuis 2002) : l’immense Mariss Jansons.  
 

bruckner andris nelsons symphony n 3 gewandhaus orchester cd review critique par classiquenews 0028947975779CD, compte rendu critique. BRUCKNER : Symphonie n°4. Andris Nelsons. Gewandhausorchester Leipzig (1 cd Deutsche Grammophon 2017). La 4è de Bruckner est dite « romantique » : serait-ce parce qu’elle réussit une nouvelle sagesse ample et majestueuse malgré l’ampleur des effectifs ; le sentiment préservé malgré l’esprit du colossal ? La noblesse parfois emphatique, la solennité parfois spectaculaire ne doivent jamais amoindrir l’allant altier, l’électricité souterraine qui illumine de l’intérieur, une partition toute dédiée à l’auteur de Tristan : l’ampleur des tutti, le clair obscur âpre, mordant, violent, sauvage des contrastes, opposant, affrontant les pupitres et familles d’instruments (cordes / bois / cuivres en fanfare déployée), enfin l’allure… doivent immédiatement sa nourrir d’une vitalité jamais éteinte : continue, tendue, soutenue de haute lutte. Voilà qui fait les grandes interprétations (Jochuum, Gand, et le plus récent, de surcroît sur instruments d’époque, Herreweghe avec son fabuleux orchestre des Champs-Elysées, lequel dépoussière aussi de façon décisive… le massif brahmsien).

 
 
Cliquer sur l’image visuel du cd pour accĂ©der Ă  la critique complète.
 
 

CD, critique. GOUNOD : Piano works. Roberto Prosseda, piano (Decca, mai 2017)

gounod cd piano works prosseda piano critique cd par classiquenewsCD, critique. GOUNOD : Piano works. Roberto Prosseda, piano (Decca, mai 2017). Le Gounod au piano reste peu connu : voilĂ  donc un recueil qui Ă©tait attendu. On note la facilitĂ© mĂ©lodique du compositeur romantique, l’agilitĂ© vivace facĂ©tieuse enjouĂ© de l’Impromptu (plage 2), puis l’intĂ©rioritĂ© tout en pudeur de Souvenance (Nocturne) – Ă  la grâce un rien frĂ©tillante, deux inĂ©dits, en premières discographiques.
L’imagination opĂ©ratique et très narrative s’exprimant dans le destin plein d’effets de la marche funèbre d’une marionnette cg 583 – air ultra cĂ©lèbre utilisĂ© par un Hitchcock goguenard, laisse plus rĂ©servĂ©. La Fazioli grossit le trait dĂ©monstratif ou surexpressif.
Selon nous, étranger à la subtilité de Gounod, Prosseda en affirme de façon un peu sèche et sarcastique, l’ironie glaçante. Ce n’est pas une marche mais le démentèlement, la mise à mort d’une pauvre créature qui n’avait aucun destin… la pointe sèche et rien que percussive du pianiste, tirant cette séquence pourtant tendre, vers la parodie froide et mécanique, est un contre sens pour nous. Dommage. C’est Chostakovitch dans le jardin fleuri de Gounod. Coup raté.
Même déception pour l’Ave Maria, méditation sur le 1er Prélude de JS Bach dont le pianiste fait un exercice de brio artificiel sans aucune profondeur spirituelle. Dommage.

Les apports complémentaires de ce récital qui était prometteur, révèle plusieurs facettes de l’inspiration pianistique de l’auteur de Roméo et Juliette : en particulier les 2 cycles de 6 épisodes chacun: ROMANCES SANS PAROLES (dans le sillon tracé par Mendelssohn) puis les Préludes et Fugues. Les Romances enchaînent 6 épisodes, 6 portraits séquences d’une amabilité de salon, auxquelles le pianiste accorde une attention parfois plus nuancée. Distinguons Le Calme (air en partage avec son opéra La Nonne Sanglante GC2e, inédit lui aussi au disque)
Les Préludes revêtent sur des doigts bien huilés, une énergie mécanisée, absente à toute atténuation et sensibilité dynamique : tout est expédié. Bon an, mal an.

La Sonate à quatre mains (autre première discographique avec Enrico P Piano) en trois mouvements sous des doigts routiniers, pour ne pas dire grossiers et peu nuancés, est menée tambour battant. Même l’Adagio plus apaisé et intérieur tourne à un bavardage asséné avec une autocélébration qui finit par agacer. En guise de révélation, voici une autre destruction massive. Bref un disque GOUNOD dont on attendait beaucoup mais qui tombe à l’eau, exprimant un Gounod artificiel, décoratif voire caricatural. Il aurait paut-être fallu choisir un autre piano, et d’autres interprètes. A oublier, ou à écouter à titre uniquement documentaire pour connaître les œuvres pour piano, souvent inconnues jusque là.

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CD, critique. GOUNOD : Piano works. Roberto Prosseda, piano (Decca, mai 2017)

CD, critique. GOUNOD : Intégrale des Quatuors (Quatuor Cambini, oct 2017)

GOUNOD cd critique par classiquenews Integrale-des-Quatuors-a-cordesCD, critique. GOUNOD : IntĂ©grale des Quatuors (Quatuor Cambini, oct 2017). L’intĂ©rĂŞt des Quatuors de Gounod est qu’ils sont d’un compositeur mĂ»r, quinquagĂ©naire, reconnu Ă  l’opĂ©ra, mais dĂ©sireux de se faire connaĂ®tre aussi comme auteur pour les cordes seules. Il reste passionnant de dĂ©couvrir cette essor d’un chambrisme nĂ©oviennois (mĂŞlant Haydn, Beethoven…) dans les annĂ©es 1870 – 1890. Premier enregistrement sur instruments d’époque, ce double coffret met l’accent sur les dispositions Ă©videntes, très inspirĂ©es, de Charles Gounod dans le genre du Quatuor Ă  cordes. Le compositeur aime les cordes, et ses sĂ©jours Ă  Vienne, Ă  Berlin alimentent une passion pour le genre germanique par excellence. MĂŞme dans les opĂ©ras (Quatuor du jardin dans Faust, gravitas sombre et mĂ©lancolique dans RomĂ©o e Juliette…), les cordes sont prĂ©sentes en fosse selon ses souhaits esthĂ©tiques. Contrairement Ă  la notice du prĂ©sent coffret, on penche plus du cĂ´tĂ© de Haydn, son amabilitĂ©, son alacritĂ© courtoise et badine mais sans artifice, dont le contrepoint confine souvent Ă  l’exercice et au jeu formel. Il n’y a pas comme Mozart, cette profondeur sincère, cette vĂ©ritĂ© affleurante… mĂŞme si de fait, Gounod se disait très admirateur de Wolfgang. En fin d’Ă©criture, le compositeur s’autorise une vision plus Ă©purĂ©e, sĂ©vère mĂŞme, manifestement beethovĂ©nienne (CG 565). Ses indications structurelles au jeune RenĂ© Franchomme en 1855, montre la clartĂ© d’un discours assimilĂ© qui permet Ă  Gounod de nager comme un poisson dans l’eau, avec une facilitĂ© et une rapiditĂ© Ă©tonnante. Les combinaisons, les enchaĂ®nements (expositions, reprises, dĂ©veloppements, contrastes, etc…) ne lui posent aucun problème. Gounod a concrètement bien Ă©tudiĂ© les Viennois pour transmettre Ă  son tour, une telle maĂ®trise.

5 Quatuors viennois de Charles Gounod (1870-1890)

gounod-charles-portrait-par-classiquenews-gounod-2018-vignette-2018-dossier-gounod-2018-par-classiquenewsLes Quatuors réunis ici, remontent aux années 1870 (Petit Quatuor en ut majeur, dédié aux membres du Quatuor Armengaud). Les 3 plus tardifs réunis dans le cd 1 confirment la justesse de la manière : le CG 563 (Quatuor en fa majeur en 5 mouvements) date de 1889 et cultive une volubilité très contrastée, vive, parfois Beethovénienne (premier Scherzo / mouvement second). Il est majoritairement d’une autre couleur, inédite, faisant jaillir une langueur grave, mélancolique proche de l’écœurement. Cette profondeur désespéré, dépressive est remarquable de la part de Gounod plus familier des suavités exquises. De ce tissu vénéneux, l’écriture fait surgir des éclats plus brillants d’une simplicité touchante.
En fin de parcours, comme l’accomplissement d’une frĂ©nĂ©sie première qui se rĂ©gularise peu Ă  peu Ă  mesure que le genre passe dans ses mains et son esprit, les deux derniers mouvements du dernier Quatuor CG 564 en la mineur (créé probablement en mars 1890), atteignent une belle plĂ©nitude grâce Ă  l’équilibre d’une Ă©criture volontairement solaire et apaisĂ©e : en tĂ©moigne l’ultime accord sur la corde pincĂ©e, pizzicato, d’une dĂ©licatesse haydnienne, c’est Ă  dire d’une Ă©lĂ©gance viennoise tout Ă  fait rĂ©solue. Le dernier CG 565 en sol mineur, est clairement le plus Ă©purĂ©, beethovĂ©nien manifestement, sans sĂ©duction nĂ©o opĂ©ratique. En 1891-1892, Gounod cultive une audace ascĂ©tique nouvelle, acĂ©rĂ©e, plus franche, parfois tendue, avec dans le final, cette accent rapide fouettĂ©, mĂŞme expĂ©diĂ© du majeur, – avant le retour probable  (irrĂ©pressible ?) du mineur.

Le cd 2 rassemble les deux premiers Quatuors parvenus. Le début du Quatuor en la majeur (CG 561, plage 5) développe un climat de fébrilité sensible, aiguë, souvent inquiète, d’un mordant vibratile de première qualité (néo haydnienne), plus âpre et électrique que vraiment intime dans le style de Mozart. L’éloquence comme incisive, brûlante, d’une volubilité affirme une agitation à peine canalisée. Puis l’Allegretto du Quatuor n°2 en la majeur (créé en 1887 à la Société nationale de Musique), plage 6, atteint même à une aridité et une sécheresse portées par une belle vivacité et une attention agogique très précise du Quatuor ici réuni. Gounod développe une manière de marche funambule comme un nocturne souvent grave et lugubre (procession inquiète), avant un finale, clairement construit, énoncé comme une comédie lyrique (avec trémolos littéralement « vocaux »).

La vivacité et l’imagination d’un Gounod qui se renouvelle constamment, inspire les membres du Quatuor Cambini. Fièvreuse, précise, mordante et profonde quand il faut l’être, leur lecture ne finit pas de convaincre par son engagement détaillé.

Reste qu’il manque dans cette « intĂ©grale » (des oeuvres connues retrouvĂ©es), les deux ultimes de l’annĂ©e 1893, citĂ©s par un tĂ©moin fiable, Saint-SaĂ«ns, dont on sait l’admiration pour Gounod, et la passion de la musique de chambre française qu’il dĂ©fendit avec militantisme au sein de la SociĂ©tĂ© nationale de Musique. De nouvelles prochaines dĂ©couvertes ? A suivre. D’ores et dĂ©jĂ , voilĂ  un excellent coffret, opportun en cette annĂ©e GOUNOD 2018 (bicentenaire de la naissance).

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CD, critique. GOUNOD : IntĂ©grale des Quatuors (Quatuor Cambini, oct 2017 – 2 cd ApartĂ© – enregistrĂ© Ă  Paris en octobre 2017)

Compte rendu, opéra. PARIS, Opéra Comique, le 3 février 2018 / Et in Arcadia ego… Léa Desandre, Les Talens Lyriques / Phia Ménard

Desandre-lea-et-in-arcadia-ego-opera-comique-critique-par-classiqueenwsCompte rendu, opéra. PARIS, Opéra Comique, le 3 février 2018 / Et in Arcadia ego… Léa Desandre, Les Talens Lyriques / Phia Ménard. Remanier une œuvre est un procédé très utilisé à la période baroque, Rameau lui-même utilise plusieurs pièces écrites pour le clavecin dans ses propres opéras. Quand une œuvre ne trouvait pas son public, on la retrouvait peu de temps après dans une nouvelle version ; plusieurs opéras du compositeur ont connu ainsi une nouvelle version. Le trio plutôt expérimenté : Rousset, Ménard, Reinhardt (chef, metteuse en scène, écrivain) a créé un nouveau parcours à partir d’œuvres déjà connues de Rameau ; revoir les œuvres, les appréhender autrement est toujours une expérience qui ne manque d’intérêt.
Et in Arcadia Ego a été constitué comme un vrai opéra, quatre entrées ou tableaux nous racontent la vie et la mort du personnage incarné par la jeune mezzo française, récemment distinguée, Lea Desandre.

Tout commence dans une ambiance informelle, sans préparation, les lumières de la salle sont encore presque totalement allumées, le public est encore bruyant et hop, on est déjà dans la (formidable) ouverture de Zaïs.
Tout au long du spectacle, nous dĂ©couvrons l’histoire grâce au texte Ă©crit par Éric Reinhardt. Pour servir l’histoire, les paroles des airs sont revisitĂ©s Ă  chaque fois que le dramaturge veut nous guider sur le fil de son sujet. Des interludes projetĂ©s remplacent les rĂ©citatifs, – lesquels sont absents dans ce spectacle, nous aidant Ă  mieux comprendre l’état d’esprit  de Marguerite (Lea Desandre).

Après un long texte projeté sur le rideau comme un prologue, le  rideau de fer est levé, découvrant  une paroi de lumière aveuglante ou presque. En tout cas, le public semble méconnaître les concerts de rock, dont l’impact visuel est bien plus aveuglant. Néanmoins, le dispositif aveuglant marche, le public grimasse, ronchonne  … Il se chauffe également par la puissance des lampes.
Après quelques longueur et tendresses orchestrales, enfin se déploie la première intervention du chœur qui doit représenter la voix de l’espace. Dommage qu’il reste caché et voilé tout au long du spectacle, car sa présence aurait vraiment apporté de la force. Il faut vraiment saluer la qualité des chanteurs du chœur, leur précision malgré quelques petits décalages avec l’orchestre au début du spectacle que Rousset n’est pas arrivé à fédérer.

