jeudi 18 avril 2024

Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris

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Verdi_wagner_opera_de_paris_catalogue_expositionLivres. Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris, catalogue d’exposition. En complément de l’exposition événementielle (qui clôt actuellement le bicentenaire des deux compositeurs en 2013) et qui a lieu à la Bibliothèque-musée de l’Opéra au Palais Garnier jusqu’au 9 mars 2014, l’Opéra et la BNF co-organisateurs éditent ce remarquable catalogue. La publication  rend compte de la richesse du sujet comme de la pertinence de l’approche scientifique et muséologique du parcours. Au XIXème, Paris reste le cœur de la modernité en marche et pour l’opéra, un temple de toutes les audaces comme le tremplin des carrières les plus prestigieuses. C’est pourquoi les deux contemporains, Wagner comme Wagner (nés en 1813) ont veillé à faire créer leurs œuvres à Paris. Si de leur vivant, les deux compositeurs réalisent différemment ce défi, chacun se confrontent tout en la découvrant, à la grande machine lyrique française : sérieux des répétitions et de la préparation des productions (même Wagner s’en étonne pour son Tannhäuser de 1861 pourtant imposé à l’institution par Napoléon III), surtout obligation pour les deux auteurs en recherche de reconnaissance et de gloire, d’écrire un ballet et de le placer précisément au 2ème acte, vers 10h du soir quand amateurs et abonnés (ceux du Jockey club) rentrent de dîner pour aller au théâtre afin d’y goûter le spectacle des danseuses.

Verdi saura se plier à cette tradition gauloise … avec le succès et les conséquences que l’on sait pour lui : 7 opéras seront ainsi produits de son vivant sur la place française ; Wagner moins flexible (et moins diplomate) n’aura pas cette intelligence : s’il écrit pour Paris un grand ballet pour Tannhäuser, il le place au début (pour ne pas rompre le fil dramatique de l’oeuvre) : il n’en fallait pas moins pour susciter un scandale et fâcher définitivement les décisionnaires avec ses oeuvres (du moins de son vivant).

 

 

 

Tout cela est remarquablement expliqué et récapitulé dans les textes richement illustrés, à travers 5 articles qui rétablissent le contexte, les enjeux esthétiques, le fonctionnement des commandes, le suivi des productions pour par exemple outre la création parisienne de Tannhäuser de Wagner en 1861 donc, celle des opéras de Verdi dont les 3 créations Jérusalem, Les Vêpres Siciliennes, Don Carlos (sans omettre les adaptations françaises des partitions déjà crées en Italie ou ailleurs : Nabucco (1845), Aïda (1880), Othello (1894), …

Verdi sort grand vainqueur des relations à l’institution parisienne : son buste figure dans le décor artistique choisi par Garnier pour le nouvel Opéra inauguré en 1875. Pour sa part, la réhabilitation de Wagner et sa faveur auprès du public et des directeurs, se fera plus tard, dans les années 1890 (après la mort du musicien) constituant jusqu’à aujourd’hui le pilier du répertoire … avec Verdi : l’association Verdi – Wagner et l’Opéra de Paris est dont totalement justifiée, outre l’opportunité du double bicentenaire 2013.

Au final, contributions et compléments iconographiques précisent de façon idéale, l’activité de Wagner et de Verdi à l’Opéra, de leur vivant, puis, sous l’angle d’une fortune critique, après leur mort, où, dans la programmation de la Maison lyrique, leurs oeuvres respectives attirent toujours autant les foules.
C’est aussi un bilan de l’Institution à leur époque, ce en quoi consiste le  » grand opéra  » à la française à l’heure du romantisme tardif, la réalité de la scène alors et une histoire des interprètes dont le choix pour chaque création ou reprise, est toujours le sujet d’échanges musclés entre le Théâtre et les compositeurs.

Fidèle au parcours de l’exposition, le catalogue conclut sa réflexion fructueuse sur une présentation des créations, premières et grandes reprises à l’Opéra de Paris, jalons d’une histoire lyrique passionnante, depuis Les Vêpres Siciliennes (1855) et Le Trouvère (1857) de Verdi (premier dans les lieux donc), Tannhäuser de Wagner (1861) jusqu’à Vaisseau Fantôme (1937) et Un Bal Masqué (1951)… sans omettre leurs échos contemporains incluant la récente Aïda (de 2014 version Olivier Py), comme le premier Ring à Bastille version Günter Krämer (en 2013)…

 

Exposition événement au Palais Garnier : Verdi et Wagner

En vérité, si aucune oeuvre de Verdi ne pose plus de problème aujourd’hui sur le fait de la choisir et de la produire à Paris, il n’en va pas de même avec les opéras de Wagner, en particulier Le Ring, toujours connoté, instrumentalisé, détourné en raison de l’antisémitisme de son auteur, récupéré ensuite par les nazis (les allusions à cette relecture hitlérienne du Ring n’ont pas manqué de susciter leur lot de réactions à Paris en 2013). Sur le plan artistique, l’obligation du grand opéra postmeyerbeerien incite Verdi comme Wagner à se dépasser en créant une forme à la fois grandiose et collective mais aussi intime et psychologique qui stimule l’ingéniosité des équipes techniques de l’Opéra de Paris : longtemps, le Théâtre parisien a compté parmi les meilleures maisons offrant décorateurs et scénographes expérimentés… c’est aussi l’un des enseignements de cette remarquable publication. A lire et à voir à la Bibliothèque Musée de l’Opéra, jusqu’au 9 mars 2014.

Verdi, Wagner et l’Opéra de Paris.  Catalogue de l’exposition à la Bibliothèque-musée de l’Opéra, Palais Garnier à Paris, jusqu’au 9 mars 2014. Ouvrage collectif. ISBN: 978 2 7177 2546 9. Éditions BNF. Bibliothèque nationale de France, avec l’Opéra national de Paris. Parution : début décembre 2013.

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