DEsandre-lea-opera-comique-spectacle-opera-comique-la-critique-et-in-arcadia-ego-critique-par-classiquenews-photo-portrait-2Pour sa part, soliste vedette du spectacle, Lea Desandre incarne un personnage omniprésent, plus qu’une divinité, l’incarnation du réel qui doit retrouver sa mort annoncée, non sans nous expliquer que son parcours a été riche et que nul regret est nécessaire. Rameau, peut-être a éprouvé ce même sentiment quand il a composé à l’âgé de 50 ans son premier opéra, ce vieillard savait que la partie était  déjà jouée pour lui et il a tout osé, ce qui fait de lui et de sa musique un hiatus d’une telle manière que son œuvre supporte toute les expériences baroques ou contemporaines sans fléchir, à condition que les acteurs embrassent les changements proposés par la direction scénique.

Malgré le talent de Lea Desandre et de sa prestation scénique et musicale engagée, il n’est pas facile de nous tenir sen haleine pendant une heure et demi ; il s’agit d’un pari risqué quand on est encore une jeune artiste.
Tout est permis pour continuer à nous présenter la merveilleuse musique de Rameau, on salue l’audace de la plasticienne, chorégraphe, metteuse en scène Phia Menard ; elle a cassé tous les codes et a placé le public comme partie intégrante de ce show, au risque de recevoir une chaude huée à la fin de la représentation. Mais on aurait aussi voulu écouter l’ensemble Les Talens Lyriques plus audacieux, plus contrasté, plus loquace. Malgré l’immense qualité de ce spectacle et la vive recommandation d’aller l’apprécier à l’Opéra Comique afin d’avoir vos propres impressions, un sentiment étrange nous submerge. Tant d’idées et de raffinement intellectuel … pour finalement un sentiment de n’être pas rassasié, quel anachronisme. Persistante frustration.

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Compte rendu, opéra. PARIS, Opéra Comique, le 3 février 2018 / Léa Desandre, Les Talens Lyriques / Phia Ménard, création d’après Rameau, jusqu’au 11 février 2018.

 

NANTES. Nouvelle production du Couronnement de Poppée de Monteverdi par le duo Caurier / Leiser

ANO logo 2017 2018 vignetteNANTES, MONTEVERDI : POPPEA. 9 > 17 octobre 2017. Ce pourrait bien ĂŞtre la production Ă©vĂ©nement de cette nouvelle saison 17 – 18 d’Angers Nantes OpĂ©ra et aussi l’ultime offrande d’importance portĂ©e par son directeur gĂ©nĂ©ral, jusqu’en dĂ©cembre 2017, Jean-Paul Davois. Depuis les dĂ©buts de sa direction exemplaire, Jean-Paul Davois n’a cessĂ© de dĂ©fendre un théâtre lyrique soucieux du texte, du sens, en Ă©troite connexion avec la sociĂ©tĂ©. OpĂ©ra engagĂ©, – qui sait offrir en rĂ©sonance avec les tumultes inquiĂ©tants de notre sociĂ©tĂ©, de sĂ©rieuses pistes de rĂ©flexion; la notion lyrique qu’il dĂ©fend  concerne d’abord, l’action dramatique mise en musique : l’action y est prĂ©servĂ©e, dans sa cohĂ©rence, dans sa profonde unitĂ© poĂ©tique. VoilĂ  reformulĂ©e une intention qui se concrĂ©tise particulièrement dans le travail des deux metteurs en scène, devenus partenaires familiers Ă  Nantes et Ă  Angers, Patrice Caurier et Moshe Leiser, pour lesquels comme pour Jean-Paul Davois, théâtre et musique sont aussi importants dans la rĂ©ussite du spectacle, traitĂ©s ainsi Ă  parts Ă©gales. On a vu rĂ©alisĂ©s par leur soin ici mĂŞme, entre autres productions qui nous ont marquĂ© : Le Château de Barbe-Bleue, Falstaff, et rĂ©cemment un Don Giovanni, âpre, brĂ»lant, d’une violence Ă©lectrique.

 

THEATRE ET MUSIQUE…

 

 

monteverdi claudio portraitRien n’atteint l’impact du verbe incarné, en une action saisissante, où le temps théâtral rejoint le temps musical. Avant Verdi qui en un opéra réaliste, violent, parfois sauvage et fantastique a réussi dans cet art de l’équilibre, Monteverdi au XVIIè réalise déjà l’équation. Pour lui le texte est servi par la musique et les deux, chant et action, s’accomplissent grâce à l’action théâtrale. Rien de plus manifeste dans le cas de son dernier ouvrage, Le Couronnement de Poppée, où la passion soumet raison et politique (Amor vincit omnia), sommet lyrique, créé à Venise pour le Carnaval de 1642, grâce à une coopération exceptionnelle avec le poète Francesco Busenello.  Leur duo est resté depuis légendaire, annonçant par sa réussite, celui de Mozart et Da Ponte, puis de Strauss (Richard) et Hofmannsthal.

 

LE DESIR DE NERON… Dans le cas du Couronnement de PoppĂ©e, compositeur et poète librettiste mettent en scène et en musique l’histoire romaine, mais selon le prisme de la pensĂ©e vĂ©nitienne. La RĂ©publique contre l’ordre impĂ©rial, c’est Ă  dire l’ordre tyranique. Les VĂ©nitiens se montrent particulièrement critiques vis Ă  vis des hĂ©ros romains…En effet, NĂ©ron y paraĂ®t en monstre infantile, ĂŞtre dĂ©pravĂ© et Ă©rotomane habitĂ©, dĂ©vorĂ© par une irrĂ©pressible soif de jouissance, en particulier pour la jeune PoppĂ©e, dont il fait sa maĂ®tresse et sa nouvelle impĂ©ratrice… Beaucoup de metteurs en scène ont jouĂ© sur la jeunesse troublante, et la perversitĂ© adolescente de ce couple fascinant et Ă©cĹ“urant : pour satisfaire son seul dĂ©sir, NĂ©ron rĂ©pudie son Ă©pouse officielle (Octavie), trahit tous les prĂ©ceptes de son mentor le philosophe SĂ©nèque (qu’il fait assassiner et dont Monteverdi trace un portrait plutĂ´t nĂ©gatif, lui aussi d’après la soldatesque du dĂ©but de l’opĂ©ra, acteur Ă  la moralitĂ© douteuse). Le politique, infĂ©odĂ© au règne de l’amour, tue la raison, l’ordre, la vertu… Rien ne peut commander Ă  la passion de l’empereur, fĂ»t-elle immorale et choquante. On ne saurait fustiger l’histoire romaine avec plus de cruautĂ© et de cynisme. Cette parodie politique, permet cependant Ă  Monteverdi d’écrire l’un de ses opĂ©ras les plus sensuels, d’une voluptĂ© mĂŞme saisissante (les duos entre Poppea et Nerone) ; et en psychologue passionnĂ© par les vertiges du sentiment, Monteverdi fait de l’impĂ©ratrice rĂ©pudiĂ©e, Ottavia, une figure hautement tragique dont l’air unique (Addio Roma / l’adieu Ă  Rome), est l’un des sommets de son oeuvre lyrique.

 

HUIT CLOS THEATRAL ET MUSICAL… C’est un huit clos tragique et amoureux, cynique et politique qui frappe par son austĂ©ritĂ© sauvage, mais aussi très voluptueux. Un théâtre musical d’une intensitĂ© unique Ă  ce jour et propre au dĂ©but des annĂ©es 1640. Monteverdi lègue ainsi son plus haut gĂ©nie poĂ©tique, Ă  l’époque oĂą Ă  Venise, l’opĂ©ra devient publique (1637). Aujourd’hui, comme Don Giovanni de Mozart ou Le Chevalier Ă  la rose de Strauss, – ouvrages universels, Le Couronnement de PoppĂ©e ne cesse de nous interroger. Sur la question de la folie amoureuse, de l’emprise de la passion (avant Racine) ; sur l’indignitĂ© d’un prince corrompue, avili, soucieux du seul accomplissement de son dĂ©sir…

caurier-et-leiser-duo-de-metteurs-en-scene-a-lopera-par-classiquenews-pour-angers-nantes-opera-saison-2017-2018-couronnement-de-poppee-octobre-2017-Patrice-Caurier-et-Moshe-LeiserEt mĂŞme sa rĂ©alisation pose problème et soulève le dĂ©bat. Car les deux manuscrits encore accessibles, remontent certes au XVIIè mais sont d’une main ou d’un atelier qui a fixĂ© deux versions après la mort du MaĂ®tre (manuscrits conservĂ©s Ă  la bibliothèque Marciana de Venise et au conservatoire San Pietro a Maiella de Naples). Sans indication prĂ©cise sur les instruments obligĂ©s, le doute persiste sur la sonoritĂ© et les couleurs de « l’orchestre » d’origine, tel qu’il Ă©tait pratiquĂ© dans les théâtres publiques d’opĂ©ras Ă  Venise au XVII, qui est en rĂ©alitĂ© un continuo dĂ©veloppĂ©. Alors faut-il respecter la vision chambriste, intimiste – théâtrale d’un Gardiner ? Ou celle plus flamboyante et latine dĂ©fendue par d’autres chefs plus rĂ©cents ? Sur les traces d’un Monteverdi soucieux de dĂ©tails de mise en place sur les planches – le premier metteur en scène de l’histoire ?, Patrice Caurier et Mosche Leiser nous livrent leur propre vision d’un drame et d’une partition inclassables. Dont la vĂ©ritĂ© et la justesse poĂ©tique interrogent notre modernitĂ© au théâtre comme Ă  l’opĂ©ra.

Que sera la nouvelle production conçue à Nantes ? Plus théâtrale, plus musicale ? Ou les deux, … très probablement. Réponse à partir du 9 et jusqu’au 17 octobre 2017. 6 représentations au Théâtre Graslin de Nantes.
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NANTES, THÉÂTRE GRASLIN
6 représentations événements
lundi 9, mardi 10, jeudi 12, vendredi 13,
dimanche 15, mardi 17 octobre 2017
en semaine Ă  20h, le dimanche Ă  14h30

RESERVEZ VOTRE PLACE
ANO logo 2017 2018 vignetteLe Couronnement de Poppée / L’Incoronazione di Poppea
Dramma in musica, en un prologue et 3 actes
Livret de Giovanni Francesco Busenello d’après les Annales de Tacite.
Créé au Teatro Grimano de Venise en 1642.
[Opéra en italien avec surtitres en français]
DIRECTION MUSICALE : MOSHE LEISER ET GIANLUCA CAPUANO
MISE EN SCĂNE: MOSHE LEISER ET PATRICE CAURIER
Chiara Skerath, Poppée
Rinat Shaham, Octavie / la Fortune
Peter Kalman, Sénèque
Élodie Kimmel, Drusilla / la Vertu
Sarah Aristidou, Demoiselle
Elmar Gilbertsson, Néron
Dominique Visse, la Nourrice / le Premier Familier
Renato Dolcini, Othon
Mark van Arsdale, Lucain / Libertus / le Second Familier / le Premier Soldat
Agustin Perez Escalante, le Licteur
Augusto Garcia Vazquez, le Troisième Familier

Chœur d’Angers Nantes Opéra
Direction Xavier Ribes

Ensemble I Canto di Orfeo
Direction Gianluca Capuano

Livre, compte rendu critique. PROVENCE ET LANGUEDOC A L’OPERA EN FRANCE AU XIXème SIECLE (Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2017)

provence-et-languedoc-e-lopera-en-france-au-XIX-gounod-saint-saens-cultures-et-representations-compte-rendu-critique-par-classiquenewsLivre, compte rendu critique. PROVENCE ET LANGUEDOC A L’OPERA EN FRANCE AU XIXème SIECLE (Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2017). Comme il est détaché, distingué, mis en exergue, « Méridionaux. tous Poètes », selon la formule positive de Flaubert dans son Dictionnaire des idées reçues. C’est un donc un préjugé qui argumente opportunément le sujet de ce livre à l’ancrage aussi original que passionnant. Les œuvres qui mettent scène la Provence rayonnent ici d’un intérêt particulier. Prolongement d’un colloque qui s’est déroulé le 20 décembre 2014 à Nîmes, le cycle de textes et interventions rassemblés ici témoignent d’un corpus indiscutable qui atteste d’une certaine vision de la culture provençale à l’opéra, en particulier dans le « grand  XIXè », soit du Second Empire à la Première Guerre mondial. Evidemment Mireille de Gounod et Mistral (1864) incarne un premier sommet de ce goût pour le folklore régional. D’autant plus exacerbé et cultivé, porté par le Félibrige, et d’autres courants intellectuels et culturels, en réaction contre le wagnérisme ambiant, conquérant, inévitable. Quand Saint-Saëns cherche et trouve (cf son Concerto pour piano), une nouvelle inspiration, étrangère à tout germanisme vénéneux, en Algérie, Egypte et dans ce proche Orient africain qu’avant lui, le peintre Delacroix a su peindre et célébré, les compositeurs français romantiques s’intéressent aux particularités territoriales, le folklore livrant une nouvelle source dépaysante. Le populaire et le traditionnel fécondent la musique savante. Avec la création de la société nationale de musique (en 1871, c’est à dire comme une réponse culturelle de la France politiquement vaincue par la Prusse), il s’agit à présent de célébrer les joyaux du patrimoine français, en particulier méridional. Ainsi serait exaucer Nietzsche aussi dont la formule de 1888, « il faut méditerranéiser la musique », prenait prétexte de Carmen de Bizet (1875) pour appuyer son nouveau positionnement antiwagnérien.

 

 

 

De Mireille de Gounod (1863) aux Barbares de Saint-Saëns (1901)
L’université de Saint-Etienne publie les actes du Colloque de 2014 soulignant PROVENCE ET LANGUEDOC à l’opéra en France au XIXè
comme sources d’une importante régénération du genre

Les Méridionaux à l’opéra

 

 

Ainsi dans le sillon de la pensĂ©e nietzschĂ©enne, si musicale, – le poète « trahi » par Wagner ne se disait-il pas compositeur autant que philosophe ?- Gounod donc, puis Ravel, Chabrier, Debussy se passionnent chacun Ă  leur tour pour les couleurs et les rythmes du midi, ligure, provençal, ibĂ©rique.
C’est aussi une célébration des hauts lieux lyriques en Provence, où l’opéra s’affirme comme le genre idoine : Mireille donc dans les Arênes de Nîmes, puis Les Barbares de Saint-Saëns (1901) qui entend affirmer le théâtre antique d’Orange comme une nouvelle scène opératique majeure (malgré les critiques du compositeur sur la réalité des conditions de représentation). En définitive, l’opéra sera créé à Paris.
Les textes attestent d’une longue tradition provençale à l’opéra qui remonte aux Lumières et s’affirme tout au long du XIXè : depuis les Feste de Thalie de Mouret (1720), et les tambourins de Rameau (Indes Galantes, 1735), à Daphnis et Alcimadure, pastorale en languedocien de Mondonville (1754), puis Aline de Berton (1803), Le Roi René d’Hérold (1824), … Simultanément, l’histoire géopolitique a déplacé le centre d’intérêt vers le monde méditerranéen, depuis la Campagne d’Egypte de Bonaparte (1799), avec la prise d’Alger (1830) ; l’identité méditerranéenne se précise au fil des ouvrages musicaux et lyriques au cours du XIXè. Elle se manifeste par des marqueurs emblématiques, liés à l’esprit et à la vie du lieu rural ou maritime, afin de faire « primitif voire paysan ».
Outre l’image de la Méditerranée sur la scène lyrique (à Paris majoritairement), le livre explore aussi l’activité des foyers de créations en Provence, phénomène lié à l’enracinement personnel d’un compositeur sur le territoire, ou la commande d’un théâtre ou d’un site à un auteur. Ainsi : Pétrarque de Duprat (1873) créé à l’Opéra de Marseille, comme Naïs Micoulin de Bruneau (1907) créé à Monte Carlo ; Héliogabale de Séverac (1910) créé à Béziers ; enfin, le volet le plus intéressant concerne la genèse puis les conditions de création des Barbares (apothéose à peine masquée de la civilisation gallo-romaine), nouvelle tragédie de Saint-Saëns, conçue pour Orange en 1901, car l’action s’y déroule, en 105 avant JC. Mais créé in fine à l’Opéra de Paris : Le 10è ouvrage lyrique de Saint-Saëns narre l’amour de la Vestale romaine Floria pour le germain barbare Marcomir et la tragédie qui les accable : Livie, autre vestale amie de Floria poignarde le barbare car il a tué jadis son père. Dans le contexte géopolitique de Saint-Saëns, Livie tuant Marcomir, c’est la France qui se venge indirectement de l’envahisseur germanique…
Pour autant, il ne suffit pas d’intégrer d’authentiques danses folkoriques provençales pour réussir un opéra provençal ; et même si elles sont conçues, les danses peuvent être sine die interdites pour cause de régionalisme indigne sur la scène parisienne, comme en fait l’expérience Séverac qui avait présenté la partition intégrale du Cœur du moulin à l’Opéra-Comique en 1910 : le directeur du théâtre parisien refusa net les danses du chevalet et des treilles.
L’intérêt majeur de ce corpus, aux regards spécialisés, et aux textes complémentaires est de questionner les sources d’inspiration du grand genre lyrique.

 

 

 

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CLIC_macaron_2014Livre, compte rendu critique. PROVENCE ET LANGUEDOC A L’OPERA EN FRANCE AU XIXème SIECLE : CULTURES ET REPRESENTATIONS. Ouvrage collectif, sous la direction de Jean-Christophe Branger et Sabine Teulon Lardic. Publications de l’Université de Saint-Etienne, parution en juin 2017. CLIC de CLASSIQUENEWS. ISBN 978 2 86272 693 9.

 

 

 

CD, compte rendu critique. LISZT : Faust Symphonie (1857). Steve Davislim, ténor. Sine Nomine, Orchester Wiener Akademie. Martin Haselböck (1 cd Alpha, 2014-2016)

Liszt Faust symphonie symphony martin haselbock cd alpha review compte rendu critique cd classiquenewsCD, compte rendu critique. LISZT : Faust Symphonie (1857). Steve Davislim, tĂ©nor. Sine Nomine, Orchester Wiener Akademie. Martin Haselböck (1 cd Alpha, 2014-2016). Faust, Ă©ternel insatisfait inspire dans son premier volet du triptyque Faust, – vĂ©ritable opĂ©ra symphonique, un drame de l’angoisse qui naĂ®t d’une aspiration non satisfaite dont la soif ne se tarit pas, bien au contraire. Le premier tableau des 3, intitulĂ© « Faust » exprime les tourments tenaillĂ©s au corps d’une âme en proie au doute, le plus redoutable, vertigineux et inĂ©luctable : doute existentiel. Qui suis je ? OĂą vais-je ? Une conscience tiraillĂ©e par son inutilitĂ© mĂŞme. Liszt, lui-mĂŞme croyant exprime la reconquĂŞte parfois in extremis des dĂ©chus, perdus, maudits. Toute son oeuvre et son Ă©criture y compris pianistique, raconte (avant Mahler), le chemin, ses Ă©tapes, d’une ascension spirituelle conquise au prix d’un combat intime, viscĂ©ral. Les quatre accords de quintes, enchainĂ©s disent cette tension assoiffĂ©e et inquiète,instable, dĂ©sirante. Ici le lettrĂ© et savant doute, terrorisĂ© par la conscience du nĂ©ant qui menace toutes ses croyances. Les cordes mordent, Ă©difient une arche interrogative qui inscrit l’appel au sens d’un homme fragilisĂ© : Faust au terme de ce premier Ă©pisode de plus de 20 mn, semble reconquĂ©rir sa forces vitales, toutes ascensionnelles, dans une partition inspirĂ©e du Faust de Nerval, conçue dès 1854 et pleinement aboutie pour les cĂ©lĂ©brations de 1857 Ă  Weimar oĂą Ă©tait fĂŞtĂ© le gĂ©nie de Goethe. Le chant des altos et violons sur le tapis incisif des violoncelles portent l’ivresse du thème d’espĂ©rance qui porte toute l’exaltation de ce mouvement initial, imprimĂ© d’une inĂ©luctable vibration de l’espoir, entre lyrisme et solennitĂ© de plus en plus palpitante, dont le chant de triomphe, final, sonne comme la victoire que porteront dans les dĂ©cennies suivantes les ballets de Tchaikovsky et qui s’achève au violoncelles comme un questionnement sans rĂ©ponse.

LISZT nadar 1886 Franz_Liszt_by_Nadar,_March_1886La seconde partie, féminité de la flûte associé aux clarinettes, puis du hautbois, évoque la figure salvatrice et sacrifiée, plus introspective et moins tourmentée, éminemment romantique de Marguerite / Gretchen : le premier développement plutôt chambriste, évoquant la psyché de la jeune femme dont est épris Faust amoureux, bascule dans le souffle épique grâce à l’amorce des cors, puis flûtes et harpes s’accordent pour en dévoiler toutes les aspirations lumineuses qui fusionnent avec le duo ardent entre les deux coeurs passionnés. Le souci de clarté, l’articulation et l’éloquence des timbres soutenus par les instrumentistes de l’orchester Wiener Akademie souligne l’angélisme et la sincérité de l’amour de Marguerite, en un tableau parmi les plus enchanteurs du cycle.

Eclairs, aspiration, transcendance du Faust de Liszt

Très habile, Liszt dĂ©ploie dans son 3è et dernier volet, l’ironie cynique, destructrice de Mephistopheles dont la grimace dĂ©rive des variations dĂ©formantes des thèmes de Faust ( dans le mouvement I). Les flĂ»tes paraissent sous un autre jour : sardonique, aigre, dĂ©moniaque et hallucinĂ©. Auquel rĂ©pondent les cordes au timbre tendu, cynique, comme des hennissements – les accents dĂ©fendus par chef et orchestre sont jubilatoires, de fini et d’élocution justes, dans une mise en place très claire. Ce jusqu’à la fugue satanique, coeur exultant de l’opus. Pour rompre et conclure Ă  ce dĂ©chainement orgiaque (que Wagner n’aurait pas rejetĂ© pour sa propre Bacchanale de Tannhäuser, dans version française Ă©videmment) : Liszt aspirant au miracle d’une rĂ©surrection / absolution pour son hĂ©ros vaniteux mais attachant, rĂ©soud le programme dans le Finale (IV) pour choeur d’hommes et tĂ©nor, dont le chant sĂ©raphique exprime cette unitĂ© salvatrice après une phase de transformation, oĂą l’éternel fĂ©minin, amour sacrĂ© et subliminal par les Ă©lans et aspirations qu’il suscite dans le coeur de l’artiste et du hĂ©ros, peuvent sauver de l’enfer et de la folie.
PrĂ©cis, palpitant – dans une formidable dernière partie mephistophĂ©lienne, le chef et l’orchestre accuse le relief de l’orchestre de Liszt, d’une grâce surexpressive, dramatique et dans sa rĂ©solution, idĂ©alement divine. Très convaincant Ă©clairage sur le gĂ©nie symphonique du Liszt de Weimar, propre aux annĂ©es 1950.
Inventeur et sublimateur du genre poème symphonique, Liszt se révèle dans toute sa flamboyance architecturée et poétique.

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CLIC D'OR macaron 200CD, compte rendu critique. LISZT : Une Faust Symphonie, S 108. Steve Davislim, ténor. Choeur d’hommes Sine Nomine. Orchester Wiener Akademie. Martin Haselböck, direction (2014-2016). 1 cd ALPHA 475. CLIC de CLASSIQUENEWS de février 2017

Poitiers. Satie, Debussy, Schubert au TAP

Coffret cd événement : TOUT SATIE chez EratoPOITIERS, TAP. Le 19 janvier 2017. Concert symphonique : Satie, Schubert, Debussy. Une femme chef d’orchestre défend à Poitiers compositeurs français et viennois, soit Satie, Debussy et Schubert. Marzena Diakun, chef assistante de l’Orchestre philharmonique de Radio France, entend piloter la direction d’orchestre, particulièrement inspirée par la passion des sentiments. Pour elle, « les chefs d’orchestre ont le rôle de faire pleurer, rendre heureux, d’exalter les gens par la plus raffinée des musiques ». Le programme, premier de 2017, au TAP Poitiers, met à l’honneur ( aux côtés de Franz Schubert), la musique française du début du XXème siècle : alliant délicatesse de l’orchestration et texture particulière de la pâte orchestrale. Children’s Corner de Debussy exprime la tendresse du père pour ses enfants, surtout la fille du compositeur qui lui a inspiré ce cycle enchanteur, conçu comme une succession de scènes d’enfance. Sensibilité et énergie fusionnent dans la quatrième symphonie (dite Tragique) d’un Schubert de 18 ans, encore très classique, mais dont l’exceptionnelle maturité, comme celle de Mozart, réalise un prodige d’accomplissement orchestral. La qualité n’attend pas ici le nombre des années.
Enfin, climats suspendus et humeur mélancolique avec Erik Satie (notre photo ci dessus, célèbres Gymnopédies). Sa cantate pour ténor et orchestre, Socrate, moins connue, est d’une autre veine. Les épisodes de la vie du philosophe grec antique sont évoqués avec simplicité, en une musique objective et franche qui touche par son immédiate sincérité. A l’articulation du texte, le ténor Mathias Vidal, récemment applaudi pour son excellente prestation du Pluton d’Orphée aux enfers à Nantes (novembre 2016, LIRE notre compte rendu complet), en diseur captivant, réserve au public de Poitiers, son sens du relief, de la fine incarnation, de la caractérisation idéalement intelligible. Grande soirée de prosodie et de symphonisme, de Vienne (Schubert) à Paris (Satie, Debussy).

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boutonreservationPOITIERS, Théâtre Auditorium de Poitiers / TAP
Jeudi 19 janvier 2017, 20h30
Durée : 1h40 dont entracte

RESERVEZ VOTRE PLACE
Toutes les infos et les modalités de réservation :
http://www.tap-poitiers.com/satie-schubert-debussy-1786

Programme :

Claude Debussy
Children’s Corner orchestration Caplet (extraits)

Erik Satie
2 Gymnopédies (orchestration Debussy),
Socrate (Mathias Vidal, ténor)

Franz Schubert
Symphonie n°4 « tragique »

Orchestre Poitou-Charentes
Marzena Diakun, direction
Mathias Vidal, ténor

DVD. Einstein on the Beach (Châtelet, 2014). Glass, Wilson, Childs. The Lucinda Childs Dance Company, The Philip Glass ensemble (2 DVD Opus Arte)

DVD. Einstein on the Beach (Châtelet, 2014). Glass, Wilson, Childs. The Lucinda Childs Dance Company, The Philip Glass ensemble. Enregistré au Théâtre du Châtelet à Paris, en janvier 2014; 2 dvd OPUS ARTE BD7173 D. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2016.

glass wilson childs einstein on the beach dvd chatelet dvd review critique dvd classiquenews CLIC novembre 2016 1474030354_OA1178DCréé le 25 juillet 1976 Ă  l’OpĂ©ra-Théâtre d’Avignon dans le cadre du Festival, l’opĂ©ra Einstein on the beach, malgrĂ© son sujet, – scientifique-, reste un jalon majeur de l’écriture moderne au XXè siècle, touchant par son originalitĂ© formelle et sa grande invention visuelle. Un ovni onirique sans Ă©quivalent alors. Une certaine Ă©lite artistique amĂ©ricaine, rĂ©unissant comme un art total Ă  la façon des Ballets Russes au dĂ©but du siècle : danse (Childs), musique (Glass), dramaturgie, mise en scène, dĂ©cors (Wilson), s’imposait alors sur la scène internationale après leur consĂ©cration française en Avignon. OpĂ©ra en quatre actes, Einstein on the beach renaissait ainsi dans les annĂ©es 2010, par ses trois concepteurs re sollicitĂ©s (surtout la chorĂ©graphe Lucinda Childs invitĂ©e Ă  Ă©crire de nouveaux ballets) pour une nouvelle tournĂ©e amĂ©ricaine puis europĂ©enne passant par Montpellier (2012), puis Paris (comme ici au Châtelet en janvier 2014 oĂą a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© la captation vidĂ©o).

Glass signe ainsi son premier opĂ©ra « minimaliste » d’une lenteur rĂ©gĂ©nĂ©ratrice – selon les mots de Childs, après l’explosion nihiliste de la culture pop, le minimalisme envisage une nouvelle ère artistique… soit un flux rĂ©pĂ©titif, suspendu, enivrant, hypnotique de 5h d’activitĂ© musicale. Pour rompre l’effet de lassitude, Wilson intègre une voix rĂ©citante qui scande des chiffres rĂ©pĂ©tĂ©s, des notes de la gamme d’ut majeur Ă©noncĂ©es en français, des textes vaguement poĂ©tiques Ă©crits par un jeune auteur Christopher Knowles, jeune autiste repĂ©rĂ© et suivi par Wilson, et d’autres textes rĂ©digĂ©s aussi par Lucinda Childs…
Le mouvement et la fusion des arts et des disciplines opèrent une cristallisation dans chacun des actes dont la succession ne signifie rien dans la totalité mais expriment la puissance d’un jeu formel à plusieurs qui vaut révélation. Le spectateur cherchera en vain la cohérence d’un épisode à l’autre, ou l’intrigue qui relie les actes entre eux : comme l’a dit très justement les commentateurs de la première avignonnaise, le spectacle vaut essentiellement par l’atmosphère inédite, l’impact visuel qui nie et repousse les limites et frontières connues du temps et de l’espace. Tout fusionne dans une totalité plastiquent léchée. L’idée d’une histoire évoquant Einstein dans sa vie n’a pas lieu.

38 ans après sa création en Avignon…
Philip Glass, Robert Wilson, Lucinda Childs : retour du trio enchanteur novateur dans

Einstein on the Beach, une féerie contemporaine

FacilitĂ© grâce aux techniques du spectacles ayant fortement Ă©voluĂ© et progressĂ© depuis 1976, le trio crĂ©ateur a pu encore affiner le projet visuel, -Wilson se fĂ©licitant mĂŞme de restituer ses croquis de la crĂ©ation avec une vĂ©ritĂ© accrue. Seule importe la cohĂ©rence plastique de chaque tableau, entendue comme des recrĂ©ation en 3 dimensions de certaines photos portraiturant Alfred Einstein. Les initiateurs avaient alors une fraĂ®cheur première – attĂ©nuĂ©e ensuite dans leurs Ĺ“uvres postĂ©rieures, que traduit directement des dĂ©tails humoristiques voire enfantins, d’une candeur qui touche Ă  la pure poĂ©sie (l’enfant qui jette des avions en papier…), autant de dĂ©tails qui sont depuis absents des mises en scènes hyperlĂ©chĂ©es et toujours atemporelles d’un Wilson de plus en plus distanciĂ©, voire dĂ©shumanisĂ©, recyclant sous une grille conceptuelle et technique les rouages du théâtre japonais No.
Tout est magnifiquement réglé ici comme du papier à musique : le Einstein violoniste qui joue éternellement les mêmes notes, les choristes égrenant les mêmes chiffres, la danseuse en fond de scène, reculant ou avançant comme au ralenti d’une imperturbable fixité, les figurants qui miment le jeu des mains des dactylos sur d’invisibles machines à écrire… chacun mêlé étroitement à la musique de Glass produit un vision hypnotique où la fausse répétition (Glass précise bien que chaque note « répétée » n’est jamais la même) jalonne en vérité une action qui vaut pour sa formidable progression globale. La puissance de l’imagerie visuelle, la féerie globale du spectacle a conservé intacte sa magie atemporelle, depuis 1976, soit il y a à présent… 40 ans. Longue vie au minimalisme qui n’a jamais semblé plus « moderne » et visionnaire.
DVD incontournable.

CLIC_macaron_2014DVD. Einstein on the Beach (Châtelet, 2014). Glass, Wilson, Childs. The Lucinda Childs Dance Company, The Philip Glass ensemble. Enregistré au Théâtre du Châtelet à Paris, en janvier 2014; 2 dvd OPUS ARTE BD7173 D. CLIC de CLASSIQUENEWS de novembre 2016.

CD, coffret événement, annonce. La Musique au temps de Louis XIV(Livre disque 8 cd Ricercar)

ricercar-jerome-lejeune-coffret-8-cd-musqiue-au-temps-de-louis-XIV-review-critique-annonce-cd-classiquenewsCD, coffret Ă©vĂ©nement, annonce. La Musique au temps de Louis XIV(Livre disque 8 cd Ricercar). C’est d’emblĂ©e une Ă©dition capitale qui fera un excellent cadeau de NoĂ«l : rĂ©servez donc dès Ă  prĂ©sent ce titre Ă©vĂ©nement parmi vos cadeaux potentiels pour les fĂŞtes de fin d’annĂ©e 2016 — on est jamais trop prĂ©voyant pour ne pas laisser passer une telle publication remarquable en tous points… JĂ©rĂ´me Lejeune directeur du label Ricercar s’intĂ©resse dans ce prometteur coffret, Ă©ditorialement exemplaire (iconographie et textes explicatifs particulièrement choisis), aux musiques du règne de Louis XIV. La recherche rĂ©cente s’est plongĂ©e plus que d’habitude dans les sources et archives autographes pour nuancer et affiner notre connaissance des musiques jouĂ©es Ă  Versailles et avant, sous l’autoritĂ© et la validation du Roi Soleil. Ainsi la musique de Louis XIV puise ses racines dans la Polyphonie hĂ©ritĂ©e de la Renaissance. Durant le règne le plus long de l’histoire de France (72 ans), la musique française se dĂ©finit, prend conscience d’elle-mĂŞme, prolongeant une ambition et une volontĂ© politique qui entendent occuper la suprĂ©matie en Europe.
De fait, alors que les souverains prĂ©cĂ©dant le Grand Siècle ont rivalisĂ© et rĂ©agi par rapport au raffinement italien (l’Italie, foyer de la Renaissance europĂ©enne), Louis XIV invente la musique de la France moderne, première force politique, et commande Ă  ses musiciens, une musique spĂ©cifiquement française : comment interprĂ©ter diffĂ©remment tout le chantier de Versailles, autrement que comme un manifeste du style gaulois le plus abouti ? La musique de la Cour Ă  Versailles impose partout dans le royaume et en Europe ses nouveaux standards bientĂ´t modèles du bon goĂ»t pendant l’âge baroque. Les nouvelles institutions, la Chapelle, la Chambre, l’Ecurie, les Vingt-Quatre Violons du Roi (premier orchestre de cour ainsi constituĂ©), de mĂŞme que l’AcadĂ©mie royale de musique comme celle de danse, organisent l’activitĂ© musicale en France, l’une des plus actives dĂ©sormais. La Suite, l’Ouverture, la TragĂ©die en musique inventĂ©e par Lully souhaitant rivaliser et dĂ©passer le modèle parlé de Corneille et de Racine, comme Ă  la Chapelle, Les Grands et les Petits Motets Ă  voix seules, sont les nouveaux genres et formes Ă  la mode. Ils s’imposent alors comme les nouveaux emblèmes du raffinement absolu. Avec Louis XIV, l’Europe se met Ă  la manière française ; l’art de vivre et le raffinement sont dĂ©sormais versaillais. Coffret Ă©vĂ©nement.

 
 

CD, coffret événement, annonce. Livre disque / 8 cd / Ricercar RIC 108 — prochaine grande critique du coffret La Musique au temps de Louis XIV dans le mag cd dvd livres de CLASSIQUENEWS

 
 
 

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Extraits et ressources musicals des 8 cd :

 

cd1 — airs de cour et Ballets de Cour : Louis XIII, Gabriel Bataille, Jean Boyer, Etienne Moulinié, Pierre Guédron, Michel Lambert, Joseph Chambanceau… / Ballets des fous et des estropiés de la cervelle (Anthoine Boesset) / Bellet royal de la Nuit (Cambrefort) / Ballet d’Alcidiane et Polexandre, Ballet de Xerses (Lully).

 

cd2 — Comédies-Ballets, Tragédies en musique, Cantates : (Les Plaisirs de l’île enchantée, Cadmus et Hermione, Atys, … de Lully / Le Malade Imaginaire, Actéon, Médée de Charpentier / Le Sommeil d’Ulysse d’Elisabeth Jacquet de la Guerre.

 

cd3 — Musique sacrée 1 : Nicolas Formé, Guillaume Bouzignac, Etienne Moulinié, Henry Du Mont, Lully…

 

cd4 — Musique sacrée 2 : MA Charpentier, Jean Gilles, François Couperin (Troisième leçon des Ténèbres, du Mercredy Sainct).

 

cd5 — Orgue et oratorios : Jean Titelouze, Louis Couperin, Nivers, Lebègue, Louis Marchand, de Grigny, MA Charpentier, Du Mont…

 

cd6 — Musique instrumentale 1 : MA Charpentier, Eustache du Caurroy, François Roberday, René Mésangeau, Denis Gaultier, jacques Champion, Louis Couperin, Jean-Henri d’Anglebert…

 

cd7 — Musique instrumental 2 : Nicolas Hotman, Monsieur Dubuisson, Sainte-Colombe, Monsieur Degrinis, Marin Mersenne, André-Danican Philidor, Robert de Visée, François Couperin, Jean-Philippe Rameau, Marin Marais…

 

cd8 — La Sonate française : Marain Marais, Delalande, MA Charpentier, François Duval, Jean-Fery Rebel, Jacques-Martin Hotteterre, Jacques Morel, Pierre-Danican Philidor, André Philidor…

 
 
 

Riccardo Chailly dirige la 8ème de Mahler à Lucerne

arte_logo_2013ARTE. Mahler: Symphonie n°8. Dimanche 28 août 2016,17h30. Riccardo Chailly à Lucerne, pilote les effectifs locaux dans la gigantesque et goethéenne symphonie n°8, dite « des Mille », sommet symphonique et choral signé par le grand Gustav en quête d’absolution. C’est le temps fort du Festival de Lucerne 2016 (Suisse). Comment parcourir les séquences vertigineuses de cette grande messe symphonique ? La 8ème de Mahler est l’un des plus grands défis qui se dressent face à l’orchestre et son chef…

Riccardo Chailly dirigeantL’Éternel FĂ©minin / Nous entraĂ®ne en haut », sur les pas de Wagner, Mahler achève sur ces ultimes mots (extraits du Second Faust de Goethe), sa Symphonie n°8, l’une des plus ambitieuses jamais Ă©crites. Si le dĂ©sir masculin est vorace et sans fin, l’éternel fĂ©minin (incarnĂ© probablement par son Ă©pouse Alma) permet d’atteindre au renoncement et Ă  la paix ultime, tant recherchĂ©s. D’emblĂ©e, l’hymne du dĂ©but, ouvrant la première partie de la Symphonie, inscrit la partition comme le parcours d’une quĂŞte surtout spirituelle voire mystique (l’Hymne de la PentecĂ´te Veni Creator Spiritus, invocation du Saint-Esprit y façonne comme au dĂ©but de la Messe en si de JS Bach, un portique d’ouverture aux proportions vertigineuses et colossales). A ceux qui lui reprochait de n’avoir pas composĂ© de cycle sacrĂ©, Mahler arguait que “sa Huitième Symphonie Ă©tait une messe”… EnregistrĂ© Ă  Lucerne, les 12 et 13 aoĂ»t 2016.

LUCERNE FESTIVAL ORCHESTRA
Chœur de la Radio bavaroise
Latvian Radio Choir
OrfeĂłn Donostiarra
Chœur d’enfants de Tölz
Riccardo Chailly, direction
Ricarda Merbeth, Magna Peccatrix
Christine Goerke, Una poenitentium
Anna Lucia Richter, Mater gloriosa
Sara Mingardo, Mulier Samaritana
Mihoko Fujimura, Maria Aegyptiaca
Andreas Schager, Doctor Marianus
Peter Mattei, Pater ecstaticus
Samuel Youn, Pater profundus

Gustav Mahler (1860–1911) : Symphonie n° 8 en mi bémol majeur Symphonie des Mille . ARTE, dimanche 28 août 2016, 17h30. LIRE aussi la page dédiée à la Symphonie n°8 par Riccardo Chailly, les 12 et 13 août 2016 sur le site du Festival de Lucerne 2016

 

ENTRETIEN avec Mihaly Zeke, nouveau directeur musical d’Arsys Bourgogne

mihaly_zeke_7_conrad_schmitzENTRETIEN avec le chef Mihaly Zeke. En Bourgogne, le chant choral n’a jamais Ă©tĂ© aussi florissant. A une tradition dĂ©sormais bien installĂ©e, le pĂ´le d’art vocal Arsys sait aussi cultiver la diversitĂ© et la richesse des sensibilitĂ©s et des expĂ©riences pour nourrir l’activitĂ© et la pratique locale. RĂ©cemment nommĂ© directeur artistique en 2015, Mihaly Zeke (nĂ© Ă  Londres en 1982) entend poursuivre l’excellence actuelle tout en la fertilisant de nouvelles expĂ©riences, stimulantes et originales pour les chanteurs et les publics dĂ©sormais fidĂ©lisĂ©s pour chacun des cycles de concerts proposĂ©s tout au long de l’annĂ©e. Rencontre avec un jeune chef portĂ© par le dĂ©sir de dĂ©passement et d’approfondissement… en particulier dans la dĂ©fense des projets de crĂ©ation.

Le cĂ©lèbre ensemble vocal bourguignon, Arsys, créé en 1999 et dirigĂ© pendant quinze ans par le chef luxembourgeois Pierre Cao, a su creuser son sillon dans le monde vocal europĂ©en ; la renommĂ©e du chĹ“ur dĂ©passe largement les frontières de la RĂ©gion et la formation Ă  gĂ©omĂ©trie variable a conquis de très nombreux spectateurs dans les grandes salles europĂ©ennes sous la direction de chefs remarquables. Une sĂ©rie de rĂ©alisation qui porte Ă  l’international l’excellence et l’activitĂ© du chant choral bourguignon. La venue du jeune chef formĂ© Ă  Budapest et qui a vĂ©cu en GrĂŞce, marque en 2016, une nouvelle page de l’histoire d’Arsys.

 

 

 

Avec la nomination de Mihaly Zeke, comme directeur musical, Arsys vit une nouvelle page de sa riche histoire

Enrichir l’excellence, cultiver la crĂ©ation…

 

 

Mihaly Zeke est un jeune maestro, charismatique et pluriculturel, qui est bien conscient de l’enjeu de ses fonctions. Sans laisser de cĂ´tĂ© le rĂ©pertoire baroque et classique, volets artistiques qui ont structurĂ© et façonnĂ© la formation depuis sa crĂ©ation, Mihaly Zeke exprime la volontĂ© de nouer une forte relation avec les compositeurs d’aujourd’hui ; le maestro se montre très impliquĂ© dans la recherche d’un rĂ©pertoire taillĂ© sur mesure pour la phalange. Pour lui, une formation de cette envergure doit sans cesse repousser ses limites, oser, expĂ©rimenter… Rien de mieux dans ce cas, qu’un rapport direct avec la crĂ©ation.

 

 

Rencontre avec Mihaly Zeke, directeur artistique d'ARSYS Bourgogne

 

 

Mihaly Zeke est un artiste qui dispose de plusieurs cordes Ă  son arc:  diplĂ´mĂ© de la prestigieuse Musikhochschule de Stuttgart, il a baignĂ© depuis son enfance dans un milieu musical; fils de musiciens, il possède Ă©galement une solide formation comme organiste et pianiste. Dans le prochain travail avec les chanteurs d’Arsys, Mihaly Zeke privilĂ©gie un travail millimĂ©trĂ©, au format chambriste, et focalise son action sur un groupe plus resserrĂ©, autour de 16 chanteurs, dans le but de crĂ©er un pupitre Ă  partir des voix solistes ; il laisse la force expressive de chaque voix prendre place dans un rĂ©pertoire oĂą les interventions solistes sont nombreuses. Classiquenews a assistĂ© au concert du 30 avril 2016 au Consortium de Dijon : au sein d’un programme extrĂŞmement bien conçu autour de la musique française du XXème siècle, le chĹ“ur Arsys Bourgogne rĂ©alisait la crĂ©ation d’Ostanès le ChaldĂ©en du jeune compositeur Jean-Baptiste Masson, affirmant une belle collaboration entre la formation et la crĂ©ation.  C’est pour Mihaly Zeke, un accomplissement dĂ©sormais central dans le travail musical du chĹ“ur ; le chef est tout a fait conscient de l’importance de cristalliser ce nouveau rĂ©pertoire, d’autant qu’Ă  terme il s’agit de travailler dans le but de rĂ©investir les plateaux d’enregistrement. Soit Ă  terme, dans les prochains mois, une nouvelle collection de jalons discographiques marquant les avancĂ©es et explorations du ChĹ“ur en terra incognita.

 

 

logoAvec la nomination de Mihaly Zeke, c’est un air nouveau qui souffle sur VĂ©zelay, et aussi tout un cycle de promesses stimulantes par l’intensitĂ© et la profondeur musicale qui se dĂ©gagent du jeune chef. Tout cela est de bonne augure pour l’avenir de l’ensemble. L’impatience et la curiositĂ© pointent dĂ©jĂ  Ă  l’idĂ©e de suivre et connaĂ®tre les nouvelles collaborations et prochains projets qu’Arsys et son nouveau leader vont aborder dans les semaines Ă  venir. A suivre sur classiquenews.

VISITEZ le site du Chœur ARSYS Bourgogne

Illustration : Mihaly Zeke © C Schmitz

 

 

arsys

 

PARIS, MONTFERMEIL. TRAVIATA des villes et des champs…

galerie-dame-aux-camelias-12-e1444309149441PARIS, MONTFERMEIL. TRAVIATA des villes et des champs : 23 mai-2 juillet 2016. Deux productions totalement distinctes tant du point de vue artistique que sociĂ©tal et mĂŞme politique occupent simultanĂ©ment l’affiche de ce printemps et presque Ă©tĂ© 2016 : l’une, production luxueuse occupant les planches de l’OpĂ©ra Bastille avec dans le rĂ´le-titre, fidèle Ă  la programmation mĂ©diatique, une tĂŞte d’affiche prometteuse, rien de moins que la diva du moment, Sonya Yoncheva, qui des terres baroques (en apprentissage Ă  Ambronay pilotĂ©e alors par Leo Garcia Alarcon) s’affirme en diva dramatique, dans le chef d’oeuvre intimiste et tragique de Verdi… du 23 mai au 29 juin 2016 . Mais voilĂ  que pour le grand malheur des amateurs qui auront payĂ© le prix fort, la Yoncheva chante le rĂ´le pour quelques reprĂ©sentations (du 23 mai au 7 juin 2016) a annulĂ© ses engagements parisiens pour raisons familiales : elle est remplacĂ© par Maria Agresta, le 20 mai, puis du 11 au 29 juin 2016. Un cran plus bas quand mĂŞme.
C’est Ă  quelques km de Paris, dans le 93 : une autre expĂ©rience qui fusionne art lyrique et aventure collective Ă  l’Ă©chelle d’une ville : Montfermeil, oĂą depuis quelques annĂ©es, la municipalitĂ© propose aux citoyens rĂ©sidents et de façon bĂ©nĂ©vole, l’expĂ©rience d’une production chaque Ă©tĂ©, en un “son et lumière” qui rassemble, regroupe, fĂ©dère les Ă©nergies locales. Le vivre ensemble s’organise de façon exemplaire et la culture surtout la musique, orchestrale et comme ici opĂ©ratique, par les disciplines aussi variĂ©es que complĂ©mentaires qu’elle engage, offre un Ă©crin des plus stimulants…

Giuseppe VerdiMONTFERMEIL : LA VILLE OPERA… A l’OpĂ©ra Bastille, La Traviata se dĂ©ploie dans la mise en scène très conforme du rĂ©alisateur BenoĂ®t Jacquot (les parisiens habituĂ©s aux grandes divas en crinolines, y ont dĂ©jĂ  applaudi Diana Damrau, dans cette scĂ©nographie qui est une reprise) ; les habitants de Montfermeil (300 personnes sur scène et en coulisses) jouent “la Dame aux camĂ©lias”, en costumes historiques avec ballets de cavaliers et d’attelages… soulignant ainsi tout ce que Verdi doit au gĂ©nie d’Alexandre Dumas fils, en particulier Ă  son roman, paru en 1852, et quasi historique, inspirĂ© de la vie trop fugace d’une jeune courtisane aussi belle et irrĂ©sistible que condamnĂ©e (par la phtisie) : Alphonsine Duplessis qui meurt Ă  l’âge canonique de… 23 ans en 1847.
A Paris comme Ă  Montfermeil, les auditeurs assisteront Ă  un vĂ©ritable spectacle lyrique, dĂ©fendu avec engagement par des interprètes impliquĂ©s. A Paris, la routine pourrait gagner certains esprits musiciens enchaĂ®nant les soirĂ©es de reprĂ©sentation ; Ă  Montfermeil, rien de tel : l’idĂ©e de participer Ă  une expĂ©rience singulière et unique (une fois par an, aux portes de l’Ă©tĂ©), citoyenne et sociĂ©tale, – soulignant combien la culture doit ĂŞtre investie par chacun de nous pour redĂ©finir le vivre ensemble, pourrait galvaniser davantage les esprits rĂ©unis dans une aventure sans Ă©quivalent en France.

PARIS, Opéra Bastille
Verdi : La Traviata
reprise de la mise en scène de Benoît Jacquot
Jusqu’au 23 mai au 29 juin 2016
RESERVEZ

MONTFERMEILgalerie-dame-aux-camelias-12-e1444309149441
La Dame aux camĂ©lias d’après La Traviata de Verdi
Les 23, 24, 25, 30 juin puis 1er et 2 juillet 2016
01 41 70 10 60
RESERVEZ

http://www.la-dame-aux-camelias.fr/

Devant la façade côté jardin du château des Cèdres, demeure historique des XVIIè et XVIIIè. Le son & lumière de Montfermeil existe depuis 1995.

Lucio Silla ou Mozart en ado romantique

mozart_portrait-300Mozart : LUCIO SILLA. Les 23, 25, 27 et 29 avril 2016. En 1772 après son Ă©blouissant Mitridate le jeune Mozart adolescent  (il termine alors sa 16 ème annĂ©e), s’intĂ©resse au labyrinthe amoureux faisant Ă©voluer encore et encore le genre seria dont il enrichit la forme (ajout du choeur, rĂ©citatifs soignĂ©s, orchestre raffinĂ©); qu’il acclimate Ă  un langage musical qui suit avec une acuitĂ© racinienne chaque vertige ou Ă©lan du coeur; c’est un théâtre sentimental d’une profondeur jamais Ă©coutĂ©e auparavant car chaque personnage y souffre et palpite avec une force nouvelle;  aucun doute alors que Goethe finit alors Les Souffrances du jeune Werther, Mozart dĂ©ploie une exceptionnelle maturitĂ© pour inventer l’opĂ©ra… romantique: ce Lucio milanais, créé en dĂ©cembre 1772 au lendemain de la NoĂ«l (soit le 26 dĂ©cembre) affirme le gĂ©nie du jeune compositeur habitĂ© par la question du sentiment et du dĂ©sir.

Lucio : c’est Mozart en ado romantique

Si le prince Lucio Silla aime Giunia, celle ci lui prĂ©fère Cecilio. Les deux amants menacĂ©s fomentent un complot contre l’autoritĂ© : ils envisagent l’assassinat du despote Silla : mais leur projet est Ă©ventĂ© et se prĂ©sentant devant le tribunal, Giunia et Cecilio sont prĂŞts Ă  mourir. Devant tant de courage et de force morale, Lucio Silla… de tyran devient tĂ©moin humanisĂ© ; il renonce Ă  Giunia et mĂŞme abandonne le pouvoir au peuple de Rome;  l’Ă©poque est alors Ă  la cĂ©lĂ©bration du prince politique Ă©clairĂ© dont la transfiguration espĂ©rĂ©e, fantasmĂ©e dans le cadre de la reprĂ©sentation, est exprimĂ©e exaltĂ©e par la musique de Mozart.

mozart_portraitChaque production de Lucio Silla doit rĂ©unir une distribution de personnalitĂ©s touchantes voire bouleversantes par la subtilitĂ© de leur caractĂ©risation. L’orchestre doit commenter, exprimer et parfois contredire ce que dit les acteurs. Jamais Mozart n’a mieux compris la vĂ©ritĂ© des passions humaines : les Ă©pisodes psychologiques y sont ciselĂ©s, affinĂ©s encore par des rĂ©citatifs particulièrement audacieux – vrai dĂ©fi pour les belcantistes auto dĂ©clarĂ©s;  Lucio Silla annonce la sincĂ©ritĂ© de la trilogie Mozart et Da Ponte (Les Noces de Figaro, Don Giovanni, Cosi fan gutte), tout en abordant le thème central du despote magnanime (bientĂ´t traitĂ© dans son dernier sedia de 1791, soit presque 20 ans après Lucio), La ClĂ©mence de Titus.

Mozart: LUCIO SILLA, 1772
Insula Orchestra / Laurence Equilbey, direction
Avec Franco Fagioli (Cecilio), Paolo Fanale (Lucio Silla), Olga Pudova (Giunia)

Tournée

Le 23 avril 2016
PARIS, Philharmonie 2 / Cité de la musique, 20h30

Le 25 avril 2016
LE HAVRE, Le Volcan, 19h30

Le 27 avril 2016
VIENNE (Autriche), Theater an der Wien, 20h

Le 29 avril 2016
Aix en Provence, Grand Théâtre de Provence, 20h30

d’infos, réservations sur le site Insula Orchestra

LIRE notre compte rendu complet développé de LUCIO SILLA, présenté par ANGERS NANTES OPERA en mars 2010

Yehudi Menuhin, centenaire 2016

menuhin yehudi violon engagement review critique portrait classiquenews centenary centenaire 2016Anniversaire Yehudi Menuhin (1916-1999) : le centenaire Menuhin 2016. Musicien fraternel.  Le 22 avril 2016 marque les 100 ans du violoniste et chef amĂ©ricain Yehudi Menuhin, figure majeure de l’histoire musicale du XXè et pour tous les artistes et interprètes, un modèle moral d’abnĂ©gation, de gĂ©nĂ©rositĂ©, d’humanisme… PrĂ©cocitĂ©, richesse du rĂ©pertoire, souci des crĂ©ations, mais aussi finesse et intelligence voire subtilitĂ© musicale, autant de facettes dĂ©rivĂ©es de ses maĂ®tres (lĂ©gendaires) dont les premiers restent Enesco (dont il est l’Ă©lève dès 1927 Ă  11 ans!) et Adolf Busch (aux Ă©tĂ©s 1929 et 1930), Yehudi Menuhin est la grande figure du violoniste, virtuose et humaniste. A la perfection d’une puretĂ© expressive et poĂ©tique absolue, l’interprète ajoute l’Ă©vidence de la grâce, la prĂ©sence tangible de l’âme en musique ; l’enfant, l’adolescent respire musique, pense musique, vit musique ; soucieux de rĂ©vĂ©ler au monde, l’harmonie dont l’homme est capable, Yehudi Menuhin n’eut de cesse d’incarner cet idĂ©al du spirituel et du sensuel, du fraternel et de l’universel, dĂ©jĂ  par lui-mĂŞme (union / fusion esprit et corps rĂ©alisĂ©es grâce au yoga qu’il pratiqua quotidiennement), afin d’exprimer et de communiquer tangiblement les bĂ©nĂ©fices de la musique pour tous. NĂ© en 1916, dĂ©cĂ©dĂ© en 1999, le violoniste et chef amĂ©ricain traverse tout le XXè, recueillant les souffrances de ses contemporains telles des sources de dĂ©passements fraternels majeurs, rĂ©vĂ©lant pour tous combien la musique est ce baume au coeur, ce medium permettant de vaincre la violence et la barbarie par une remise en ordre, en harmonie de la sociĂ©tĂ© humaine.

Comme Rostropovitch, le travail artistique de Menuhin est surtout un engagement pour l’humanitĂ©. Jouer c’est penser, communiquer, exprimer avec l’autre. Souffrir et grandir avec lui. De son enfance Ă  l’âge adulte, Menuhin a su conserver son innocence et son espĂ©rance intactes. Une acuitĂ© qui relève de l’omniscience comme un gardien de la puretĂ© pourtant Ă©prouvĂ©e (par les guerres et les atrocitĂ©s de la barbarie environnante).

PACIFICATEUR pour le grand pardon. Le jeune homme tolĂ©rant, apĂ´tre de la rĂ©conciliation, sut rĂ©gĂ©nĂ©rer le dernier Bartok auquel il commandait la Sonate pour violon, dernier sommet d’un crĂ©ateur accablĂ©, usĂ© ; de mĂŞme, il sut dĂ©fendre le vieux Furtwängler, suspectĂ© de connivence passive avec le nazisme : Menuhin lui apporta un soutien indĂ©fectible pour sa dĂ©nazification (Berlin, septembre 1947). Dans l’adversitĂ©, les hommes sont touts frères, se soutenant, s’Ă©paulant, se comprenant : une vision humaniste et rĂ©solument pacifique que tend Ă  affirmer et transmettre le chef Daniel Barenboim vis Ă  vis du conflit Israelo-Palestinien… C’est pourquoi dans tous les fronts oĂą Menuhin s’affirma, il faut voire et le musicien et l’homme sublime, Ă©blouissant littĂ©ralement par sa hauteur de vue et sa discipline morale. Le violon compassionnel de Yehudi Menuhin se distingue entre tous : il a souffert avec tous, quand tous aujourd’hui veulent briller individuellement en se rĂ©clamant de sa figure.

Il faut Ă©couter le violoniste sage, humaniste soucieux du sens comme du salut, dans Bach et Mozart, mais aussi comme chambriste (avec Kempff dans Beethoven) surtout pilier rayonnant d’une mĂ©canique familiale, jouant avec son fils Jeremy et sa soeur cadette Hephzibah, sa cadette, aussi voire plus musicienne encore que lui… A tout un chacun, Yehudi Menuhin aura dĂ©voilĂ© la force spirituelle de la musique pour le bienfaits des hommes, pour l’Ă©volution heureuse de nos sociĂ©tĂ©s.

PEDAGOGUE. Son activitĂ© altruiste se concrĂ©tise entre autres en Angleterre oĂą il fonde l’Ecole Menuhin Ă  Cobham (Surrey, en 1962), puis en Suisse Ă  Gstaad (il est devenu citoyen suisse en 1970) dont l’actuel Festival souhaite perpĂ©tuer sa conception de la musique, entre dĂ©passement artistique et engagement humaniste. En 1994, le violoniste anobli par la Reine (1993), crĂ©e le programme MUSE, cycle d’Ă©ducation artistique pour les enfants pour prĂ©venir les effets de la violence et du racisme comme de tous les extrĂŞmismes. Donner une voix Ă  ceux qui en sont privĂ©s, rĂ©duire l’exclusion, favoriser l’entente et le partage grâce Ă  l’art et Ă  la musique…

En gĂ©nĂ©ral, ses concerts d’après guerre, après la douleur et la compassion des temps de guerre, sont les meilleurs de sa carrière de rĂ©citaliste ; ainsi les programmes Beethoven Brahms, Mendelssohn des annĂ©es 1950, certains sujets d’enregistrements, sont-ils particulièrement vĂ©nĂ©rĂ©s. Ouvert, tolĂ©rant, curieux, ayant comme Bernstein le goĂ»t des autres, Menuhin expĂ©rimente de nouvelles orientations musicales au grĂ© de ses rencontres ; deux seront marquantes, parce qu’elles lui apportent le bĂ©nĂ©fice d’un Ă©lĂ©ment jusque lĂ  Ă©tranger Ă  son art (dĂ©jĂ  grand) mais si essentiel pour l’harmonie de son âme artistique : l’improvisation. ExpĂ©rience vĂ©cue et approfondie ainsi avec les instrumentistes Ravi Shankar et le violoniste Stephane Grappelli dont les concerts ensemble dans les annĂ©es 1980 marquent un nouvel accomplissement du mĂ©tier et de l’approche musicale et humaine.

Bilan des éditions spéciales 2016 (celles que nous avons reçues) :

 

menuhin yehudi violon rca classical victor 6 cd review presentation classiquenews compte rendu critique CLASSIQUENEWSYehudi Menuhin : the complete american Victor recordings : 6 enregistrement des dĂ©buts 1929 – 1952 — 6 cd RCA red seal / Sony classical (dont le Concerto de Bruch 1945 et 1951 respectivement avec Pierre Monteux puis Charles Munch ; sans compter l’Ă©blouissant tĂ©moignage Bartok : Concerto pour violon et Sonate avec Antal Dorati et le pianiste Adolph Baller en 1947 et 1949).

menuhin yehudi le violon du siecle 3 cd review compte rendu classiquenews review presentation centenaire MenuhinCoffret Yehudi Menuhin : le violon du siècle (pour reprendre le titre du docu de Monsaingeon) : aperçu de l’art du violoniste amĂ©ricain comme concerttiste dans Bach, Vivaldi (les Quatre saisons), Viotti, Beethoven, Mendelssohn, Tchaikovski, Brahms, Paganini ; comme chambriste (Beethoven, Brahms, Schubert, Mozart, Bach, Franck, FaurĂ© … 3 cd Warner classics

Nouveau Rigoletto signĂ© Claus Guth Ă  l’OpĂ©ra Bastille

RIGOLETTO-hoempage-582-390-verdi-rigoletto-presentation-nouvelle-production-opera-classiquenews-582-390Paris, Bastille. Nouveau Rigoletto par Claus Guth : 9 avril-30 mai 2016. D’après Le roi s’amuse de Hugo, Verdi aborde le thème du politique et de l’arrogance punies dans leur propre rouage : ceux qui, intrigants crapuleux et méprisants, maudissent, punissent, invectivent ou ironisent, agressent ou ridiculisent, feraient bien re réfléchir à deux fois avant de dénigrer. Le bouffon nain Rigoletto paie très cher son arrogance : sa propre fille sera même sacrifiée, détruite, immolée. Et le pauvre nain en son pouvoir dérisoire n’aura en fin d’action que ses larmes pour réconforter le corps refroidi de Gilda, la fille qu’il aurait du protéger avec plus de discernement. Mais Verdi surprend ici moins dans le traitement de l’histoire hugolienne dont il respecte presque à la lettre la fureur barbare, l’oeil critique qui dénonce l’horreur humaine à vomir, que dans sa nouvelle conception du trio vocal romantique. Dans Rigoletto, le ténor n’est pas la victime mais le bourreau inconscient, ou plutôt d’une insouciance irresponsable qui reste effrayante : le Duc de Mantoue s’il considère la femme comme volage (souvent femme varie) chante en réalité pour lui-même ; en paon superbe et narcissique, volubile et infidèle, séducteur collectionneur, il viole la pauvre vierge Gilda, tristement enamourée ; la horde de serpillères humaines qui lui sert de courtisans conclut le portrait de la société humaine : une arène d’acteurs infects où règne le désir d’un prince lascif et inconsistant. Dans ces eaux opaques, Rigoletto pense encore s’en sortir.  Mais le stratagème qu’il met en œuvre en sollicitant le concours du tueur à gages, Sparafucile, pour tuer le Duc se retourne indirectement contre lui : sa fille Gilda sera la victime d’une nuit de cauchemar (dernier acte).  Fantastique, musicalement efficace et même fulgurante, la partition de Rigoletto impose définitivement le génie dramatique de Verdi, un Shakespeare lyrique.

Aux côtés du ténor inconsistant, le baryton et la soprano sont les deux victimes expiatoires d’une tragédie particulièrement cynique : emblèmes de cette relation père / fille que Verdi n’ a cessé d’illustrer et d’éclaircir dans chacun de ses opéras : Stiffelio, Simon Boccanegra,…

Passion Verdi sur ArteRigoletto Ă  l’opĂ©ra… ce n’est pas la première fois qu’un naif se fait duper et mĂŞme tondre totalement sur l’autel du pouvoir … Dans l’ombre du Duc, pensait-il qu’en singeant les autres, c’est Ă  dire en invectivant et humiliant les autres, il serait restĂ© intouchable ? Le nain croyait-il vraiment qu’il avait sa place dans la sociĂ©tĂ© des hommes ? La Cour ducale de Mantoue, le lieu oĂą se dĂ©roule le drame, semble incarner la sociĂ©tĂ© toute entière : chacun se moque de son prochain, et celui qui ridiculise, de moqueur devient moquĂ©, nouvelle dupe d’un traquenard qu’il n’avait pas bien analysé… Que donnera la nouvelle production qui tient l’affiche de l’OpĂ©ra Bastille Ă  Paris, signĂ©e Claus Guth (rĂ©putĂ© pour sa noirceur et son Ă©pure théâtrale – en particulier ses Mozart Ă  Salzbourg) ? Cette nouvelle production remplace le dispositif scĂ©nographiĂ© par JĂ©rĂ´me Savary, créé  in loco en 1996 et repris jusqu’en 2012… RĂ©ponse Ă  partir du 9 avril 2016 et jusqu’au 30 mai 2016. A ne pas manquer, car il s’agit de la nouvelle production Ă©vĂ©nement Ă  Paris au printemps 2016.

 

 

 

Rigoletto de Verdi à l’Opéra Bastille à Parisboutonreservation
Du 9 avril au 30 mai 2016 — 18 représentations
Claus Guth, mise en scène
Nicola Luisotti, direction musicale

 

Toutes les infos, les modalités de réservations sur le site de l’Opéra Bastille à Paris

 

 

 

Coffret cd, compte rendu critique. Intégrale Maurice Ravel par Lionel Bringuier (4 cd Deutsche Grammophon)

RAVEL lionel bringuier complete integrale Ravel Yuja wang ray chen review compte rendu critique cd classiquenews 4 cd deutsche grammophon 4795524Coffret cd, compte rendu critique. IntĂ©grale Ravel par Lionel Bringuier (4 cd Deutsche Grammophon). Première saison symphonique de Lionel Brunguier Ă  ZĂĽrich... VoilĂ  une première somme orchestrale dont tout jeune chef pourrait ĂŞtre particulièrement fier, enregistrĂ© par un label prestigieux dont chaque volet enregistrĂ© sĂ©parĂ©ment, compose aujourd’hui cette intĂ©grale captivante. NĂ© niçois en septembre 1986, le maestro français Lionel Bringuier va souffler prochainement ses 30 ans. Et pourtant force est de constater une sensibilitĂ© vive et analytique, douĂ©e de respirations magiciennes dans le sillon tracĂ© par ses prĂ©dĂ©cesseurs, les premiers enchanteurs dĂ©jĂ  collaborateurs de Decca / Philips, Ă  leur Ă©poque, dĂ©fenseurs passionnĂ©s / passionnants d’un rĂ©pertoire romantique et moderne français qui s’affirmait sans qu’il soit besoin d’Ă©taler aujourd’hui presque exclusivement l’argument des instruments d’Ă©poque. La seule sensibilitĂ© instrumentale de chaque tempĂ©rament fĂ©dĂ©rateur, sa science personnelle des nuances et des dynamiques… – les Ansermet, Martinon, Cluytens et hier, Armin Jordan, suffisait alors Ă  dĂ©montrer une maĂ®trise vivante de l’Ă©loquence orchestrale symphonique Ă  la française. Le jeune Bringuier serait-il animĂ© par le mĂŞme souci d’Ă©loquence et de style ?

 

 

A Zurich, directeur musical de la Tonhalle, un chef français rĂ©alise une première intĂ©grale ravĂ©lienne captivante…

Prodiges ravéliens de Lionel Bringuier

 

bringuier tonhalle Bringuier_Lionel__c__Priska_Ke_016d0fd013L’Ă©lève de Zsolt Nagy au Conservatoire de Paris, laurĂ©at du 25ème Concours de Besançon 2005 (grâce Ă  la Valse du mĂŞme Ravel), affirme ici dans les champs ravĂ©liens, une tension ciselĂ©e souvent irrĂ©sistible, mĂŞme si la prise de son trop flatteuse souvent, exacerbe la plĂ©nitude sonore plutĂ´t que sa transparente clartĂ©. Un manque de dĂ©tail et de ciselure arachnĂ©nenne qui ne doit pas ĂŞtre attribuĂ© Ă  la direction fine, articulĂ©e, subtilement dramatique du jeune maestro. Ce sont moins les Concertos pour piano (avec le concours de l’excellente mais un rien trop technicienne pianiste chinoise Yuja Wang en avril 2015) que les pages purement orchestrales, nĂ©cessitant lyrisme, dĂ©tail, feu dramatique qui confirment le tempĂ©rament du directeur musical, assistant de Salonen Ă  Los Angeles (2007), puis chef associĂ© nommĂ© par Gustavo Dudamel.

CLIC_macaron_2014Les 4 cd édités par Deutsche Grammophon regroupent les premières réalisations officielles de Lionel Bringuier comme nouveau directeur musical de la Tonhalle de Zurich, depuis septembre 2014, successeur de David Zinman. Tous, live de septembre 2014 à novembre 2015 montrent la complicité évidente entre chef et instrumentistes. Analysons les apports des cd les plus intéressants.

CD1 : ShĂ©hĂ©razade scintille de lueurs inĂ©dites, roussĂ©liennes, entre tragĂ©die, mystère et texture allusive ; Tzigane souffre d’un trop plein d’ardeur (Ray Chen peu subtil) ; Le tombeau de Couperin en revanche offre un beau festin de couleurs instrumentales.
CD2 : Si le Oncerto pour piano en sol majeur est trop percutant pet pas assez allusif (pianisme incisif de la soliste chinoise, certes prĂ©cise mais peu subtile), les Valses nobles et sentimentales Ă©talent une souple et flamboyante texture ; et Ma Mère l’Oye convoque toute la magie et la nostalgie du Ravel conteur, prophète d’un raffinement et d’une Ă©lĂ©gance exceptionnelle. Lionel Bringuier, ravĂ©lien engagĂ© et soucieux, tisse une Ă©toffe orchestrale des plus soignĂ©es, Ă  la fois, dĂ©taillĂ©e et d’une grande ductilitĂ© expressive.

bringuier lionel chef maestroLe CD 3 montre la direction sous un jour un peu trop dĂ©taillĂ© et prĂ©cautionneuse (dĂ©roulĂ© et continuitĂ© des 4 Ă©pisodes de la Rhapsodie espagnole) ; cependant que Alborada del Gracioco enchante littĂ©ralement ; mais c’est Ă©videmment La Valse – morceau de bravoure qui valut Ă  l’intĂ©ressĂ© son fameux Prix de Besançon et le dĂ©clic pour sa carrière internationale qui s’impose Ă  nous : confirmation d’un beau tempĂ©rament, habile dans le fini instrumental et d’une Ă©coute attentive Ă  la progression enivrante du poème chorĂ©graphique dont il souligne les Ă©clairs mordants, cyniques, l’ivresse Ă©chevelĂ©e, Ă  la fois dĂ©construite et organiquement structurĂ©e. Le travail sur les bois est en particulier flamboyant et magnifiquement ciselĂ© ; on comprend que d’une telle vision / comprĂ©hension, l’Ă©coute en sorte comme saisie par tant de contrastes maĂ®trisĂ©s, jouant sur la volubilitĂ© des instruments et l’Ă©lan collectif comme vĂ©nĂ©neux, emportant vers la transe finale. Un sacre du printemps ravĂ©lien, aux forces chtoniennes soumises au moulinet le plus raffinĂ©. Pour autant la mĂ©canique est idĂ©alement huilĂ©e, dĂ©taille tout… pourtant l’on se dit que si le technicien si douĂ© y mettait la vraie urgence, un feu irrĂ©pressible, la direction en serait non seulement magistrale mais rĂ©ellement captivante… Finalement le maestro qui ne peut que progresser nous promet de futurs accomplissements (Ă  l’opĂ©ra entre autres ? et par Richard Strauss dont les poèmes symphoniques pourraient ĂŞtre bonne amorce..?). De toute Ă©vidence Ă  suivre.

CD 4 : c’est le morceau de bravoure et le lieu des rĂ©vĂ©lations comme des accomplissements s’il y a lieu. Le ballet ici dans son intĂ©gralitĂ©, Daphnis et ChloĂ©, doit d’abord, enchanter, plus instinctif et d’une vibration allusive plutĂ´t que dĂ©crire ou exprimer. L’Ă©noncĂ© est certainement moins murmurĂ© et mystĂ©rieux que Philippe Jordan dans son excellente version parue en 2015, MAIS l’acuitĂ© des arĂŞtes orchestrales, l’intelligence globale, l’hĂ©donisme scintillant, bien prĂ©sent, se rĂ©vèlent malgrĂ© une Ă©toffe sĂ©ductrice souvent entière encore pas assez polie, ni filigranĂ©e, d’une plĂ©nitude amoureuse, manquant parfois et de tension et de lâcher prise. Le jeune chef aurait-il dĂ» encore attendre avant d’enregistrer ce sommet de symphonisme français ? … assurĂ©ment, mais il y reviendra. Car si l’Ă©noncĂ© est parfois trop explicite, et les contours comme les passages pas assez modulĂ©s ni nuancĂ©s (Danse gracieuse de Daphnis… trop claire, trop manifeste, et mĂŞme trop appuyĂ©e ; mĂŞme traits trop Ă©pais et marquĂ©s pour l’enchantement nocturne de Pan qui clĂ´t le premier tableau…), la baguette sait danser, et mĂŞme s’enfoncer dans le mystère, dans l’ivresse infinie, confinant Ă  l’immatĂ©rialitĂ© atmosphĂ©rique. Evidemment emportĂ© par le sens narratif plus facile, le chef rĂ©ussit davantage Danse gĂ©nĂ©rale, Danse grotesque de Dorcon, … tout ce qui rĂ©clame le manifeste et l’expressif (Danse guerrière, Danse suppliante du II…).

 

 

Lionel Bringuier : jeune maestro Ă  suivre

 

 

L’enchantement de l’aube ouvrant le III, manque lui aussi de scintillement mĂŞme si l’on reconnaĂ®t une très belle parure analytique. Le travail est nĂ©anmoins splendide, techniquement et esthĂ©tiquement convaincant, Ă  dĂ©faut d’y contenir ce supplĂ©ment d’âme et de mystère qui font tant dĂ©faut. Si l’on exprime nos rĂ©serves c’est que passionnĂ©s par Ravel comme le chef, nous espĂ©rons que dans un second temps, (prochain?), le maestro nous comble cette fois, au-delĂ  de l’Ă©loquence flamboyante trouvĂ©e ici malgrĂ© son jeune âge. En dĂ©pit de nos rĂ©serves, le contenu de cette première saison zĂĽrichoise de Lionel Bringuier, audacieux defenseur de la musique française s’impose Ă  nous avec force et Ă©clat. MĂŞme s’il y manque la profondeur et la subtilitĂ© espĂ©rĂ©es, le rĂ©sultat est convaincant, prometteur. C’est donc un CLIC d’encouragement et l’espĂ©rance que les prochaines rĂ©alisations iront plus loin encore dans le sens d’une absolue finesse suggestive.

 

 

 

RAVEL lionel bringuier complete integrale Ravel Yuja wang ray chen review compte rendu critique cd classiquenews 4 cd deutsche grammophon 4795524CD, coffret Maurice Ravel : intégrale des œuvres orchestales / complete orchestral Works. Lionel Bringuier. Tonhalle-Orchester Zürich (avec Yuja Wang, piano ; Ray Chen, violon) / 4 cd Deutsche Grammophon, live 2014-2015). CLIC de CLASSIQUENEWS.

Duo Beydts / Bernstein Ă  l’OpĂ©ra de Tours

guitry sacha yvonne printemps 019-yvonne-printemps-and-sacha-guitry-theredlistTOURS, OpĂ©ra. DoublĂ© Beydts / Bernstein : 25, 27 et 29 mars 2016. L’OpĂ©ra de Tours en cette ultime saison lyrique que dirige in poco le chef-directeur Jean-Yves Ossonce, joue la carte de l’insouciance apparente, pourtant portĂ©e par une gravitĂ© souterraine qui dĂ©fend sous le masque de la comĂ©die, une profondeur bouleversante. SubtilitĂ©, Ă©vanescence : voilĂ  l’Ă©quation qui donne sa cohĂ©rence Ă  cette nouvelle production Ă©vĂ©nement. Au programme deux pièces lyriques Ă  ne pas manquer : La SociĂ©tĂ© anonyme des messieurs prudents ou SADMP, joyau bouffe en un acte signĂ© Louis Beydts d’après le livret de Sacha Guitry et créé Ă  Paris en 1931. Puis, Trouble in Tahiti de Leonard Bernstein, Ă©galement en un seul acte unique, créé Ă  Waltham en juin 1952. Pour unifier le diptyque, c’est la metteur en scène dĂ©jĂ  apprĂ©ciĂ©e ici mĂŞme et dans une autre production double (associant La voix humaine de Pulenc et L’Heure espagnole de Ravel), Catherine Dune qui rĂ©tablit l’action théâtrale tout en cultivant aussi la poĂ©sie et l’humour. Guitry imagine 4 soupirants, dĂ©sormais associĂ©s en sarl pour couvrir de cadeaux « Elle », leur chère idolâtrĂ©e, au prorata de leur investissement. A la crĂ©ation, Guitry avait créé le rĂ´le d’AgĂ©nor, et sa partenaire, Yvonne Printemps Ă©tait « Elle ». L’ouvrage incarne les dĂ©lices d’un drame savoureux, plein d’esprit, propre aux annĂ©es 1930. Une bouffĂ©e d’insouciance au bord du prĂ©cipice  à venir…

bernstein Leonard_Bernstein_by_Jack_MitchellDans Trouble in Tahiti, Bernstein analyse avec l’acuitĂ© musicale qui lui est propre, les vertiges artificiels de la classe moyenne amĂ©ricaine, Ă  travers un petit couple, très petit bourgeois, très convenable, et pourtant si dĂ©risoire… dĂ©crit par 3 commentateurs (trio mâle et dĂ©lirant). 5 annĂ©es avant West Side Story, tout le Bernstein, gĂ©nie du musical, s’affirme dès 1952 : suavitĂ© mĂ©lodique, parodie et satire Ă  peine voilĂ©e, emportĂ© par un swing irrĂ©sistible et une orchestration d’une finesse Ă©blouissante. Nouvelle production incontournable.

Diptyque Beydts / Bernstein à l’Opéra de Tours
Vendredi 25 mars – 20h
Dimanche 27 mars – 15h
Mardi 29 mars – 20h

 

Billetterie
Ouverture du mardi au samedi
10h00 Ă  12h00 / 13h00 Ă  17h45
02.47.60.20.20

theatre-billetterie@ville-tours.fr

LA SOCIÉTÉ ANONYME DES MESSIEURS PRUDENTS
Opéra bouffe en un acte de Louis Beydts
Livret de Sacha Guitry
Création le 3 novembre 1931 à Paris

Direction musicale : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Catherine Dune
Décors : Elsa Ejchenrand
Costumes : Elisabeth de Sauverzac
Lumières : Marc Delamézière

Elle : Sophie Marin-Degor
Henri Morin : Laurent Deleuil *
Un gros commerçant : Antoine Normand
Un grand industriel : Lionel Peintre
Le Comte Agénor de Szchwyzki : Jean-Marie Frémeau

Présenté en français, surtitré en français

TROUBLE IN TAHITI
Opéra en un acte de Léonard Bernstein
Musique et Livret du compositeur
New Reduced Version – Garth Sunderland
Création le 12 juin 1952 à Waltham

Direction musicale : Jean-Yves Ossonce
Mise en scène : Catherine Dune
Décors : Elsa Ejchenrand
Costumes : Elisabeth de Sauverzac
Lumières : Marc Delamézière

Dinah : Sophie Marin-Degor
Sam : Laurent Deleuil *
Le trio : Pascale Sicaud Beauchesnais – Lionel Peintre – Antoine Normand

Présenté en anglais, surtitré en français

Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire / Tours

Toutes les infos et les modalités de réservation sur le site de l’Opéra de Tours

CD, coffret Narcisso Yepes : The complete Concertos recordings (5 cd Deutsche Grammphon)

yepes narcisso cd deutsche grammophon complete concertos recordings review compte rendu annonce critique classiquenews 028947954675-Cvr_n-240x240CD, coffret Narcisso Yepes : The complete COncertos recordings (5 cd Deutsche Grammphon). Décédé en mai 1997, le guitariste espagnol (né à Lorca en novembre 1927) Narcisso Yepes, incarne l’âge d’or de la guitare classique que Deutsche Grammophon a accompagné pendant plus de 20 années, en particulier de 1969 à 1979, soit une décennie parmi ses meilleures années comme interprète. Quadra puis quinqua, Yepes, ancien élève musicien au Conservatoire de Valence et d’origine plutôt modeste, se révèle subtile concertiste, soucieux de mettre en lumière une technicité souple et éloquente que son jeu précis, rond, chaleureux enrichit, en particulier dans plusieurs Concertos créés pour lui, et des transcriptions d’après Vivaldi (initialement pour luth), Granados, Falla, Albéniz (initialement pour piano)… entre autres. Le film Jeux interdits (René Clément, 1952, Narcisso Yepes a alors 25 ans et incarne la nouvelle génération d’interprète) le propulse internationalement, en particulier grâce à la pièce de Fernando Sor, à peine remanié. La musique angélique irradiante lumineuse exprime la tendresse d’une enfance sacrifiée sur l’autel de la guerre et de la barbarie humaine, enfance de la très jeune orpheline Paulette (5 ans) dont les parents on été mitraillés dans un convoi sur une route de la France de l’Exode de 1940… L’énergie palpitante du jeu de Yepes traduit magnifiquement la poésie pure, pleine d’espérance comme de blessures que le film de René Clément communique. Hélas pas de Jeux Interdits dans le coffret mais le Concerto de Rodrigo saura tout autant traduire et transmettre le feu pudique d’un Yepes souverain en son style.

Guitare concertante chez Deutsche Grammophon : 1969-1979

Narcisso Yepes, la probité de l’art

CLIC D'OR macaron 200Celui qui inaugura sa carrière officielle sous la direction du chef Ataulfo Argenta (l’élève de Karl Schuricht et qui crĂ©a l’orchestre de chambre de Madrid en 1949), dans le fameux Concerto d’Aranjuez de Joaquin Rodrigo, – ample concerto nĂ©obaroque et rĂ©solument mĂ©ditatif et chambriste si proche du tempĂ©rament naturel de Yepes (pièce prĂ©sente ici dans deux enregistrements, celui inaugural de mai 1969 puis celui plus tardif qui clĂ´t le cycle, rĂ©alisĂ© Ă  Londres en avril 1979), s’affirma surtout pour la grande technicitĂ© avec laquelle il s’était rendu maĂ®tre de sa guitare Ă  10 cordes. Un instrument que Maurice Ohana a mis en scène dans le fameux Concerto (Tres graficos / Trois graphiques pour guitare et orchestre-) composĂ© spĂ©cialement pour le guitariste et ici enregistrĂ© avec le LSO et Rafael FrĂĽbeck de Burgos en janvier 1975).

Yepes-Narciso-16Le coffret édité par Deutsche Grammophon réunit en 5 cd l’intégralité de ses enregistrements de concertos effectués entre 1969 et 1979. Outre le Rodrigo de 1969, distinguons surtout les Concertos de Giuliani (1977), Bacarisse/Halffter (1972), Ruiz-Pipo (1975), Villa-Lobos et Castel Nuoco-Tedesco (1976), auxquels le Concerto d’Aranjuez de Rodrigo (enregsitré deux fois, à 10 années d’intervalle) apporte un complément plus méditatif et atemporel. Tout l’art de Narcisso Yepes est là, concentré dans ce condensé de musique baroque, néo baroque, et contemporaine : concentration mesurée, et sonorité limpide, aux côtés d’une digitalité précise voire arachnéenne. Et toujours sur chacune des pochettes de cette collection choisie, le visage concentré, simple d’un homme mûr quasi chauve, dont les yeux en forme de sourire se cachent derrière de grosses lunettes… Yepes c’est la probité de l’art, qui n’a besoin ni du masque séducteur de la jeunesse, ni d’un effet marketing décalé pour affirmer sa souveraine musicalité. Modestie et mise sans prétention d’un immense interprète. Coffret événement.

CD, coffret Narcisso Yepes : The complete Concertos recordings (5 cd Deutsche Grammphon). CLIC de CLASSIQUENEWS de mars 2016.

LIRE aussi la présentation du coffret Narcisso Yepes sur le site du Club Deutsche Grammophon :

Livres, compte rendu critique. TimothĂ©e Picard : La Civilisation de l’OpĂ©ra (Sur les traces d’un fantĂ´me (Éditions Fayard, fĂ©vrier 2016)

timothee picard la civilisation de l opera critique compte rendu classiquenews fevrier 2016 classiquenewsLivres, compte rendu critique. TimothĂ©e Picard : La Civilisation de l’OpĂ©ra (Sur les traces d’un fantĂ´me (Éditions Fayard, fĂ©vrier 2016). Le titre de cet essai global, emprunte Ă  Nietzsche une posture partisane, celle oĂą le philosophe encore ami de Wagner, dĂ©fendait dans son propre essai, “La Naissance de la tragĂ©die grecque”, l’opĂ©ra germanique seul hĂ©ritier digne depuis l’opĂ©ra italien de Monteverdi, et comme lui vĂ©ritable prolongement critique et Ă©volutif sur la forme chant/théâtre. L’auteur se saisit d’un autre penseur critique, Walter Benjamin, qui dĂ©clare vis Ă  vis du roman de Gaston Leroux (paru en 1910), journaliste devenu Ă©crivain et prĂ©curseur du cinĂ©ma PathĂ©, que Le FantĂ´me de l’opĂ©ra est bien “l’un des grands romans sur le XIXème siècle”.
Aujourd’hui, ceux qui ont lu le livre ou sont capables d’en citer quelques chapitres, tout au moins retracer la construction de certains passages, sont bien peu nombreux (ormis peut-ĂŞtre la scène oĂą le FantĂ´me monstrueux, Erik, paraĂ®t au Bal, masquĂ© sous les traits de la Mort Rouge en allusion Ă  la nouvelle macabre, terrifiante de Poe-), tant l’histoire du FantĂ´me de l’OpĂ©ra, ayant survĂ©cu Ă  son origine littĂ©raire et romanesque, inspire chanteurs, auteurs de sĂ©ries tĂ©lĂ©visuelles, surtout comĂ©dies musicales dont celle signĂ©e Lloyd Webber, dĂ©passe tous les succès l’ayant prĂ©cĂ©dĂ©. GĂ©nie romanesque douĂ© d’une construction astucieuse (Le Mystère de la chambre jaune, premier chef d’Ĺ“uvre de 1908), Leroux dĂ©fie les lois habituelles du genre, aimant principalement fusionner les registres poĂ©tiques : onirique, fantastique, terrifiant, spectaculaire. Avant d’ĂŞtre cinĂ©matographique, son Ă©criture est opĂ©ratique. Consciente des effets visuels et imaginaires qu’elle produit, et gĂ©niale dans sa façon de les amener comme de les agencer. Mais le texte interroge moins les clĂ©s de l’Ă©criture du dramaturge que la fascination exercĂ©e par son sujet, ce que signifie Ă  chaque Ă©poque de rĂ©ception, le choix du thème opĂ©ra et comment la perception et l’esthĂ©tique de Leroux a enrichi considĂ©rablement le mythe…
D’oĂą vient cet attrait pour le roman français ? Ne serait-ce pas plutĂ´t au fond, ses personnages (dignes du trio opĂ©ratique romantique : un tĂ©nor, un baryton mĂ©chant – soit le monstre, et entre les deux, une soprano indĂ©cise ?), ou mieux : son sujet, l’OpĂ©ra, comme lieu et comme genre ?

 

 

 

Le mythe de l’opĂ©ra Ă  travers les avatars du FantĂ´me de l’OpĂ©ra…

FantĂ´mes et mythe de l’OpĂ©ra

 

LEROUX gaston G._LEROUXL’essai prend Ă  bras le corps toutes les pĂ©ripĂ©ties et les avatars nĂ©s depuis le roman de Leroux, engage un questionnement philosophique sur la question de l’opĂ©ra lui-mĂŞme : miroir, emblème, “mĂ©tonymie”, symptĂ´me de la sociĂ©tĂ©, et donc par extension et rĂ©fĂ©rences, “signe” de la civilisation elle-mĂŞme, en particulier celle du XIXè, qui a produit le sommet de cette Ă©volution qui fusionne opĂ©ra et sociĂ©tĂ©, le Palais Garnier. Le vaisseau créé par Garnier (admirateur de ThĂ©ophile Gautier et de Dumas) en 1875, prend son origine au Second Empire, luxueux et dĂ©cadent, et s’impose Ă  l’imaginaire des bons bourgeois de la IIIè RĂ©publique, arrogants, prĂ©tentieux, parfaitement parisiens c’est Ă  dire, fastueusement vaniteux. C’est le lieu oĂą on Ă©coute autant qu’il fait s’y faire entendre ; observer autant qu’il faut s’y faire voir… L’escalier monumental suffit Ă  rappeler que ses abords sont d’abord des espaces publics, au caractère mondain et social. En somme si Stendhal a Ă©crit la chronique de l’opĂ©ra aristocratique depuis la Scala (au tout dĂ©but du XIXè), Leroux au dĂ©but du siècle (suivant), Ă  l’Ă©poque post industrielle et impressionniste, reconstruit le mythe de l’OpĂ©ra de Paris, qui reste encore la capitale du XIXème siècle et concentre les caractères les plus marquants de la France des Grands Magasins, des Boulevards, des gares, des chemins de fer.
Tout en restituant les nombreuses sources littĂ©raires comme les hommages de Leroux, l’auteur inventorie ce que le roman intègre, n’Ă©cartant pas le contexte des Ĺ“uvres contemporaines (Zola, Verne…), ni l’analyse objective de sa construction dramatique comme ses personnages : Christine se laisse mĂ©lancoliquement portĂ©e au bras de Raoul dans le dĂ©dale du Palais Garnier, Ă  la fois grotte minĂ©rale et Atlantide en son lac, mais aussi se voit subjuguĂ©e d’abord par le monstre mystĂ©rieux, alors conquĂ©rant sublimĂ©, avant de le considĂ©rer pour ce qu’il est (et pour ce qu’il ambitionne petitement): un petit bourgeois (plutĂ´t qu’un vĂ©ritable hĂ©ros d’opĂ©ra), ayant creusĂ© son appartement cossu, d’un kitsch inepte, pour y sĂ©questrer sa future Ă©pouse : mari Ă©triquĂ© et confort poussiĂ©reux, l’idĂ©al et la figure hĂ©roĂŻque dĂ©moniaque perdent ainsi de leur lustre.
PlutĂ´t qu’un motif, dĂ©cor interchangeable-, l’opĂ©ra atteint grâce au roman de Leroux, le statut d’un mythe, aux confluents des genres, entre industriel, criminel et fantastique. La Londres du XIXè a produit Jack l’Eventreur ; le Paris post hausmannien, celui de Garnier, recueillant le dĂ©cadent Second Empire, et aussi l’idĂ©al rĂ©publicain de la IIIè RĂ©publique, engendre un nouveau mĂ©tissage, le terrifiant pathĂ©tique (dans la mouvance d’Elephant man) et du surnaturel artistique : le monstre et la diva composent un duo Ă©clectique, promis Ă  bien des lĂ©gendes et des fantasmagories en sĂ©ries. La performance “monstrueuse” de la cantatrice, comme l’aspect hideux du fou masquĂ©, s’exaltent l’une l’autre.
opera fantome de l opera de gaston leroux 220px-Gaston_Leroux_-_Le_Fantome_de_l'OpĂ©raA travers toutes ses adaptations variĂ©es, c’est le mythe de l’OpĂ©ra, ses connotations fantastiques et dramatiques, tragiques et pathĂ©tiques qui se manifestent sans s’Ă©puiser. ConfrontĂ© au miroir social qu’il suscite, l’opĂ©ra pose clairement la question au centre de l’essai : qui sont les vĂ©ritables monstres et oĂą sont-ils ? ou plutĂ´t s’il y a un monstre donc un mystère, je vais aimer. L’opĂ©ra après tout ne serait pas aussi, aimer se faire peur, soit la grand théâtre de l’effroi ? A l’heure des sĂ©ries de plus en plus inventives sur le plan des scĂ©narios (voyez l’excellente Penny Dreadfull, sommet des registres mĂŞlĂ©s mais ici exclusivement britannique : onirisme, romantisme gothique, surnaturel satanique, fantastique et terrifiant spectaculaire oĂą sont mĂŞlĂ©s très habilement Wilde, Shelley, Frankenstein et le loup garou, jusqu’au Dracula de Stocker), le roman de Leroux s’affirme comme un modèle dramatique. En traitant le mythe de l’opĂ©ra, il en exposĂ© toutes les composantes d’attraction.
Porteur d’une interrogation salvatrice, l’opĂ©ra en quĂŞte de lui-mĂŞme, mĂŞme au cĹ“ur de la culture mondialisĂ©e, standardisĂ©e, n’a jamais mieux attirĂ©, cristalisant mĂŞme toutes les attentes dans le genre du spectaculaire et du fantastique. A l’opĂ©ra, j’aime avoir peur (comme au cinĂ©ma) mais avec ce surcroĂ®t de rĂ©alitĂ© que diffuse les planches, l’orchestre en fosse, le chef qui s’agite, et les chanteurs qui jouent leur voix sur la scène. A celui dont on disait qu’il Ă©tait un genre Ă©litiste et mort, l’auteur consacre donc une manière d’hommage, face Ă  son pouvoir inusable, tant de fois dĂ©criĂ© (car soit disant poussiĂ©reux, codifiĂ©, ridicule), mais toujours Ă©tonnamment vivace, captivant. Le roman de Leroux a su saisir l’essence de l’opĂ©ra Ă  travers les âges : son indĂ©fectible pouvoir d’attraction. L’auteur en dĂ©mĂŞle les multiples clĂ©s d’accès et de comprĂ©hension. Lecture indispensable.

CLIC D'OR macaron 200Livres, compte rendu critique. TimothĂ©e Picard : La Civilisation de l’OpĂ©ra (Sur les traces d’un fantĂ´me (Éditions Fayard, fĂ©vrier 2016). EAN13: 9782213681825. 760 pages. Prix indicatif :35 €. CLIC de CLASSIQUENEWS de FĂ©vrier et mars 2016.
Le Théâtre Mogador Ă  Paris reprend Le FantĂ´me de l’OpĂ©ra, version Andrew Lloyd Webber, Ă  partir du 13 octobre 2016 (30ème anniversaire de la crĂ©ation du spectacle, chantĂ© en français). Et dans son livre, l’auteur annonce de nombreuses nouvelles adaptations du FantĂ´me de l’OpĂ©ra de Leroux en sĂ©ries et au cinĂ©ma…